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LA CÔTE-D'OR EN GUERRE CONTRE LA TUBERCULOSE

En phase d'assainissement, l'élevage est contrôlé tous les deux mois après la prophylaxie. Tous les bovins de plus de six sont soumis à une intradermoréaction simple et à un dosage d'interféron gamma systématique.© CHRISTIAN WATIER

Depuis fin 2009, tous les bovins de plus de douze mois de la Côte-d'Or sont dépistés par intradermoréaction comparative (BCG et aviaire). 1 650 élevages sont concernés.

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LES PREMIERS SIGNES DE L'ÉPIZOOTIE SONT APPARUS EN 2002, quelques années après l'arrêt de la prophylaxie obligatoire, d'abord dans la région de Pouilly-en- Auxois (souche GB 35), puis dans celle de Vénarey et de Vitteaux (souche BCGlike). À la Direction départementale de protection des populations de Côte-d'Or (ex-DSV) comme au Groupement de défense sanitaire, on estime aujourd'hui que ces signaux n'ont pas été pris suffisamment sérieux par certains duos éleveurs-vétérinaires. À l'époque, il est vrai, la tuberculose était considérée comme disparue et personne ne voulait croire à la réapparition de cette « vieille maladie ».

1650 ÉLEVAGES ET 153 000 ANIMAUX SOUMIS À UNE PROPHYLAXIE

Face à un problème qui semblait limité à quelques élevages, un plan de prophylaxie local a été mis en place ainsi qu'un plan de surveillance de la faune sauvage. L'élargissement progressif de la zone n'a pas suffi à enrayer la progression de l'épizootie. Limité à moins de cinq par an jusqu'en 2006, le nombre de foyers infectés est passé de onze en 2007 à dix-huit en 2008 et 43 en 2010. Dès 2009, deux cas de recontamination d'élevage sur les dix-sept enregistrés cette année- là avaient été observés. « À l'époque pourtant, les protocoles d'abattage total, de désinfection et de vide sanitaire étaient conformes et suivis à la lettre », souligne-t-on au GDS.

À partir de 2009, dans un contexte économique difficile (crise du lait) et une situation de terrain très tendue, une véritable guerre à la tuberculose a été déclarée. Alors qu'un plan de régulation et de surveillance de la faune sauvage était déployé, un dépistage drastique de la maladie était mis en place pour trois ans, avec le soutien financier de l'État.

1116 BOVINS ABATTUS ET DIAGNOSTIQUÉS EN 2010-2011

« Depuis fin 2009, explique Pierre Aubert, directeur de la DDPP de Côte-d'Or, tous les bovins de plus de douze mois du département sont systématiquement dépistés par IDC (intradermoréaction comparative, BCG et aviaire). Tous les animaux suspects (voir encadré) sont envoyés à l'abattoir.

Sur 2010-2011, 1 116 animaux (sur les 147 919 bovins détectés dans les 1 650 cheptels de Côte-d'Or) ont ainsi été abattus et diagnostiqués. 5 % d'entre eux ont présenté des lésions suspectes de tuberculose. L‘année précédente, la proportion d'animaux présentant des indices de contamination sur des lésions était de 13 %. Pour assurer la mise en oeuvre, le suivi du dispositif et la supervision des vétérinaires, des moyens exceptionnels (cinq agents équivalents temps plein supplémentaires) ont été attribués à la DDPP de Côte-d'Or. Introduites en janvier 2009 par un arrêté interministériel dans le cadre d'une dérogation à la réglementation nationale (abattage total), les mesures d'abattage sélectif nécessitent, en particulier, un travail très fin élevage par élevage.

L'ABATTAGE SÉLECTIF N'EST PAS AUTOMATIQUE

L'application du nouveau protocole et les résultats obtenus dans ce département pilote sont suivis de près par la DGAL. Si elle s'avère concluante, la mesure pourrait être élargie, à terme, à d'autres départements français (la Dordogne est déjà un département pilote). En Côte-d'Or, elle était indispensable. « Poursuivre le dispositif d'abattage total, compte tenu des cas de recontamination, n'était plus tenable, souligne Pierre Aubert. En 2008, des éleveurs s'opposaient à l'abattage de leurs animaux. » « L'abattage partiel constitue un compromis destiné à aider les éleveurs à sauver leur génétique », estime Florent Lefol, de la Roche-Vanneau, secrétaire général du GDS de la Côte-d'Or. Cet éleveur sait de quoi il parle. Abattu totalement deux fois de suite, son cheptel charolais de cent mères est encore aujourd'hui en abattage partiel. « Obtenir la dérogation des autorités sanitaires n'a pas été simple. Il a fallu donner des garanties quant à son application », explique-t-il.

Pierre Aubert confirme la rigueur avec laquelle le dispositif est déployé. « L'abattage sélectif n'est pas automatique. Il n'est pas proposé si la circulation de la bactérie, attestée par un nombre trop important d'IDC positives et par des lésions à l'abattage, est trop forte. Il dépend aussi de la capacité des éleveurs à gérer humainement et économiquement la lourdeur du dispositif. Il n'est mis en oeuvre qu'après une étude socio-économique et sanitaire minutieuse. » En phase d'assainissement, l'élevage est contrôlé tous les deux mois après la prophylaxie. Tous les bovins de plus de six mois sont soumis à une intradermoréaction simple (méthode plus sensible mais moins spécifique que l'IDC) et à un dosage d'interféron gamma systématique. Les animaux réagissants sont abattus. Ce dispositif se poursuit jusqu'à l'absence d'animal réagissant. Dans ce cas et après deux autres contrôles, l'élevage est requalifié.

En ce début octobre, alors que le nombre de foyers était en baisse (vingt et un dont quatre recontaminations), et qu'aucun nouveau foyer n'avait été détecté en dehors de la zone à risques, la prudence était encore de mise dans le département. « Selon l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), et avec les techniques que nous développons, il faudra cinq ans pour objectiver l'évolution de la situation, rapporte Pierre Aubert. Tomber en dessous de quinze foyers en 2011-2012 serait encourageant. Il ne faut pas relâcher la vigilance. À charge pour nous d'alléger la pression qui pèse sur les élevages. »

« Certes, nous maîtrisons l'évolution de la maladie à l'intérieur de la zone rouge, se félicite Pascal Martens, président du GDS de Côte-d'Or. Mais au prix de mesures prophylactiques draconiennes (près de 1 200 bêtes tuées dans le cadre des abattages diagnostics cette année), d'une suspicion sur l'élevage de notre département et de pertes économiques. Les éleveurs allaitants sont pénalisés quand ils vendent leurs broutards (en moyenne, 50 à 100 en moins). Les laitiers “douteux” ne peuvent plus vendre leurs petits veaux, et des taureaux sont décommandés. C'est d'autant plus injuste qu'un animal qui sort de Côte-d'Or est examiné sous tous les angles. Tout cela s'ajoute aux contraintes sanitaires. L'administration nous exhorte à la patience. Mais tant que la faune sauvage ne sera pas maîtrisée, il y aura toujours des risques de contamination pour les éleveurs, et donc une suspicion sur la qualité du cheptel de la Côte-d'Or », regrette Pierre Aubert.

MIEUX MAÎTRISER LES RISQUES LIÉS À LA FAUNE SAUVAGE

À l'instar de l'Association de défense des éleveurs de Côte-d'Or, le GDS estime en effet que les mesures prises actuellement sur la faune sauvage sont insuffisantes. Depuis deux ans, en « zone rouge » (ou à risques), un plan de régulation sanitaire a été mis en place. Il prévoit, entre autres, le renforcement des plans de chasse aux sangliers, l'interdiction de l'agrainage et le piégeage des blaireaux (1 500 par an). Selon les dernières analyses effectuées dans cette zone, près de 9 % des sangliers et 5 % des blaireaux sont contaminés par la tuberculose. Une bande périphérique de 5 km fait l'objet d'un dispositif de surveillance fondé sur le piégeage d'un nombre limité de blaireaux, sans objectif de régulation. « Alors que près de 150 000 bovins sont analysés chaque année, quelques centaines de blaireaux et de sangliers seulement le sont, regrette Pascal Martens. Dès l'instant où il y a suspicion sur une vache, il faut la tuer. Quand il s'agit d'un blaireau, on nous dit de ne pas paniquer. La pose du collet arrêtoir comme outil de piégeage du blaireau est inefficace et risque de contribuer à la dissémination de la maladie dans un rayon plus large. C'est ce qui a été observé en Grande-Bretagne, pays dont je reviens. La solution serait d'élargir la zone de piégeage en dehors de la zone rouge, et de la rétrécir d'ici à cinq ans. »

« Le recours au collet arrêtoir n'est pas l'idéal, reconnaît Pierre Aubert. Mais actuellement, nous ne disposons pas d'alternative. Autorisé, le tir est difficile à mettre en oeuvre. Il faudrait le réaliser à la tombée de la nuit. Le blaireau reste un sujet difficile. Pour objectiver les déclarations des éleveurs et mieux comprendre les liens entre la faune sauvage et les bovins, une étude est conduite sur la zone à risques. Des poses de balises sur des blaireaux et des sangliers devraient permettre de mieux cerner la fréquence et les périmètres de contact entre le gibier et les élevages. Les enseignements devraient aussi permettre de mieux positionner les pièges. » En 2010, le coût de la tuberculose dans le département de la Côte-d'Or a été chiffré à 12,5 millions d'euros (coûts des diagnostics et indemnisations des éleveurs).

ANNE BRÉHIER

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