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« J’ai commencé avec une salle de traite mobile de deux places »

« J’ai mûri mon projet tout en étant aide familiale sur la ferme. Quand j’ai vu que c’était jouable, je me suis lancé. J’ai perdu peut-être 2 000 ou 3 000 d’aides, en me lançant un peu avant mon installation officielle au 1er janvier 2024, mais j’ai sécurisé l’activité avant de me lancer », explique Valentin Lacaze, devant un deuxième présentoir plus grand que son tout premier (4 m de long).

En trois ans, Valentin Lacaze a développé un atelier lait et vente directe sur sa ferme. Installé à Samatan dans le Gers, là où l’élevage laitier disparaît avec plus qu’une vingtaine d’éleveurs dans le département, il a relevé le pari avec brio.

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Valentin Lacaze, 25 ans, n’a pas froid aux yeux. Il y a trois ans, il décide de créer un atelier lait avec transformation à la ferme sur l’exploitation de ses parents orientés volailles et céréales.

L’exploitation 

La salle de traite mobile (2 places) est juste plantée au sol à côté du parc des vaches. Elle n’a jamais bougé de place depuis son arrivée. Il est mis en vente aujourd’hui car Valentin aura bientôt une salle de traite fixe (2x4 places) en bâtiment. « Je ne sais pas comment j’aurai fait sans elle ! », relève le jeune éleveur. (© E. Durand)

Son père, Jean-Marc, a pris sa retraite et sa mère, Sylvie, gère toujours l’atelier de canard gras et la vente à la ferme (frais et conserve). Mais lui, son idée c’est bien le lait. « Je ne savais pas bien où j’allais, s’exclame-t-il. Mais au moins j’ai choisi cette situation. Les vaches, voilà quarante ans qu’il n’y en a plus ici. Il a fallu remettre des barrières et des cornadis. » Valentin a pensé son projet pour un maximum de souplesse. Il a repris un coin de bâtiment, en s’organisant avec un voisin pour stocker son matériel ailleurs, et le transformer en stabulation. « J’ai commencé avec du déplaçable. Si au bout de six mois, un an, cela ne marchait pas, je pouvais revenir en arrière », justifie-t-il. Il achète une salle de traite mobile, utilisée en estive, (2 places) et une petite remorque frigorifique pour la vente sur les marchés (1,4 m de long), tous les deux d’occasion.

Pour son nouveau bâtiment, Valentin a prévu des ventilateurs dans la salle de traite, une brumisation au niveau des râteliers, des côtés ouverts et il imagine la possibilité d’arroser le toit si besoin. Il voudrait loger entre 20 et 30 vaches laitières, avec leurs veaux et se laisse toujours de la marge de manœuvre (36 places). (© E. Durand)

Il investit dans un préfabriqué (30 m2) nu qu’il transforme en laboratoire, lui aussi déplaçable, appuyé par les services vétérinaires. Et il trouve aussi ses quatre premières vaches, des génisses pleines prim’holsteins. « Aujourd’hui, avec mes quinze vaches, je sature mon outil », constate-t-il. Et en trois ans, Valentin a largement développé son activité de transformation et vente directe de yaourts (2,70 € les 4 pots), desserts (4,50 € les 4 pots), faisselle (8 €/kg), fromageons frais, crème fraîche (20 €/kg), beurre (20 €/kg) et fromage blanc (8€/kg). Il vend aussi du lait cru et s’est déjà lancé dans la fabrication de glaces à l’italienne sur des marchés le soir en été. « J’ai eu tout de suite de la clientèle », reconnaît-il, dans une région où l’élevage laitier a presque disparu du paysage. Il pratique la monotraite pour se libérer du temps et ses vaches produisent en moyenne 15 à 17 litres par jour.

Remettre du pâturage

Il revoit aussi le parcellaire de l’exploitation pour dégager des surfaces de pâturage et fait avec les chaleurs estivales. « Les températures sont de plus en plus élevées. Pendant les fortes chaleurs, les vaches mangent surtout la nuit, dans des parcs gérés au fil, après la traite. Elles finissent de grappiller la journée et se mettent à l’abri des haies », explique Valentin. Il évoque la normande plus adaptée à la chaleur, mais trop chère pour lui au départ, et finalement il a  « un lait de qualité et gras avec (s)es prim’holsteins ». Le parcellaire jouxte les bâtiments (20 ha), avec un accès à l’eau systématique. « Elles ne savent pas revenir boire, aussi il y a toujours un point d’abreuvement au plus près, avec un bon débit.

« Je veux des vaches qui ont de bons pieds et de bons aplombs, pas des vaches trop grandes », observe Valentin. La stabulation actuelle, sur paille, de taille volontairement réduite a été construite sous un hangar à matériel. L’atelier lait représente environ 68 000 € de chiffre d’affaires, soit 35 % 35 % (40 % proviennent des cultures et le reste de l’activité de canard gras). (© E. Durand)
Et puis, je reste vigilant à l’éloignement des parcelles. Un kilomètre, c’est un litre de lait en moins alors je garde les vaches à côté. Seules les génisses et les vaches taries partent ailleurs, sur un autre site. » Il a ressemé rapidement, à son installation, 6 ha en plantain, lotier, trèfles blanc et violet, dactyle, fétuque élevée, ray-gras hybride diploïde, ray-gras anglais tétraploïde et diploïde, à la place des céréales. Plus loin, il enrubanne 3 ha de trèfles violet, blanc géant et incarnat (resemis tous les deux-trois ans), 2 ha de luzerne pure, et fauche 10 ha de mélange maison (fétuque, dactyle, ray-grass, luzerne, trèfles, lotier, à resemer tous les cinq ans).

De la luzerne à presque tous les repas

Sur la partie alimentation, l'avis de Valentin est sans appel : « Je préfère que mes vaches aillent ramasser l’herbe plutôt que de sortir le round-baller ! » Son système s’appuie essentiellement sur les légumineuses dont la luzerne pour maximiser l’autonomie. « Quand je n’ai plus d’herbe, la luzerne est toujours verte. Certains éleveurs ouvrent leur botte d’enrubannage en période estivale, moi pas. Je n’ai pas peur de la faire pâturer : la nuit toujours (pas de photosynthèse), à un stade avancé (en fleurs) et avec une bonne clôture en fil arrière car la luzerne fraîche est, elle, dangereuse (météorisation). Ici quand il n’y a plus rien à manger en août, que tout est grillé, il n’y a vraiment rien, à part entamer les stocks d’hiver et moi je veux produire du lait le moins cher possible ! » Il maximise aussi l’aide couplée aux légumineuses (Pac) qui payent les semences : « Et une bonne partie du lait produit est fait là, sans me coûter bien cher ! » Sans son enrubannage, Valentin estime une baisse de production moyenne de l’ordre de 3 litres/jour/vache. Le méteil ? « J’ai testé mais ce n’est pas mon truc. Trop fibreux et trop pénible à faucher ! »

D’autres ateliers en soutien

Les vaches reçoivent 4 kg d’aliment par jour et par vache (2 kg de farine d’orge ou de maïs et 2 kg d’aliment VL à 20 % de protéine), du foin à volonté, de l’enrubannage en hiver (une botte par jour) et l’herbe qu’elles vont pâturer. « Je n’ai pas de date de sortie ou de rentrée. Je regarde surtout le moment où elles abîment les prairies et dès que la météo est clémente, je les lâche.

« Je veux des vaches qui ont de bons pieds et de bons aplombs, pas des vaches trop grandes », observe Valentin. La stabulation actuelle, sur paille, de taille volontairement réduite a été construite sous un hangar à matériel. L’atelier lait représente environ 68 000 € de chiffre d’affaires, soit 35 % 35 % (40 % proviennent des cultures et le reste de l’activité de canard gras). (© E. Durand)

Au printemps, cela évite qu’elles soient toutes folles, avec des risques d’accidents. J’ai aussi moins de boiteries car elles sont souvent dehors et elles marchent. » Si Valentin cultive aussi du maïs et du soja sur 20 ha, en irrigué, l’essentiel part pour la coopérative. Le blé et le tournesol font aussi partie de l’assolement. Valentin n’est pas dupe. Il explique que l’atelier cultures lui dégage de la marge pour investir, notamment dans du matériel. « Je travaille beaucoup du fait de la traite, de la transformation et des marchés. Quand je reviens d’un marché le dimanche et que je dois repartir enrubanner ou faucher, je veux pouvoir démarrer tout de suite ! J’ai donc du matériel neuf, récent et bien révisé. »

Deux apprenties en appui

Valentin vend sur les marchés tous les samedis matin à l’Isle-Jourdain, le dimanche à Toulouse (marché de l’Union) et en été, il est présent sur plusieurs marchés de pays. « J’ai des clients réguliers, mais en saison estivale, ils partent à la plage. J’ai donc moins de commandes. Lors des fortes chaleurs, je peux lever un peu le pied car les touristes achètent peu. Ce n’est pas le gros de ma clientèle. Cette année, je ne sais plus où donner de la tête cependant avec les marchés nocturnes », rapporte-t-il.

Très rapidement, il s’est fait aider par deux apprenties, Amélia (BTS vente directe) et Géromine (licence bovins lait). Sur le plan sanitaire, il énumère : «J’ai trois ou quatre mammites par an. Je n’ai pas de fièvre de lait ou de métrite. Je pare moi-même les pieds. Je me débrouille. J’ai deux ou trois vaches qui affichent des retards de retour en chaleurs, liés sûrement aux grosses chaleurs. Je ne garde l’insémination en semence sexée que pour les meilleures vaches. Les moins bonnes sont inséminées avec de l’Inra 95 ou de la Bazadaise. Les veaux (150 kg) sont alors vendus au marché ou en colis de 5 kg à 16 €/kg (5 à 6 veaux/an). Il m’en faudrait presque un par mois car j’ai plus de demande que de capacité à fournir. »

Se lancer « petit »

En peu de temps, l’atelier s’est développé au point de passer du mobile au fixe, avec un bâtiment neuf uniquement pour les vaches. « Les vaches laitières, cela a toujours été mon truc. Une partie de ma famille en Haute-Garonne tient un élevage laitier. C’est du travail, mais cela me plaît et j’aime bien faire les marchés. Il reste seulement deux ou trois éleveurs dans le département qui font de la vente directe. Il y a donc de la place pour ne pas se marcher dessus. J’ai mûri mon projet depuis 2020.

Amélia (à gauche) et Géromine (à droite), deux apprenties, sont venues rejoindre l’aventure très rapidement au laboratoire. Valentin est très réaliste sur sa charge de travail et sa fatigue à mener de front plusieurs projets sur l’atelier lait. (© E. Durand)

Je me suis formé à l’Enilv d’Aurillac (Cantal) avec un CS Produits laitiers fermiers et surtout, j’ai travaillé presque deux ans chez un éleveur, ancien enseignant en zootechnie, Michel Auger, à Mirande (Gers). J’ai vu ce que c’était que traire 65 vaches matin et soir. J’ai appris la vraie production laitière. Avant de se lancer, il ne faut pas viser trop gros et trop investir. Il faut tester le marché, ne pas foncer tête baissée. Ce qui est vrai ici, ne l’est pas forcément ailleurs. Il faut aimer la transformation et garder en tête que le client est roi ! Il revient pour vos produits et qui vous êtes ! »

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