SIMULIE : UNE MENACE MORTELLE
Des attaques massives de moucherons hématophages, les simulies, ont tué des bovins en avril près de Nancy. Un incident rare, que les bouleversements climatiques risquent de favoriser.
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UNE AUGMENTATION BRUSQUE DES TEMPÉRATURES, une absence de vent, une zone humide ou un ruisseau forment les conditions idéales pour qu'éclosent en masse des simulies. C'est en milieu aquatique que se déroule le stade larvaire de ces petites mouches noires, bossues et mesurant 2 à 6 millimètres. Présentes en fin d'été début d'automne et au printemps, elles peuvent attaquer en nuées importantes bovins et chevaux jusqu'à les tuer !
Début avril 2015, en Meurthe-et-Moselle, ce phénomène a provoqué le décès de gros bovins en pâture. Une mort foudroyante, qui a frappé trois des quatorze génisses allaitantes mises à l'herbe depuis vingt-quatre heures par le Gaec de Saint-Géran, à Agincourt.
INTOXICATION PAR DES PIQÛRES MASSIVES
« La météo avait été idéale pour lâcher ce lot de charolaises et limousines gestantes. Je suis allé les voir dès le lendemain, se souvient Benoît Reignier, éleveur en société avec son frère. Deux étaient mortes ! Une troisième présentait une multitude de gouttelettes de sang sur les parties glabres, vulve, pis... Notre vétérinaire n'a pas pu la sauver. Les onze autres, toutes à 40°C de fièvre et avec des débuts d'oedèmes, ont été rentrées et soignées à la cortisone. Puis nous les avons traitées avec une protection insecticide et ressorties au bout de huit jours. » Une intoxication des animaux par des piqûres massives de simulies s'est avérée la cause, à la suite de l'autopsie et des observations pratiquées par Julien Fertons, vétérinaire de l'élevage. « Je me suis fait piquer par ces moucherons, très nombreux sur les muqueuses et les parties glabres de la génisse autopsiée », relate le praticien d'Essey-lès-Nancy, précisant que chez l'homme aussi, ces piqûres très allergisantes doivent être soignées. En effet, les simulies femelles ingèrent un repas de sang pour la maturation de leurs oeufs avant la ponte. Et lorsqu'elles piquent, elles injectent de la salive à leur victime. Un bovin soumis à plusieurs dizaines de milliers de piqûres subit donc un choc dû aux toxines transmises, à même de le tuer.
Deux autres élevages ont subi des attaques la même semaine. Des veaux du même secteur, présentant des oedèmes au scrotum et à la tête, ont pu être soignés. Et à 20 km, parmi des vaches fortement atteintes, l'une est morte. « Ni moi ni mes collègues n'avions jamais vu de tels cas, car ils sont sporadiques et rarissimes, poursuit Julien Fertons. Mais c'est appelé à changer. Car le bouleversement climatique favorise différents insectes, du fait aussi de l'absence d'hivers rigoureux. »
Pour lui comme pour Julien Anderbourg, responsable technique au GDS 54, « on risque de voir se développer ce type de problèmes dans les années futures : il faut se montrer vigilant ! »
AGIR EN PRÉVENTIF
Une protection insecticide préventive est recommandée. « Attention, sous forme de boucle auriculaire ou de pour-on, les produits atteignent des concentrations suffisantes quarante-huit heures après leur pose. Il faut donc traiter tous les bovins du lot deux jours avant de les lâcher en pâture, puis les surveiller dans les zones à risques », conseillent les deux spécialistes. Pour une protection à la mise au parc, « le pour-on offre l'avantage de diffuser partout, pointe Julien Fertons, mais doit être réappliqué chaque mois en rattrapant les animaux. La boucle a, elle, une action longue, mais l'insecticide ne se dépose que par les mouvements de tête des bovins et par contact entre eux. »
La surveillance accrue des animaux dans les zones à risques, à la mise à l'herbe et en fin d'été permet de repérer les signes évocateurs d'attaques. Les animaux doivent alors être rentrés, traités puis protégés.
Benoît Reignier, dont les génisses rescapées des attaques ont connu des avortements qui restent inexpliqués, insiste : « Il faut agir en préventif, surtout quand il y a de l'eau à proximité. Faute de temps, notre lot de quatorze génisses n'avait pas reçu de protection insecticide avant le lâcher. Nous comptions le faire... C'est incroyable, mais cela a permis à une nuée de moucherons de mettre à terre des bêtes de 700 kg en pleine santé ! »
Excepté ces cas près de Nancy, aucun autre épisode n'a été recensé au niveau national, au printemps ou en fin d'été en 2015.
CATHERINE REGNARD
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