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LA LUTTE CONTRE LA FIÈVRE Q : PROTÈGE LA SANTÉ HUMAINE

PHILIPPE CAMUSET VÉTÉRINAIRE (1)

La fièvre Q a des conséquences graves sur la santé humaine. Au contact des animaux, les premiers exposés sont les éleveurs. Difficile à diagnostiquer en élevage bovin, il faut l'avoir à l'esprit en cas de métrites persistantes et d'avortements tardifs.

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LE « Q » DE LA FIÈVRE Q SIGNIFIE EN ANGLAIS MYSTÉRIEUX… Décrite la première fois vers 1930, cette maladie ne commence à être comprise que très récemment après des épidémies humaines survenues un peu partout dans le monde. La dangerosité de l'agent de la fièvre Q, Coxiella burnetii, a fait classer cette bactérie dans la catégorie des agents potentiels de bioterrorisme de classe B… Dans certains pays, 70 % des troupeaux bovins sont touchés et, au sein de ces troupeaux, entre 15 et 50 % des animaux. Les symptômes de la maladie chez l'homme peuvent être extraordinairement variés, bien que 60 % des infections soient invisibles. Lors de l'expression clinique, l'infection aiguë peut se traduire par un syndrome grippal avec des maux de tête importants. Des complications de pneumonie ou d'hépatite peuvent survenir ; une fatigue intense peut durer des semaines.

Les conséquences les plus graves surviennent lors d'infections chroniques chez les personnes souffrant d'affections cardiaques. Des complications peuvent survenir ainsi qu'une aggravation de l'état de santé. L'infection de la femme enceinte peut conduire à l'avortement, l'accouchement prématuré ou la naissance de nourrissons chétifs.

2 000 NÉERLANDAIS ATTEINTS ENTRE 2007 ET 2009

De 2007 à 2009, une épidémie a sévi aux Pays-Bas, touchant 2 000 personnes et entraînant six décès. L'origine en était les élevages caprins du voisinage. 60 000 animaux gestants ont été abattus et des mesures drastiques d'hygiène, de gestion des effluents, fumier notamment, et de vaccination des animaux non gravides ont été mises en place. La fièvre Q est donc une maladie sérieuse, d'une importance majeure pour la santé publique et dont nous devons nous préoccuper avec attention. Elle représente un danger tant pour les personnes intervenant en élevage, a fortiori pour les femmes enceintes, que pour la population environnante. À l'opposé, son impact clinique en élevages de ruminants reste limité. Il est plus marqué chez les petits ruminants, avec une proportion plus importante d'avortements. Dans les troupeaux de bovins, il se limite à des métrites persistantes, quelques avortements (surtout en début d'infestation). Les avortements sont d'abord tardifs (donc visibles avec des avortons déjà constitués), puis on assiste principalement à des avortements en début de gestation qui, là, sont invisibles, confondus avec des recoupes tardives. Seule l'échographie permet d'en faire le diagnostic. Chez les bovins, l'excrétion se fait essentiellement dans le lait (parfois pendant des mois). Autour de la mise bas et particulièrement lors d'avortements, des bactéries peuvent être retrouvées dans les bouses, les placentas, le mucus vaginal et le lait. C'est à ce moment que le danger existe. En effet, la voie la plus performante de contagion, que ce soit entre animaux ou pour les hommes, est la voie respiratoire, essentiellement sous forme d'aérosols contaminés.

LE FUMIER, PRINCIPAL RÉSERVOIR

Il est actuellement admis que le lait cru ne présente qu'un risque limité. Il y a donc lieu de le proscrire pour les femmes enceintes et les personnes atteintes d'affections cardiaques. On retrouve rarement des bactéries vivantes dans les prélèvements mais plutôt des spores qui se révèlent très résistantes dans le milieu extérieur. Les spores sont la forme de résistance de la bactérie. Elles demeurent infestantes pendant des mois. La contamination peut donc se faire au moment des mises bas mais la plupart du temps, c'est le fumier le réservoir et la source d'infection majeure, dans la ferme atteinte ou lors de son épandage.

Le diagnostic clinique de la fièvre Q dans un cheptel bovin est très ambigu. De nombreux troupeaux présentent des résultats positifs dans le lait de tank sans présenter ni de danger ni de circulation bactérienne. La PCR lait de tank (repérage d'un segment d'ADN de la bactérie) n'est qu'un signe de la présence de la bactérie dans un troupeau. Pour objectiver une circulation bactérienne et être sûr que la fièvre Q est responsable des troubles observés, il faut effectuer un nombre de sérologies suffisant (au moins six) sur des animaux ayant présenté des troubles de reproduction et/ou des PCR sur les produits de la mise bas ou de l'avortement (au moins deux) pour aboutir au diagnostic avec certitude

SEPT MESURES DE PRÉVENTION DANS LES ÉLEVAGES

• Faire des recherches systématiques sur les avortements.

• Si des résultats sont positifs, il faut objectiver la circulation bactérienne en multipliant les prélèvements (voir ci-dessus).

• Vacciner l'ensemble du troupeau avec un vaccin en phase 1, de préférence avant la mise à la reproduction. En effet, le vaccin semble moins efficace chez les animaux déjà gestants. Une vaccination de chaque animal pendant trois ans semble conférer une immunité durable et de qualité

• Adopter des mesures d'hygiène draconiennes lors des mises bas (utilisation d'un box de vêlage, désinfection, élimination des placentas par enfouissement dans le fumier).

• Traiter les fumiers à la chaux ou à la cyanamide calcique.

• Épandre les fumiers en absence de vent.

• Réserver la consommation de lait cru aux personnes sans risque. Deux types de travaux expérimentaux, relatifs à la maîtrise de la fièvre Q par la vaccination, sont disponibles.

COUPLER VACCINATION ET DÉTECTION

Des travaux menés sur le terrain ont montré que la combinaison de la vaccination systématique des animaux reproducteurs et de la détection des animaux porteurs permettait d'éradiquer la fièvre Q en trois ans dans un élevage. Certains animaux semblent même s'être assainis pendant cette période. Les autres travaux consistent en une modélisation de l'évolution d'une épidémie de fièvre Q dans un troupeau. Ils font apparaître un assainissement du troupeau en sept ans après une vaccination à l'aveugle des animaux avant la mise à la reproduction. Les hypothèses sont que la réforme des animaux infectés permet leur élimination en sept ans et, surtout, que la vaccination diminue la contamination du milieu, donc le challenge infectieux subi par les animaux.

Sans trop de conséquences économiques pour les troupeaux touchés, il est important de garder à l'esprit l'importance de la fièvre Q en termes de santé humaine. La maîtrise de cette maladie est l'affaire de tous, dès à présent, dans l'intérêt de toute une filière.

(1) Philippe Camuset, de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

La dangerosité de la bactérie Coxiella burnetii l'a fait classer dans la catégorie des agents potentiels de bioterrorisme.

© PASIEKA/SPL/PHANIE

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