Chute de production Les données du robot venues en appui du diagnostic
Dans un élevage du Pas-de-Calais, la production de lait par vache et par jour a chuté sans explication. Thomas Michaux, le vétérinaire de la ferme, a cherché à comprendre en allant fouiller dans les données du robot de traite.
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Thomas Michaux est vétérinaire dans le Pas-de-Calais et, pour résoudre le problème de baisse de production de la soixantaine de vaches du troupeau de l’EARL du Val, il est allé regarder de plus près les données du robot de traite. Et bien lui en a pris ! « Je suis la reproduction de cet élevage depuis plusieurs années, explique Thomas Michaux. La production de lait de l’élevage tourne en moyenne autour de 29 litres de lait par vache et par jour. En septembre 2021, l’éleveur constate une baisse de production assez importante depuis quelques semaines. Le troupeau est passé en dessous des 24 litres par vache et par jour ! »
Au même moment, deux déplacements de caillette surviennent, soit environ « un quart des vaches fraîches vêlées », selon Thomas Michaux. Pourtant, rien d’anormal n’est détecté dans la sphère utérine et elles ne sont pas en acétonémie. Côté état corporel, elles sont entre 2 et 3, mais quand même majoritairement autour de 3. « Dans cet élevage, les vaches vêlent autour de 3,5 à 4 de note d’état corporel. Ainsi, au pic de lactation, avec un amaigrissement maîtrisé, les vaches ont une note de l’ordre de 2,5 », relève Thomas Michaux.
Alors que se passe-t-il ? Le vétérinaire détecte seulement des bouses très liquides, avec de nombreux grains, notamment pour les vaches vêlées récemment.
Un problème d’alimentation ?
Sur le plan de l’alimentation, les vaches ont une ration très déséquilibrée à l’auge (ensilage d’herbe, maïs ensilage et betteraves fourragères) pour les attirer au robot. Et ce dernier distribue un correcteur azoté (40 % de matière azotée totale ou MAT) et un concentré de production à 18 % de protéines. La ration n’a pas subi de gros changements depuis un ou deux ans et jamais une telle baisse de production n’avait été observée avant. « Les fourrages sont différents d’une année à l’autre certes, mais cela n’explique pas une telle baisse de production. Il n’y avait pas non plus de changement de silos, aussi bien pour l’ensilage de maïs que d’herbe », relève Thomas Michaux.
« Nous avons alors regardé dans les tableaux de bord du robot pour chercher à comprendre, continue-t-il. Et l’éleveur avait déjà testé quelque chose. En effet, il avait ajouté de la farine de maïs à l’auge, à la suite d’une discussion avec son technicien, afin de combler probablement un déficit d’amidon rapidement fermentescible dans la ration. Or, trois semaines plus tard, rien n’avait changé, cela avait plutôt empiré ! Donc, ce n’était pas la solution. Le problème était donc ailleurs.»
Les tableaux de bord affichent un niveau de production bas par vache et une fréquentation basse également. Les vaches n’apparaissent pas en sub-acidose car le temps de rumination et le rapport gras/protéine sont dans les normes. Pour autant, le niveau d’urée du troupeau est inférieur à 100 mg/l alors qu’il devrait être entre 220 et 280 mg/l avec la ration donnée. Cela laisse envisager un déséquilibre azote/énergie pour une partie des animaux.
Les données du robot interrogent
C’est en fouillant dans les courbes que Thomas Michaux et l’éleveur tombent sur les courbes de distribution des aliments. Si celles-ci paraissent normales pour les primipares, elles interpellent pour les multipares. Une baisse importante de la distribution du concentré de production est observée à 60 jours post-partum, moment de transition entre la ration imposée de début de lactation (distribution d’aliment fixe en fonction des jours en lait) et la ration distribuée en fonction de la production réelle de la vache. De plus, les multipares devraient présenter une production de 20 % de plus que les primipares, alors qu’à ce jour, les niveaux sont équivalents.
« Plusieurs hypothèses s’offraient à nous à ce moment-là, avec une chute de production probablement expliquée uniquement par les multipares, observe le vétérinaire. Les vaches pouvaient consommer trop de concentré avant J 60, tomber en subacidose et baisser leur production après, mais cela était peu probable. Il était aussi possible que la table d’alimentation soit trop discriminante après J 60, avec une chute trop forte de concentré. Des erreurs présentes dans la table conjuguées à une mauvaise préparation des vaches auraient aussi permis d’arriver à cette chute de production, etc. » Une discussion avec l’éleveur s’ensuit. Celui-ci explique que cette année, par manque de temps et de motivation, les vaches n’ont pas été rentrées pour une préparation avant vêlage alors que les génisses qui avaient vêlé plus tôt dans la saison avaient été préparées comme d’habitude.
« Les vaches vêlées depuis août étaient passées d’une ration 100 % herbe à une ration plus énergisante sans la moindre transition, analyse Thomas Michaux. Les autres années, l’éleveur rentrait les vaches une dizaine de jours avant vêlage, ce qui est toujours un peu limite mais mieux que rien. »
Un problème multifactoriel
Le problème est donc multifactoriel : une mauvaise préparation des vaches vers la ration de lactation, tant en matière de capacité d’ingestion que de préparation de la flore ruminale, couplée à quelques défauts dans les tables d’alimentation et l’apport de concentré.
Pour compenser, une ration spécifique vache tarie, assez simple, a été mise en place avec 18 kg d’ensilage de maïs, 2,3 kg de correcteur azoté, 5 kg de paille broyée à 2 cm, un minéral pour vache tarie et du sel. « Pour maintenir le niveau de production, il fallait impérativement remettre en place une préparation correcte des animaux au vêlage, relève Thomas Michaux. Les animaux ayant eu cette ration de préparation ont tout de suite présenté de meilleur démarrage en lactation, moins de problèmes métaboliques et une meilleure persistance dans la production. Même si quelques fièvres de lait ont été à déplorer, l’élevage est remonté à son niveau de 29 l par vache et par jour quelques mois après nos modifications. Comme l’éleveur ne veut pas acidifier la ration des vaches taries pour diminuer les fièvres de lait, nous suppléons avec de la vitamine D3, du calcium et des perfusions.»
Quant aux rations d’alimentation du robot, il est recommandé d’apporter à l’auge un minimum de 0,93 unité fourragère lait par kilo de matière sèche, de 11 à 13 % de MAT selon le mode de fonctionnement et le niveau de production. De plus, il est important de garder, dans les calculs de ration, un écart de 5 kg de lait de différence entre la quantité de lait permise par l’énergie apportée dans la ration et celle permise par la quantité d’azote. « En gros, la ration à l’auge permet de produire grâce à l’énergie 29 l de lait alors que les apports azotés ne permettent que 24 l, le reste étant distribué par le robot pour attirer les vaches à la traite, conclut Thomas Michaux. On conseille donc d’avoir au maximum 5 kg de lait de différence entre le lait permis par l’énergie et le volume permis par les apports azotés. »
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