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Rester vigilant sur la présence de bismuth dans le lait

Les obturateurs de trayons ont pour objectif de prévenir physiquement l’entrée dans la mamelle des pathogènes présents dans l’environnement (streptocoques, E. coli, etc.). Ils peuvent aussi bloquer la fuite des antibiotiques introduits en amont dans le trayon, si elle existe, et ce sur une période longue.

L’efficacité des obturateurs internes « conventionnels » de trayons n’est plus à démontrer. Pourtant, les résidus d’un de leurs composants, le sous-nitrate de bismuth, potentiellement toxique pour l’homme et l’animal, poussent à s’interroger sur les précautions d’emploi.

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Les propriétés antiseptiques du sous-nitrate de bismuth (métaux lourds) sont utilisées dans les obturateurs internes de trayons commercialisés partout dans le monde. L’efficacité de ces obturateurs n’est plus à démontrer comme le rapportent bon nombre d’études scientifiques, pour autant l’utilisation du sous-nitrate de bismuth doit amener à s’interroger pour certaines applications ou certaines filières fromagères, estime Dominique Bergonier, enseignant-chercheur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse. « Les obturateurs internes de trayons réduisent de 75 % le risque de nouvelles infections de la mamelle par rapport à l’absence de traitement au tarissement », explique-t-il, avant de noter que des résidus de sous-nitrate de bismuth dans le lait peuvent passer parfois inaperçus et se retrouver, par exemple, dans les fromages affinés longuement.

Des points noirs dans le fromage affiné

« Les black spots, ou points noirs, résultat de la cristallisation du bismuth, n’apparaissent qu’au bout de plusieurs mois d’affinage. Pour le cheddar, le phénomène a été observé après quatre à huit mois d’affinage, avec des fromages invendables à la fin », note le chercheur.

Les signes de présence de bismuth (points noirs) peuvent apparaître plusieurs mois après affinage de fromages, les rendant impropres à la vente. (© Agroscope)

Si le nitrate de bismuth est utilisé en médecine humaine depuis des siècles, il est connu depuis la seconde moitié du XXe siècle pour ses effets neurotoxiques potentiels, uniquement s’il passe dans le sang. À fortes doses, il peut alors entraîner des encéphalopathies (troubles de la conscience, confusions, maux de tête...), ce qui a entraîné son interdiction en 1974, excepté dans des conditions bien spécifiques en médecine humaine. Il a été longtemps employé pour ses propriétés antiseptiques, par voie orale, pour les ulcères gastro-duodénaux, les diarrhées, colites ou entérites et, par voie cutanée, pour des infections de la peau ou des blessures. « Des résidus de sous-nitrate de bismuth, visibles ou non, issus des obturateurs de trayons sont possibles dans le lait à destination de la consommation humaine comme animale (veau) et dans l’environnement », souligne Dominique Bergonier, avant de rappeler qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour une quelconque toxicité pour les vaches (voie mammaire). Certaines études constatent parfois « une remontée dans la citerne glandulaire de petites parties de l’obturateur. Des particules peuvent se détacher, migrer et rester adhérentes au tissu mammaire, avec un risque de contamination ultérieure des installations de traite ou du lait de tank. » Pour chaque trayon, une seringue de 4 g contient 2,6 g de sous-nitrate de bismuth lourd, quelle que soit la marque.

« Une étude québécoise réalisée sur 557 quartiers de 156 vaches montre la persistance de tout ou partie de l’obturateur au vêlage dans 83 % des quartiers, souvent les quartiers arrière et/ou ayant reçu uniquement un obturateur sans antibiotique. Lorsqu’un bouchon était encore présent à la première traite, l’élimination des résidus dans le lait après vêlage a été significativement plus longue : 4,5 jours en moyenne, avec un maximum de 12 jours. De plus, la durée d’élimination était plus longue pour les vaches les plus âgées », reprend Dominique Bergonier. Au final, l’âge avancé des vaches, la position arrière du trayon, l’absence d’antibiotique combiné à l’obturateur et la longueur de la période sèche sont associés à la persistance de l’obturateur dans le trayon et donc au risque de retrouver des résidus de sous-nitrate de bismuth.

Un risque pour l’environnement

Le sous-nitrate de bismuth est une molécule très stable, non dégradable et insoluble dans l’eau, d’où un risque pour l’environnement et l’importance d’éliminer les résidus correctement. Les études ont montré également que les résidus visibles de sous-nitrate de bismuth étaient deux fois moins élevés lors d’injection d’antibiotiques dans le trayon avant la pose de l’obturateur. Cela pourrait être dû aux excipients utilisés dans les produits antibiotiques et les obturateurs (suspensions huileuses), « avec une modification de la viscosité et de l’adhérence du produit », selon le professeur.

Aujourd’hui, pour faire face à ce problème, il n’y a pas de solution miracle, mais il faut renforcer les mesures de précaution à mettre en place non seulement lors de la pose, mais aussi lors du retrait des obturateurs. L’éleveur doit impérativement respecter les protocoles d’insertion et d’élimination de tous résidus visibles, avec une surveillance spécifique pour les vaches plus sujettes à une persistance accrue (examiner les premiers jets de lait dans un bol de traite à fond noir au-delà de quatre jours, traire au pot, utiliser systématiquement des filtres à lait de porosité adaptée…). « Pour rappel, le lait ne peut être valorisé avant le septième jour de traite (période colostrale réglementaire), sauf en cas de mise-bas prématurée (quatorze jours) », complète Dominique Bergonier.

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