MAMMITES : LES CONNAISSANCES SUR L'AROMATHÉRAPIE S'AFFINENT

CE SONT BIEN ÉVIDEMMENT LES ÉLEVEURS BIO qui les premiers se sont intéressés à l'utilisation des huiles essentielles pour soigner les mammites. Les propriétés de ces huiles sont connues. Selon leur origine, elles peuvent avoir une action anti-infectieuse, anti-inflammatoire, antalgique… D'où la tendance à associer plusieurs huiles pour que ces effets s'additionnent. Le Gab 56 (Groupement bio du Morbihan) a beaucoup travaillé sur ce sujet en combinant l'observation des pratiques des éleveurs et le travail en laboratoire, durant cinq ans.

« On a acquis quelques certitudes, précise Chistophe Lefèvre, animateur au Gab 56, notamment en comparant les efficacités in vivo et in vitro ». Ainsi, certaines huiles inhibent la croissance de Streptococcus uberis (un germe fréquemment impliqué dans les mammites) en laboratoire, dans un milieu gélosé. Mais on ne retrouve pas cette action lorsqu'elles sont administrées à l'animal par voie intramammaire. « L'activité des huiles essentielles est inhibée par des composants du lait », conclut l'animateur. Ceci explique la faible efficacité des traitements par cette voie. Le taux de réussite observé, 33 %, résulte probablement de cas d'autoguérison, plus ou moins favorisée par l'action anti-inflammatoire des huiles. Le Gab n'a pas les moyens de pousser ses recherches plus loin pour répondre à l'interrogation sur l'identité des composants du lait qui entravent l'action des huiles. Mais on peut déjà en tirer un conseil pour les utilisateurs d'aromathérapie : l'application doit être externe.

SUCCÈS VARIABLE SELON LES MÉLANGES

C'est l'option prise par l'Adage (Agriculture durable en Ille-et- Vilaine) qui a travaillé sur les huiles essentielles en partant des connaissances acquises en médecine humaine. Trois mélanges d'huiles essentielles ont ainsi été composés en vue d'une application externe (mamelle ou épi du garrot) sur des vaches mammiteuses, chez des éleveurs adhérents. Entre décembre 2008 et mars 2010, sur 290 mammites soignées ainsi, 180 ont guéri. Le taux de réussite atteint donc 62 % (47 à 69 % selon les mélanges), contre 40 à 70 % avec des antibiotiques. « On remarque que les résultats progressent avec l'expérience des éleveurs », constate Mathilde Boutin, de l'Adage. Elle souligne aussi que l'aromathérapie exige un minimum de connaissances pour éviter les mauvais choix ou les surdosages. En parallèle, pour mieux comprendre le mode d'action des huiles dans le contexte des mammites, des aromatogrammes ont été réalisés. « Les éleveurs ont prélevé des échantillons de lait et de bouses sur les vaches malades. Nous avons isolé les germes présents (pathogènes et flore totale) et nous les avons soumis à l'action de différentes huiles », précise Mathilde Boutin. Il s'agit donc d'évaluer l'action directe de différentes huiles sur les germes impliqués dans les mammites.

Cette expérimentation aboutit à quelques résultats inattendus. Tout d'abord, il ne semble pas y avoir de lien entre la teneur en principe actif de l'huile et son efficacité sur le germe. Une huile peu concentrée peut avoir une efficacité supérieure à une autre, plus riche en principe actif. De plus, l'une des huiles, qui ne contient pas de principe anti-infectieux, agit à 87 % sur E. coli, alors que les autres restent sans effet. Une autre huile, aux propriétés anti-infectieuses réputées modestes, agit à 100 % sur les staphylocoques dorés. Autre enseignement, la synergie entre les huiles dans les mélanges n'est pas systématique.

UNE ACTION PLUS LARGE QUE LES ANTIBIOTIQUES

« Ceci suggère que l'action des huiles ne s'explique pas seulement par le fait qu'elles contiennent des molécules actives, comparables à celles que l'on utilise en médecine conventionnelle », analyse Mathilde Boutin. Elle pense qu'à la différence d'un antibiotique qui se contente de détruire le germe, l'huile touche à l'équilibre immunitaire, métabolique et neuro-émotionnel de l'animal.

Un nouveau protocole est lancé pour aller plus loin dans la compréhension du mode d'action des huiles. Les éleveurs n'utiliseront plus des mélanges, mais des huiles seules. Elles seront appliquées successivement en fonction de leurs propriétés et du stade d'évolution de la mammite. Une première huile au début, pendant l'inflammation, une seconde au moment où les symptômes s'expriment le plus (grumeaux…), puis une troisième quand les signes visibles ont disparu. Elle aura pour rôle de traiter le terrain pour rétablir l'équilibre interne de l'animal. La guérison bactériologique sera vérifiée en laboratoire. Ce travail débute actuellement et se poursuivra en 2011.

PASCALE LE CANN

Les premiers résultats de cette expérimentation seront présentés dans le cadre de la quatrième et dernière Soirée de l'Adage 2010, le lundi 29 novembre, à 20 h 30 dans la salle des fêtes de Vieux-Vy-sur-Couesnon (Ille-et-Vilaine) Renseignements, réservations : 02 99 77 09 56.