LES DIARRHÉES PEUVENT SE GUÉRIR SANS ANTIBIOTIQUES
Le recours systématique aux antibiotiques n'est pas utile pour traiter les diarrhées des veaux. Il est même néfaste. D'autres méthodes permettent de guérir, voire de protéger durablement les animaux.
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VÉRITABLES PLAIES SUR CERTAINS ÉLEVAGES, les diarrhées sont à l'origine de bien des pertes de veaux. Sans compter les retards de croissance et les tracas pour les éleveurs. Quand le problème survient, l'usage d'antibiotiques est fréquent, alors qu'il ne se justifie pas forcément et qu'il présente des inconvénients. « Les antibiotiques agissent sur les bactéries », rappelle Stéphane Daval, vétérinaire du Réseau Excell- Vet-5MVet (Loire-Atlantique). Or, les diarrhées ne sont pas toujours d'origine bactérienne. Des travaux évaluent leur responsabilité à 30 % des cas sévères. Elles peuvent aussi être provoquées par des virus, des parasites, ou encore des problèmes alimentaires. Souvent, différents facteurs sont associés. Dans ces situations, les antibiotiques n'agiront pas. En revanche, leurs effets défavorables seront perceptibles.
Ces médicaments agissent sans distinction sur l'ensemble de la flore bactérienne, surtout s'ils présentent un large spectre d'action. Et c'est souvent le cas lorsque le germe en cause n'a pas été identifié. Ces antibiotiques vont donc détruire aussi la flore commensale, ces germes bénéfiques qui colonisent naturellement le tube digestif. Leur destruction favorise l'apparition d'autres problèmes sanitaires (indigestion, météorisation, entérotoxémie…).
Et on sait également que l'usage mal raisonné d'antibiotiques génère des résistances.
Déjà, on voit dans des élevages de plus en plus de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques. Certains éleveurs sont de ce fait complètement démunis si un problème infectieux survient chez eux.
Mais le développement d'antibiorésistances constitue d'abord un problème de santé humaine. Il ne peut donc pas être ignoré. Et les traitements antibiotiques par voie orale, souvent privilégiés pour soigner les diarrhées des veaux, représentent un risque majeur d'émergence de résistance.
UN TRAITEMENT ALTERNATIF EXISTE
Or, ces germes résistants créés en élevage se disséminent. Et les antibiotiques utilisés pour traiter les infections en médecine humaine sont souvent les mêmes qu'en élevage. L'enjeu de la lutte contre les diarrhées va donc bien au-delà du quotidien des éleveurs.
« Dans ma clientèle, plusieurs éleveurs laitiers ou allaitants ne soignent plus les diarrhées avec des antibiotiques. Et certains ne rencontrent plus du tout ce problème », précise Stéphane Daval. Lui-même n'emporte pas d'antibiotique par voie orale dans sa voiture quand il part en visite. Face à un problème de diarrhée, il préfère proposer un traitement alternatif, Orolaze(1). Ce produit contient notamment des lactoferrines et des lactoperoxydases. Ces protéines sont naturellement présentes dans le colostrum, la salive ou les larmes, et elles ont un rôle antibactérien.
D'ailleurs, les veaux qui boivent leur lait avec une tétine sont souvent moins malades, car ils salivent davantage. Ces protéines inhibent la croissance des germes indésirables sans détruire la flore commensale. Elles permettent ainsi de réguler le fonctionnement digestif. Quelques jours de traitement suffisent. Il n'y a pas de risque de surdosage. Parallèlement, il faut toujours réhydrater le veau malade. Cela reste le premier traitement à mettre en oeuvre face à une diarrhée. « Une majorité de diarrhées peuvent être soignées de cette manière », affirme Stéphane Daval.
Seuls les cas de septicémie (les bactéries sont passées dans le sang) doivent être traités autrement. Un test urinaire (Uriscrenn ND), qui donne un résultat immédiat, permet de confirmer ce diagnostic. Dans son cabinet, qui regroupe six vétérinaires spécialisés en médecine bovine, les prescriptions d'antibiotiques ont chuté de moitié en cinq ans, au profit d'Orolaze (voir infographie ci-contre). Cette évolution aurait été impossible si ce traitement était inefficace.
LA PRÉVENTION PASSE PAR L'ALIMENTATION DES TARIES
Cependant, Stéphane Daval vise plus loin que l'absence de recours aux antibiotiques. « Quand on doit soigner un animal malade, c'est parce que la prévention a échoué. » L'idéal est donc de prévenir efficacement les diarrhées, parce qu'un veau qui a été malade risque de voir sa croissance freinée. Sa résistance future aux maladies risque aussi d'être pénalisée. Pour que les veaux résistent aux diarrhées, ils doivent disposer d'un système immunitaire efficace. Sans défense à la naissance, ils doivent consommer rapidement du colostrum pour acquérir leur immunité. Stéphane Daval préconise l'ingestion de 4 l de colostrum (10 % du poids) dans les heures qui suivent la naissance. Mais cela ne suffit pas toujours.
« Dans certains cas, le transfert immunitaire ne se fait pas bien et le veau est donc mal armé pour se défendre, même s'il a bu du colostrum. ». En cause, la qualité du colostrum. Elle varie beaucoup d'un élevage à un autre. Cette faille dans le transfert de l'immunité explique que la vaccination des mères ne donne pas toujours de résultat. Le diagnostic d'échec du transfert immunitaire passe par une batterie d'observations et d'analyses. Le vétérinaire va y consacrer du temps. Ceci nécessite un certain investissement financier pour l'éleveur, voire une remise en cause de certaines de ses pratiques.
Un frein pour certains, mais le jeu en vaut la chandelle. La conduite alimentaire des taries se trouve en première ligne. C'est elle qui conditionne la qualité du colostrum. « À partir d'analyses de fourrages, de bilans sanguins et urinaires, on peut évaluer la qualité de la ration et remédier aux éventuels déséquilibres », précise Stéphane Daval. Le transfert de l'immunité via le colostrum peut être évalué par des analyses. On peut ainsi voir si la richesse en anticorps est satisfaisante, et si leur absorption par le veau est correcte. Des carences en certains éléments comme des restrictions alimentaires en fin de gestation ont un impact sur ces critères.
De plus, les causes des diarrhées étant nombreuses, il faudra faire le tour des différents facteurs de risques pour mettre en place une prévention efficace (voir encadré page de gauche). La démarche peut prendre du temps et c'est la rigueur dans la conduite qui conditionne le succès.
PASCALE LE CANN
(1) Orolaze est composé de produits laitiers, carbonate de calcium, concentré de jus de melon lyophilisé et vitamine C.
© CLAUDIUS THIRIET
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