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MIEUX TRAVAILLER AVEC SES BOVINS EN MINIMISANT LEUR STRESS

Visiter fréquemment ses bovins, les toucher et leur parler avec une voix grave et monocorde favorise la bonne relation homme-animal.© CHRISTIAN WATIER

Afin de faciliter la conduite de son troupeau, l'éleveur a tout intérêt à se préoccuper de son bien-être et à nouer une bonne relation avec lui durant toute sa vie.

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MÊME SI LES BOVINS SONT DES ANIMAUX DE RENTE, l'éleveur doit se soucier du bien-être de son troupeau. Non stressé, il se révèle plus facile à conduire, donc synonyme de gain de temps. De plus, l'éleveur se mettra moins en danger en les manipulant. Autre avantage, et non des moindres, cela lui permettra d'améliorer la rentabilité de son atelier.

« Des études réalisées en Autriche, en Australie et au Canada, dans des stations expérimentales ou sur le terrain, démontrent que des vaches laitières stressées produisent entre 5 à 10 % de lait de moins que d'autres qui ne le sont pas », explique Béatrice Mounaix, chef de projet à l'Institut de l'élevage.

Réduire le stress de ses animaux passe par plusieurs étapes. Dans un premier temps, il faut prendre conscience de la façon dont ces animaux perçoivent leur environnement, puis comprendre comment ils se comportent en groupe et enfin être capable de nouer une bonne relation avec eux.

Comprendre l'univers sensoriel des animaux

Les réactions du bovin sont conditionnées, en grande partie, par la façon dont il perçoit son environnement. Son univers sensoriel est différent de celui de l'homme. Tout comme lui, il utilise ses cinq sens. Deux d'entre eux sont à prendre en considération. Tout d'abord, la vision. Avec ses yeux positionnés sur le côté, le champ visuel d'un bovin dépasse 330°. Mais sa vision binoculaire se limite à une zone de 40° en face de sa tête. Conséquence : il voit la plus grande partie de son environnement avec un seul oeil. Cette caractéristique est très importante, car il perçoit mal les profondeurs et a une vision saccadée des mouvements. Il faut donc éviter de faire des gestes brusques autour de lui pour ne pas l'effrayer. « II existe aussi une zone aveugle située à l'arrière de l'animal. Il ne faut pas arriver par derrière lui pour ne pas le surprendre. Sinon, il peut prendre peur et avoir des réactions qui mettent l'éleveur en danger. » L'oeil du bovin s'adapte plus lentement aux changements de lumière et il est plus sensible aux fortes luminosités. Lors du déplacement d'un lot d'un endroit sombre vers un endroit éclairé, il est recommandé de laisser aux animaux un temps d'adaptation. Les zones très lumineuses, comme le pont métallique de la bétaillère, provoquent souvent leur arrêt. L'ouïe est également très différente de celle de l'homme. L'animal perçoit de manière plus forte certains sons, notamment les aigus. Les bruits métalliques, les voix aiguës et les cris sont perçus comme des agressions. De même, des bruits nouveaux peuvent entraîner des réactions de peur. À l'inverse, le bovin est sensible aux voix humaines et lui parler avec un ton grave a tendance à l'apaiser. Il s'habitue aux sons familiers, même s'ils sont intenses.

Les trois autres sens ont également leurs propres spécificités. « Concernant le toucher, les éleveurs pensaient autrefois que les bovins étaient peu sensibles à la douleur. Il faut savoir que malgré le cuir qui les protège, ils sont très réceptifs aux contacts. » Les caresser leur procure une sensation agréable. Et le simple fait de poser sa main sur leur dos peut les calmer. L'odorat, contrairement à celui de l'homme, est très développé. Les odeurs sont utilisées par les animaux pour communiquer entre eux. Ainsi, lorsqu'ils ont peur, ils peuvent émettre des molécules particulières dans leurs bouses ou leurs urines pour transmettre un message à leurs congénères. « En salle de traite, on conseille de passer les animaux les plus peureux et difficiles à manipuler en derniers. Cela évitera de transmettre leur peur à tout le troupeau », poursuit Béatrice Mounaix.

Quant au goût, on recommande d'utiliser la gourmandise comme méthode d'approche. À l'aide d'un seau de granulés, l'éleveur peut rassembler les animaux, les guider mais aussi les récompenser après une manipulation. Ils feront alors le lien entre cette intervention et le goût d'un aliment apprécié.

Appréhender les comportements sociaux

Les bovins sont des animaux sociaux qui vivent en groupe, contrairement à certains animaux solitaires (certains félins, ours…). Lorsqu'ils se retrouvent isolés, ils se sentent en danger et prennent peur. Mieux vaut ne pas les manipuler seul. Dans un couloir de contention, il est préférable de bloquer plusieurs animaux à la fois, même lorsqu'un seul est à manipuler. Autre situation : lorsqu'une vache est à isoler, il est conseillé de la placer dans un box en contact visuel avec ses congénères. Par ailleurs, une hiérarchie se crée entre les membres du troupeau avec des relations de dominants à dominés. Le regroupement d'animaux ou la création d'un nouveau lot ont pour effet de perturber l'ordre social établi. « Cela provoque un stress. L'éleveur doit laisser un temps au nouveau groupe pour que la hiérarchie se stabilise. Sinon, les animaux risquent d'être agressifs et leur manipulation sera plus dangereuse. Souvent, quelques heures leur suffisent. »

Pour faciliter la conduite de son troupeau, l'éleveur a intérêt à repérer les meneurs. Ce sont ceux qui initient le mouvement et qui sont suivis par les autres membres du groupe. Pour une activité donnée, le meneur est à chaque fois le même. En revanche, il peut être différent selon le déplacement à effectuer. Ainsi, un animal qui conduit le troupeau à la salle de traite peut ne pas être celui qui le mène à la pâture. Pour faciliter la manipulation, l'éleveur doit habituer le meneur à utiliser le couloir de contention. Cela facilitera le passage de tous les autres. « Attention à ne pas confondre la meneuse avec une vache dominante. Celle-ci ne guide pas les animaux. Dans des situations de compétition comme pour accéder à l'auge ou à un point d'eau, les animaux s'écarteront pour laisser la place à l'animal dominant. »

Créer des interactions positives régulières

L'éleveur entretient une relation régulière avec ses animaux. Les interactions positives ou négatives qu'il noue avec eux vont déterminer la peur ou la confiance qu'ils ont vis-à-vis de lui. Les comportements qui consistent à crier, à taper, même de façon modérée, les gestes brusques sont à éviter, car ils vont conforter l'animal dans sa vision de l'homme comme un prédateur. On conseille de créer une relation quotidienne avec les bovins et de favoriser les interactions positives avec eux. « Comme par exemple, d'aller les voir fréquemment, même quotidiennement lorsque c'est possible, et de ne pas hésiter à leur parler avec une voix grave et monocorde. Les manipulateurs expérimentés utilisent cette technique pour approcher les animaux, y compris ceux qui ne sont pas familiers. » À chaque fois que la situation se présente et en s'assurant de sa sécurité, on conseille à l'éleveur de toucher ses animaux. Par exemple, durant la traite, l'éleveur peut poser sa main sur la cuisse arrière de la vache pour l'avertir de sa présence avant de brancher les trayons. Des expérimentations ont démontré que caresser un bovin sur le dos tend à l'apaiser, de même que poser la main sur l'épi, une zone située sur le haut de l'épaule et qui présente de nombreux capteurs sensoriels. Enfin, caresser le cou d'un veau abaisse son rythme cardiaque. « Le temps gagné grâce à la mécanisation ne doit pas éloigner l'agriculteur de ses animaux. Par exemple, les éleveurs équipés d'une pailleuse ne sont plus obligés de se déplacer quotidiennement sur l'aire de couchage. Ils peuvent tout de même prendre le temps de passer parmi eux. »

Même si la relation homme animal se construit tout au long de la vie, il existe des périodes plus favorables que d'autres pour nouer une bonne relation avec les bovins. Cela commence dès le premier âge. On recommande de multiplier les contacts avec les veaux durant les premières semaines pour les habituer à la présence de l'homme (visites fréquentes, caresses, paroles…). En élevage allaitant et en présence des mères, l'intervenant doit s'assurer de sa sécurité aux contacts avec les jeunes veaux. Le sevrage est également une période cruciale, surtout en élevage allaitant, où le veau est élevé sous la mère. La séparation provoque des perturbations et un stress pour le jeune animal. Grâce à sa présence, l'éleveur peut le rassurer et en profiter pour créer une bonne relation avec lui. La mise bas est aussi une période favorable, en particulier avec les primipares. En l'aidant dans ce moment délicat, l'éleveur sera perçu de manière positive par la vache. Il peut aussi la flatter en lui donnant à manger et la récompenser de ses efforts.

NICOLAS LOUIS

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