LA STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LA BVD EN SUSPENS
Depuis 2008, plusieurs pays européens ont mis en place un plan d'éradication de la maladie. Tous utilisent le prélèvement de cartilage à l'oreille des veaux pour dépister les IPI. La France s'interroge sur l'intérêt de s'engager dans cette stratégie.
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FACE À CE QUI SE PASSE AILLEURS EN EUROPE, la France est incitée à réfléchir sur sa stratégie de lutte contre la BVD. En 2008, la Suisse a mis en place un plan national pour l'éradiquer. L'Allemagne et le Luxembourg lui ont emboîté le pas en début d'année. La Belgique a suivi mais dans seulement quelques provinces avant, probablement, d'élargir son plan en 2012. Ces quatre pays utilisent tous la même méthode pour dépister précocement les IPI (infecté permanent immunotolérant) : le prélèvement auriculaire. Cette technique consiste à prélever un morceau de cartilage à l'oreille des veaux après leur naissance, au même moment que la pose d'une boucle d'identification. Rappelons que pour éradiquer la maladie, détecter les IPI puis les éliminer est essentiel. Ces animaux sont infectés à vie par le virus et l'excrètent fortement.
En mars dernier, la France, à l'initiative des GDS, a lancé une expérimentation afin de tester ce nouveau mode de dépistage. « 300 élevages dont on soupçonne une circulation virale sont concernés dans huit départements, précise Jean- Pierre Jacquemin, vice-président de GDS France. Au total, 10 000 animaux vont faire l'objet d'un prélèvement à l'oreille. »
OFFICIALISER LE STATUT D'UN BOVIN
Même si cette technique a fait ses preuves dans d'autres pays, plusieurs éléments sont à tester avant de la proposer aux éleveurs français. L'expérimentation vise tout d'abord à valider les kits d'analyses commercialisés par trois laboratoires français. « Ces kits fonctionnent avec des prélèvements de sang ou de lait mais n'ont pas encore été testés avec du cartilage. Il faut définir les justes seuils à partir desquels un animal est considéré comme IPI. » La faisabilité technique à grande échelle est aussi à évaluer : prélèvement de cartilage dans de bonnes conditions par l'éleveur, envoi des échantillons par la poste puis réception par les laboratoires d'analyses départementaux équipés d'extracteurs de cartilage, circuit pour transmettre l'information jusqu'à l'inscription sur l'Asda de l'animal… Car, à terme, l'objectif est d'officialiser le statut d'un animal vis à vis de la BVD. « Nous avons également fait une demande pour agréer une nouvelle boucle d'identification préleveuse. Pour l'instant, deux boucles sont posées : l'une officielle et l'autre préleveuse. Cette nouvelle boucle sera très pratique pour l'éleveur puisqu'il identifiera l'animal et réalisera le prélèvement de cartilage en même temps. »
En parallèle de cette expérimentation qui doit se terminer à la fin de l'année, GDS France va lancer une étude afin d'évaluer l'impact du coût de cette éventuelle nouvelle prophylaxie obligatoire, comparé à l'incidence économique de maladie. Cette même étude avait déjà été réalisée en 1999. Résultat : vingt-cinq ans étaient nécessaires avant d'espérer un retour sur investissement. Un délai beaucoup trop long… « À cette époque, l'analyse PCR de mélange n'existait pas ni le prélèvement auriculaire. Aujourd'hui, il ne faudrait pas dépasser dix ans pour se lancer dans une stratégie d'éradication. »
Difficile aujourd'hui d'évaluer le coût du prélèvement auriculaire et son analyse par les LDA puisque ce nouveau dépistage est au stade expérimental.
Quant à l'incidence économique de la maladie, l'École vétérinaire de Nantes l'a chiffrée de 30 à 80 euros/vache/an dans les troupeaux infectés.
En moyenne, un élevage est confronté à la BVD tous les cinq à six ans. Cela signifie que 10 à 20 % des exploitations laitières sont touchées en France. Rappelons que la BVD entraîne d'importants problèmes de reproduction : avortements, résorptions embryonnaires…
« Mais surtout, elle provoque une immunodépression de l'animal qui la rend très dangereuse, car elle entraîne alors l'apparition d'autres maladies », complète Jean-Pierre Jacquemin.
UN ARGUMENT COMMERCIAL POUR L'EXPORTATION
Outre le coût de la maladie, certifier des bovins indemnes de BVD pourrait devenir un argument commercial lors de la vente d'animaux. L'Allemagne est un concurrent de la France sur le marché de l'export vers l'Italie, les pays du Maghreb, la Russie… Et les acheteurs savent qu'un IPI dans un lot de taurillons peut contaminer les autres animaux et entraîner une mauvaise croissance de l'ensemble du groupe. Pour rester compétitif sur le marché de l'export, la France pourrait être incitée à suivre l'exemple des pays européens qui sont entrés dans un plan de lutte national. En milieu d'année 2012, les GDS devraient être en mesure de proposer aux éleveurs qui le souhaitent le prélèvement auriculaire. « À terme, il y a de fortes probabilités pour que la France s'achemine vers une prophylaxie collective de la maladie. Mais cette décision appartiendra aux éleveurs », précise Jean-Pierre Jacquemin. L'intervention ou pas de l'État pour financer en partie cette nouvelle prophylaxie pourrait aussi peser dans la balance.
INUTILE DE VACCINER LES ANIMAUX IPI
En attendant, ce nouveau mode de dépistage viendra renforcer les moyens de lutte actuels. Car dans chaque département, les GDS proposent déjà des plans d'action plus ou moins importants. Tous réalisent un suivi des élevages infectés et mettent en place un plan d'assainissement. Ce dernier repose sur le dépistage des IPI à l'aide de prélèvement de sang ou de lait. Des conseils sur la vaccination sont aussi apportés. Plusieurs vaccins existent sur le marché. Certains sont efficaces uniquement contre la BVD, d'autres sont associés à la lutte contre les maladies respiratoires. « La vaccination doit être utilisée de manière raisonnée et non systématique. Elle est recommandée lors d'un passage de BVD dans le troupeau ou lorsque des élevages voisins sont infectés. »
Inutile de vacciner un IPI puisqu'il ne fabrique jamais d'anticorps. Rappelons que ce dernier s'infecte avant sa naissance, lorsque sa mère contracte la maladie durant le début de sa gestation. Quant à cette dernière, elle excrète le virus durant environ trois semaines avant de fabriquer naturellement des anticorps. Certains GDS vont plus loin et réalisent une surveillance de la maladie à l'aide d'analyses régulières de lait ou de sang de mélange dans les élevages, afin de détecter une éventuelle circulation du virus dans un troupeau. Si les analyses sont positives, un dépistage individuel est proposé afin de détecter les IPI puis les éliminer.
Enfin, certains départements proposent une qualification des animaux d'élevages exempts de BVD. C'est le cas par exemple en Bretagne, en Rhône-Alpes, dans certains départements normands, en Franche-Comté… « Pour obtenir ce statut bovin non IPI, il est nécessaire qu'aucune circulation virale n'ait été observée dans un troupeau durant plusieurs années consécutives. »
NICOLAS LOUIS
© N.L.
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