PARATUBERCULOSE : RÉFORMER D'ABORD LES SUPEREXCRÉTEURS
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Le Groupement de défense contre les maladies de Seine-Maritime a mis en place un plan de maîtrise raisonné de la maladie. Il repose sur la détection des animaux positifs et l'élimination prioritaire de ceux qui excrètent fortement le bacille.
MIS EN PLACE DÉBUT 2010, le plan de maîtrise de la paratuberculose repose sur l'élimination prioritaire des animaux dits superexcréteurs. À la suite de travaux menés aux États-Unis, deux chercheurs ont réussi à déterminer si un animal est faiblement ou très fortement excréteur. Pour cela, ils ont utilisé la technique de la coproculture. Elle consiste à faire développer le bacille responsable de la paratuberculose dans les selles de l'animal. Bien que cette analyse soit la plus fiable, son coût (30 à 40 €/analyse) et son délai de réponse (trois mois) font qu'elle est peu employée en routine. « Nous utilisons deux autres tests, explique Éric Méens, vétérinaire au GDMA 76. Dans un premier temps, des prises de sang sont pratiquées, puis soumises au test Élisa. Ceci permet de connaître si l'animal est positif ou pas. » Ensuite, le niveau de contamination est apprécié à partir des bouses des animaux positifs qui sont prélevées, puis analysées grâce à un test PCR (Polymerase Chain Reaction). On peut ainsi mesurer le niveau d'excrétion de l'animal. « Laqualification est encore intuitive. Les GDS du grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire et Haute- Normandie) mènent un projet commun, en partenariat avec l'École nationale vétérinaire de Nantes pour faire le lien entre les analyses par coproculture et celles par prises de sang ou par PCR. »
UN SEUL D'ENTRE EUX CONTAMINE AUTANT QUE 20 000 FAIBLES
À terme, il est possible que seules des analyses de sang suffiront pour détecter les superexcréteurs.
Grâce à la connaissance du niveau d'excrétion, les éleveurs ont la possibilité de mieux hiérarchiser leurs réformes.
La priorité est à l'élimination des animaux superexcréteurs. Un seul d'entre eux contamine autant son environnement que 20 000 excréteurs faibles. Une part importante de la transmission de la maladie se fait par ingestion de nourritures contaminées par des matières fécales. Les animaux les plus jeunes sont particulièrement sensibles. « Surtout les veaux durant leurs premières semaines de vie. La consommation de lait infecté est une source de transmission possible. Les adultespeuvent aussi se contaminer sans qu'ils développent pour autant la maladie. »
Ce nouveau plan de maîtrise permet de réduire le rapport coût-bénéfice. Un super-excréteur est un animal au stade préclinique. Irrémédiablement, la maladie va se développer, provoquer des diarrhées aiguës, puis entraîner la mort. « En réformant l'animal rapidement, avant qu'il ne s'amaigrisse, les éleveurs peuvent encore valoriser la viande. Inversement, un animal positif mais qui n'excrète pas le bacille peut finir sa lactation avant d'être réformé. » Afin d'éviter tout risque de contamination, le GDMA recommande de ne pas garder les veaux nés de vaches superexcrétrices. Ils ont de fortes probabilités d'être contaminés. 20 à 30 % des transmissions se font in utero, lorsque la mère présente la forme généralisée de la maladie. Le vêlage est aussi un événement à risque. Les contractions utérines et abdominales peuvent provoquer une expulsion de matière fécale et contaminer le veau. « Par contre, si la mère est positive en sérologie mais négative en PCR, l'éleveur peut garder le veau. » En parallèle, il est conseillé de mettre en place des mesures d'hygiène. Avoir un local à vêlage exclusivement réservé à cet usage est recommandé. « Mieux vaut éviter de faire téter les veaux sous leurs mères. La présence d'une superexcrétrice risque de contaminer les abdomens et les mamelles de tout le troupeau. »
Par ailleurs, favoriser l'immunité des animaux est aussi une mesure préventive à ne pas négliger. « En moyenne, à l'entrée dans le plan, 10 % des animaux sont positifs et un cinquième d'entre eux est super-excréteur. Le niveau d'excrétion d'un troupeau serait un bon indicateur de son niveau immunitaire. »
Pour le renforcer, des mesures simples sont à mettre en oeuvre. Par exemple, donner du colostrum au veau dans les toutes premières heures de vie. Avec l'augmentation de la productivité des vaches et la dilution du taux d'anticorps dans le lait, l'apport recommandé est à présent de 4 litres dans les 6 heures qui suivent la naissance. La technique du drenchage est indispensable pour apporter cette quantité. Le sevrage doit aussi être conduit en lot. Une maîtrise raisonnée du parasitisme permet également à l'immunité naturelle de l'animal de s'établir. Enfin, la conduite du tarissement avec une bonne gestion du déficit énergétique, des apports en fibres, en protéine et en minéraux spécifiques est conseillé. « La maladie s'exprime la plupart du temps sous sa forme clinique après le vêlage, une période où l'animal fait face à une immunodépression. »
Même si les signes cliniques constituent la partie visible de la maladie, selon une enquête menée par les GDS bretons et l'ENVN, on constate une diminution de la production laitière de l'ensemble du troupeau de, en moyenne 1,6 l/VL/j dans les élevages contaminés. La prévalence de la maladie reste encore inconnue en France. Aux États-Unis, 68 % des troupeaux sont touchés. Au Danemark, la proportion atteint 85 %. Aux Pays-Bas, la quasi-totalité des éleveurs sont engagés dans un plan de maîtrise.
NICOLAS LOUIS
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