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« MOINS DE CELLULES GRÂCE AU DIAGNOSTIC DU VÉTÉRINAIRE »

« Le diagnostic vétérinaire nous a permis d'identifier les points de contamination et de les limiter», explique Marie-Pierre Lubet.PHOTOS : © J.P.

À travers la remise à plat de leurs pratiques, le diagnostic cellules réalisé avec le vétérinaire offre aux éleveurs une meilleure compréhension des mécanismes de contamination de la mamelle et, au final, une meilleure qualité du lait.

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DEPUIS SON INSTALLATION EN 2003 À LA PÉRIPHÉRIE DE LILLE (14 km), Marie-Pierre Lubet a toujours souhaité privilégier une approche préventive de la santé de son troupeau. Mais dans la pratique, cette réflexion s'est avérée difficile à mettre en oeuvre avec les cabinets vétérinaires environnants, davantage concernés par les animaux de compagnie et la vente de médicaments. Depuis, la crise de 2009 a fait son oeuvre, avec un prix du lait descendu à 209 €/1 000 litres. « Cette situation économique difficile a eu le mérite de nous amener à remettre en cause nos pratiques, car nous étions confrontés dans le même temps à une dérive des résultats sanitaires », explique Marie-Pierre Lubet.

C'est à cette période qu'elle adhère au GDA de l'arrondissement de Lille « pour échanger et progresser » et, dans ce cadre, elle suit une formation sur la qualité du lait dispensée par le docteur Jérôme Defachelles (voir encadré). « Son approche de la relation entre éleveur et vétérinaire correspondait à mes attentes. Je l'ai donc sollicité pour un diagnostic cellules de mon troupeau, afin d'identifier et de comprendre les points de contamination pour mieux les maîtriser et ne plus travailler dans l'urgence. » Le coût du diagnostic (700 €), soit une journée d'intervention à la ferme, s'est rapidement révélé payant : en 2008, on dénombrait 80 mammites pour 59 vaches présentes, une moyenne de 388 000 leucocytes/ml, dont 10,3 % de comptages supérieurs à 800 000. En 2009, le nombre de mammites est descendu à 46, puis 25 en 2010, 18 en 2012, et 15 en 2013 pour 65 vaches laitières, une moyenne de 181 000 leucocytes et 2,4 % de comptages supérieurs à 800 000.

« LES REFLUX DANS LES MANCHONS FAVORISENT LES CONTAMINATIONS »

Dans un premier temps, le diagnostic du praticien consiste à analyser les comptages cellulaires et les données cliniques pour déterminer le modèle infectieux du troupeau. En l'absence de contrôle laitier et d'un cahier d'élevage où sont répertoriées les mammites cliniques, il faudra au préalable prélever des échantillons de lait issu de vaches mammiteuses et à cellules pour faire des analyses bactériologiques. « En croisant ces données, il est possible de déterminer les causes d'infection et les phases d'élevage à risque dans 90 % des cas », souligne Jérôme Defachelles. Chez Marie-Pierre, il s'agissait de streptocoque ubéris, un germe d'environnement caractéristique des aires paillées, et surtout du staphylocoque coagulase négative, un germe d'environnement qui se dissémine aussi pendant la traite. Dès lors, le praticien a procédé au réglage de la machine à traire (2 x 6 postes), à l'aide de capteurs électroniques Vadia (ou du testeur PTV) qui enregistre les temps de vide pendant la traite. « Le réglage des pulsations est essentiel, car l'ouverture et la fermeture trop brutales du manchon favorisent les retours de flux de lait, ou reverse flow, à l'origine de contamination de la mamelle. Or, c'est un phénomène qui n'est pas pris en compte par Optitraite, et qui est particulièrement prégnant chez les vaches hautes productrices et sur les nouvelles installations. Le principe consiste à vérifier que le réglage correspond au débit des vaches. Dans ce cas, j'ai réduit le temps de succion, rallongé le massage et augmenté les phases d'ouverture et de fermeture pour limiter le reverse flow. »

« L'AIRE PAILLÉE EST CURÉE DEUX FOIS PAR SEMAINE »

Toujours dans un souci de limiter les contaminations pendant la traite, Marie-Pierre a abandonné les lavettes individuelles au profit de l'association mousse désinfectante + papier. Elle a opté pour les gants en nitrile, le post-trempage avec un produit filmogène, le tirage des premiers jets et la tonte des queues.

Elle désinfecte systématiquement les manchons avec un vaporisateur à main derrière les vaches mammiteuses, celles à plus de 300 000 leucocytes et avant les fraîches vêlées. « C'est facile à mettre en oeuvre, tout le monde devrait le faire », assure l'éleveuse.

« UN OBTURATEUR ET PAS D'ANTIBIOTIQUE SUR LES VACHES SAINES »

Côté technique de traite, elle branche les vaches trois par trois : « Le temps idéal entre la préparation de la mamelle et le branchement. » À la sortie de la salle de traite, les vaches ont d'abord 2 kg de foin de fétuque afin de ralentir le transit, avant la distribution de la ration maïs + endives + colza + urée, complétée par du tourteau tanné et un VL 18 dans les cent premiers jours de lactation. Les deux abreuvoirs sont accessibles uniquement depuis cette aire bétonnée, afin de limiter les souillures sur l'aire paillée qui est curée deux fois par semaine. « Avec le télescopique, c'est un travail qui ne prend que vingt minutes ».

Concernant les traitements en lactation, la détection de filaments après tirage des premiers jets déclenche automatiquement un traitement de première intention, suivi de la pose d'un bracelet rouge à la patte. « Lorsque je reçois les résultats cellulaires, ils sont affichés dans la laiterie. Si une vache a un comptage élevé et qu'à la traite, je ne constate ni filaments ni température, elle est simplement marquée à la bombe rouge dans l'attente du contrôle suivant. Dans le cas contraire, j'associe un intramammaire et un traitement par voie générale », explique l'éleveuse.

Enfin, concernant les traitements au tarissement, seules les vaches dont le dernier comptage est supérieur à 200 000 leucocytes ou celles ayant eu une mammite en lactation reçoivent un intramammaire et un obturateur de trayons. Les vaches saines ne sont pas traitées, elles n'ont qu'un obturateur.

« Toutes ces mesures ne signifient pas que je suis à l'abri des mammites, mais le diagnostic et l'expérience acquise me permettent aujourd'hui de comprendre le mécanisme infectieux et de ne plus travailler dans l'urgence. En cas de doute sur des animaux qui affichent un comptage élevé ou déclarent une mammite, je n'hésite pas à recourir à une analyse bactériologique pour identifier la bactérie en cause et adapter les mesures de prévention. »

JÉRÔME PEZON

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