Biosécurité. « Je suis intraitable avec les visiteurs »
Audit. En filière lait cru, Maud Blondeau est en amélioration continue de ses pratiques sanitaires. Sous l’impulsion des AOP fromagères normandes, l’audit de biosécurité réalisé par le GDS de l’Orne la conforte et pointe les actions encore à mener.
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La qualité du lait est une préoccupation permanente des producteurs normands en appellation d’origine protégée. La transformation de leurs livraisons en fromages au lait cru exige des pratiques sanitaires rigoureuses pour éviter les contaminations pathogènes. Limiter l’introduction d’agents infectieux dans l’élevage et leur propagation lorsqu’ils sont malheureusement entrés en fait partie. Cette prévention peut être formalisée dans un plan de biosécurité. La filière AOP a choisi de la promouvoir dans les élevages, en plus de l’accompagnement que réalisent les fromageries au quotidien. « Nous voulons sécuriser et développer le lait cru, souligne Eloïse Modric, chargée de mission en R & D pour les quatre fromages AOP. Cette nouvelle approche est un pas supplémentaire dans le contrôle des germes pathogènes. Via la santé animale, elle vise indirectement la qualité du lait. »
280 élevages audités
D’ici à la fin de l’année, près de deux tiers des 500 producteurs AOP auront été audités à partir d’un questionnaire élaboré par les GDS normands. « La grille de l’audit n’est pas spécifique au lait cru. Elle s’applique à tous les producteurs, quelle que soit leur filière », précise Flore Diesce, du GDS de l’Orne qui chapeaute les audits. Treize domaines sont passés au crible avec 200 questions sur l’introduction d’animaux dans l’élevage, la gestion des bâtiments, la circulation des hommes, des animaux et des matériels, la gestion des veaux, des animaux malades et des cadavres, ou encore sur les pratiques de traite. Les réponses sont associées à un coefficient de risque noté entre 0 et 3. Elles aboutissent à un pourcentage de maîtrise pour chacun des treize domaines. « L’audit met d’abord en évidence les pratiques qui sont en cohérence avec la biosécurité, insiste Flore Diesce. C’est ensuite que des améliorations peuvent être proposées. » L’autre intérêt est la comparaison des résultats de maîtrise à la moyenne des élevages évalués.
Maud Blondeau, qui fait partie de ceux déjà audités, apprécie l’esprit du diagnostic. « J’ai besoin d’un œil extérieur sur mes pratiques. Cela m’oblige à prendre du recul et éventuellement à les corriger, confie-t-elle. Mais les retours positifs me confortent. Ça me fait du bien de savoir que je fais bien ! »
Elle a reçu Flore Diesce en février 2020, puis en juillet 2021pour faire le point. L’éleveuse coche les deux pratiques sur lesquelles la filière AOP et le GDS de l’Orne mettent l’accent : l’introduction d’animaux dans l’élevage (achats, pensions, etc.) et la gestion des intervenants et des visiteurs occasionnels. On touche là à la biosécurité externe. « Les animaux introduits sont la première source de contamination des élevages, pointe Flore Diesce. L’idéal est de renouveler ou d’agrandir son troupeau uniquement à partir de son élevage. » Un idéal que n’a pas pu suivre complètement Maud cette année.
« Intervenants réguliers et visiteurs : à chacun son parking »
Plutôt que des vaches en lait, par précaution, elle a préféré acheter 9 génisses amouillantes préalablement dépistées. Elles ont subi ensuite une quarantaine de deux à quatre semaines. « Acheter des laitières est plus risqué car leur traite oblige à les intégrer au troupeau dès leur arrivée », juge-t-elle.
Elle dit être intraitable avec les personnes extérieures. « Elles n’ont ni le droit de rentrer directement dans la stabulation et la nurserie, ni le droit de marcher ou rouler avec leur véhicule jusqu’aux silos. »
Les intervenants réguliers (vétérinaires, inséminateurs, peseurs, etc.) garent leur voiture sur un parking dédié. Eux, comme les camions laitiers et d’aliments et l’équarisseur, empruntent un circuit dirigé jusqu’à l’arrière du bâtiment. S’ils y pénètrent, ils doivent marcher dans un pédiluve de chaux vive, facile à entretenir. « Je viens de créer un parking à l’avant du bâtiment pour les visiteurs occasionnels. Je vais y installer à leur intention un deuxième pédiluve de chaux vive dans un cabanon. »
Le matériel en commun avec plusieurs éleveurs (Cuma de désilage, bétaillère, par exemple) est également une source d’introduction d’agents infectieux dans les élevages. Pour cette raison, même si les causes n’étaient pas sanitaires, l’arrêt de la Cuma désileuse lui enlève cette inquiétude. La filière AOP va d’ailleurs lancer une réflexion sur le sujet. L’éleveuse ne partage pas non plus de bétaillère avec ses voisins. « Si c’était le cas, il faudrait la laver et la désinfecter entre chaque élevage, intervient Flore Diesce. Or, la désinfection est rarement réalisée. »
« Laver les bottes avant de soigner les veaux »
La seule dérogation à ces règles strictes concerne les chantiers d’ensilage. Dans le cadre de l’entraide entre collègues, c’est le seul moment de l’année où des engins extérieurs à la ferme pénètrent dans la partie silo. « Mais les accès sont propres, indique-t-elle. L’agrandissement de la stabulation laitière en 2019 a réorganisé la gestion des déjections. Le fumier des génisses, qui était auparavant raclé jusqu’à la fumière, ne souille plus les aires bétonnées. » Elle a tiré les leçons de la contamination aux salmonelles subie il y a quelques années. « Il en a été retrouvé dans des flaques d’eau, très probablement apportées par les pneus d’un véhicule ou par des bottes. » Les pigeons et les rats sont aussi des vecteurs. Elle n’hésite donc pas à tuer les premiers à la carabine à plombs et les seconds par la dératisation !
Construire des box d’infirmerie
Maud s’applique à elle-même ces règles préventives. Objectif : protéger les différentes catégories d’animaux et limiter la propagation d’agents infectieux d’un animal à un autre. Cela relève de la biosécurité interne. Par exemple, elle respecte le principe de marche en avant en s’occupant l’un après l’autre des différents ateliers : une fois les vaches soignées le matin, elle nettoie soigneusement au jet d’eau avant d’entrer dans la nurserie. « Le salarié, lui, va directement aux veaux. » De même, les cornadis de la stabulation ne sont pas équipés de passages d’homme pour accéder au couloir central d’alimentation (photo ci-contre). « Cela évite de marcher sur la table d’alimentation avec des bottes qui sont sales. Pour accéder aux différents lots de génisses en face des vaches, il faut faire le tour du bâtiment. » Avec des passages d’homme, la solution serait de ne pas distribuer la ration devant les passages mais elle n’est pas pratique à mettre en œuvre. La jeune Normande ne veut pas s’arrêter là dans la démarche de biosécurité de son élevage. Étape par étape, en s’appuyant sur les recommandations de l’audit, elle passe en revue ses conduites. Ainsi, la construction de box d’infirmerie est prévue pour séparer les vêlages et le soin des animaux malades. La clôture de l’habitation est également envisagée pour empêcher ses chiens de se balader dans la ferme. Une première analyse des 250 audits déjà réalisés montre que biosécurité maîtrisée, BVD et mortalité des veaux plus faible font bon ménage. C’est positif.
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