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PRÉVENIR LE STRESS THERMIQUE DE LA VACHE LAITIÈRE

De 10 à 25 % de production en moins, un risque d'acidose accru et des vaches debout plus longtemps, avec à la clé des boiteries, les vaches laitières craignent beaucoup plus la chaleur que le froid.© CLAUDIUS THIRIET

Dès 25°C, la vache laitière subit des agressions avec des conséquences importantes sur sa santé et sa production. Des moyens existent pour soustraire les animaux à la sensation de chaleur pendant ces périodes caniculaires.

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DANS LE COURANT DE L'ANNÉE 2006, les pertes dues au stress thermique de la vache laitière ont été estimées à 900 millions de dollars pour l'industrie laitière des États-Unis. Les conditions caniculaires de l'été 2003 nous ont appris que des chaleurs très élevées avaient une influence importante sur le comportement des ruminants. Rappelons qu'une vache laitière est beaucoup plus sensible aux températures élevées qu'au froid. Le passage du cap des 25°C se traduit par un cortège de dérèglements pathologiques : baisse de la production, augmentation des mammites et des boiteries, recul de la fertilité. Plus l'hygrométrie est élevée, plus les effets d'une température élevée seront néfastes du fait d'une thermorégulation difficile.

Les conséquences de la chaleur

Le stress thermique modifie le comportement des vaches laitières.

DES VACHES DEBOUT PLUS LONGTEMPS

Elles mangent moins et passent plus de temps debout. Cette augmentation du temps passé debout est interprétée comme une façon pour la vache d'augmenter les échanges thermiques entre son corps et le milieu extérieur. Ce temps passé debout est aussi corrélé à l'augmentation de l'abreuvement. Une vache en bonne santé passe en moyenne douze à se treize heures par jour couchée. Dans des conditions de températures humides très défavorables, ce temps de couchage tombe à huit heures. Une telle réduction a des conséquences sur les lésions du pied.

DES VACHES QUI PRODUISENT MOINS

Les performances laitières sont très altérées par les fortes chaleurs. Lorsque le stress hydrique se produit dans la période précédant le vêlage, la perte de production est de 10 à 12 % avec, en parallèle, une diminution de la taille et de la vitalité du veau. Pour les animaux en pleine lactation, la baisse de production est, selon le stade, de 10 à 25 % avec un retour à la normale aléatoire. En cause, des sécrétions hormonales altérées et une réduction de la MS ingérée qui peut aller jusqu'à 10 %. Par ailleurs, le comportement alimentaire est modifié : les vaches réduisent le nombre de repas en ingérant de plus grande quantité à chaque prise, avec une préférence pour les particules fines et un tri amplifié. En conséquence, le risque d'acidose est accru. En outre, l'état d'alcalose respiratoire induit par le halètement (dégagement de CO2) fait que la vache compense par une élimination urinaire de bicarbonate. Simultanément, la concentration en bicarbonate de la salive diminue, dépréciant son rôle tampon. La baisse du pH ruminal est donc amplifiée d'autant.

DES VACHES PEU FERTILES

L'exposition à une chaleur humide a des répercussions sur la fertilité sur une période critique qui court de trois semaines avant la date supposée de l'IA jusqu'à cinq semaines après. Ce qui signifie qu'une vache inséminée cinq semaines après un épisode caniculaire montrera des résultats aussi décevants que celles qui ont été inséminées pendant les fortes chaleurs. Les températures caniculaires influent sur la synthèse des hormones stéroïdes avec, pour conséquences, une mauvaise qualité des ovocytes et une augmentation de la mortalité embryonnaire. Ces phénomènes sont amplifiés par la réduction de l'ingestion et le déficit énergétique consécutif. La décision de mise à la reproduction doit prendre en compte les conditions climatiques dans lesquelles l'animal a évolué en considérant une fourchette de huit semaines entourant l'insémination artificielle. La connaissance de ces facteurs défavorables permet d'éviter des réformes précoces pour infertilité alors que la cause est étrangère à l'animal.

DES VACHES À MAMMITES

Le stress thermique influe sur la qualité du lait en cellules et bactéries. On note aussi une augmentation significative du nombre de mammites. Ce dernier point s'explique par l'altération de la propreté des animaux qui ont tendance à se coucher ensemble dans les zones les plus fraîches (ombre, couloir, etc.) où ils urinent et défèquent sur place.

Outre ce facteur environnemental, une dépression immunitaire liée au stress est avancée pour expliquer l'augmentation de ces pathologies.

DES VACHES QUI BOITENT

En période de chaleur forte, nous avons vu que le risque d'acidose ruminale est accru : moins de repas, plus de tri et un pouvoir tampon de la salive affaibli. Si on ajoute une station debout plus longue, on obtient une augmentation du nombre de boiteries.

Maîtriser le stress thermique

La capacité des vaches à lutter contre la chaleur est limitée. La sudation, bien que faible, existe et consomme sodium et potassium. Il faut en tenir compte dans la complémentation minérale. L'émission de vapeur par accélération des mouvements respiratoires est le moyen le plus utilisé par l'animal, mais avec des conséquences sur le pH ruminal. Il faut tenter de soustraire les animaux de la sensation de chaleur caniculaire.

PROCURER DE L'OMBRE

L'ombre naturelle des arbres ne fait pas qu'atténuer les rayons du soleil. L'évaporation de l'humidité de surface des feuilles permet aussi de réduire la température de l'air ambiant, améliorant la sensation de fraîcheur. L'ombre des arbres est donc très appréciée par les animaux.

L'ombre est aussi apportée par les bâtiments. Il faut savoir qu'une orientation est-ouest donnera le maximum d'ombre, ce qui est souhaitable si les animaux sont confinés à l'intérieur. S'ils ont la possibilité de sortir et de suivre l'ombre au cours de la journée, une orientation nord-sud est préférable et permet d'assécher certaines zones de la stabulation par le rayonnement solaire. L'isolation du toit est intéressante, mais ne doit pas occulter la qualité de la ventilation.

À l'intérieur de la stabulation, la nature du couchage a une légère influence. Il semblerait qu'en période de forte chaleur, les logettes remplies de copeaux ou de fumier composté soient mieux fréquentées que celles équipées de matelas. Ce qui est l'inverse dans les périodes tempérées.

RÉDUIRE LA TEMPÉRATURE AMBIANTE

Les brumisateurs à haute pression dispersent de fines gouttelettes qui s'évaporent rapidement, refroidissant l'air ambiant. Le système est optimisé par la disposition de buses de brumisation sur le pourtour de gros ventilateurs qui propulsent ainsi l'air refroidi en direction des animaux. Les brumisateurs ne doivent être utilisés qu'aux heures les plus chaudes de la journée. La brumisation à l'intérieur de la salle de traite, outre le fait de rafraîchir les vaches, évite les désagréments des mouches. L'éleveur peut également utiliser la vaporisation directe sur les animaux qui, en humidifiant la peau, abaisse la température corporelle. Couplé à des ventilateurs, l'effet est encore plus efficace.

FACILITER L'ABREUVEMENT

Dans les périodes caniculaires, les vaches doivent disposer d'une eau fraîche et de bonne qualité bactériologique et organoleptique, facile d'accès et en grande quantité. La norme est un point d'eau pour quinze vaches avec un débit de dix litres par minute. En période de canicule il faudrait atteindre 60 cm d'auge à eau par animal. Les abreuvoirs à piston, qui permettent de pomper l'eau d'une rivière lorsque l'animal poussoir, ne sont pas adaptés aux vaches laitières.

AMÉLIORER LA RATION

La baisse de consommation lors des périodes de fortes chaleurs doit être compensée par une augmentation de la valeur énergétique de la ration. Elle se fera par l'addition de cellulose digestible (pulpes de betterave, coques de soja, luzerne) et de matières grasses protégées, et non par un apport supplémentaire d'amidon, du fait des risques accrus d'acidose à cette période.

La complémentation minérale doit être réajustée de 10 % environ pour prendre en compte les pertes en potassium et sodium dues à la sudation. Une légère augmentation du niveau azoté permet de stimuler l'appétit. La complémentation en matières grasses protégées à fortes teneurs en acides gras poly-insaturés augmente la taille du follicule et du corps jaune et améliore le développement embryonnaire. L'adjonction d'acides gras aura donc un effet positif sur la fertilité.

LIMITER LES DÉPLACEMENTS

L'effort musculaire augmente la température corporelle et, du coup, réduit les capacités de thermorégulation des vaches. Si possible, il faudra limiter les déplacements longs et favoriser l'accès à la stabulation, à condition qu'elle soit « réfrigérée » par les dispositifs décrits plus haut.

JEAN-MICHEL BONNEFOY, VÉTÉRINAIRE DANS L'AIN

L'ombre des arbres - Au pré, elle est très appréciée des animaux.

© P.CRAPON/GFA

Des brumisateurs associés à des ventilateurs - Ils permettent de réduire la température ambiante dans le bâtiment.

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