« Les croisées, des vaches sans souci qui passent inaperçues »
Rusticité. Une étude menée à la ferme des 1 000 vaches sur les animaux en croisement trois voies conforte la justesse de ce pari génétique fait ici dès 2009. Les croisées s’y confirment comme des vaches plus rustiques.
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Le pari génétique de Michel Welter, gérant de la ferme des 1 000 vaches, était osé. Retour en 2009, où il est en charge à Airaines (Somme) du troupeau de 150 holsteins d’une des quatre exploitations qui allaient fonder la SCL Lait Pis Carde, porteuse du projet des 1 000 vaches. Deux articles parus dans L’Éleveur laitier en 2008 et 2010 l’interpellent. Ils relatent l’expérience d’éleveurs californiens pratiquant le croisement trois voies. L’approche de Les Hansen, chercheur à l’université du Minnesota, qui a trituré les chiffres des croisées normandes, montbéliardes, rouges scandinaves et les a comparés aux pures holsteins, ébranle ses convictions. Il pointe du doigt l’intérêt de juger les performances non plus sur la seule moyenne laitière par lactation, mais sur le lait par jour de vie productive. Et le constat du chercheur américain est sans appel.
Début du croisement trois voies en 2010-2011
Sur ce critère, toutes les croisées devancent les holsteins, qui affichent pourtant des performances de lactation supérieures. Le résultat est notamment étonnant pour les F1 normandes, les plus distancées en lait : 1 570 kg de moins que les holsteins en moyenne sur les cinq premières lactations… Et pourtant, au final, 30 kg de plus que ces dernières sur la production totale des quatre années suivant le premier vêlage (+ 4 200 kg pour les F1 montbéliardes, + 1 750 kg pour les F1 rouges suédoises). À la clé, le profit est supérieur de 7 % (+ 34 % pour les montbéliardes, + 21 % pour les rouges suédoises). La faute à des holsteins pénalisées par leur longévité, leurs performances de reproduction qui font aussi la rentabilité en élevage laitier.
Fort de cette nouvelle approche, Michel Welter commence en 2010-2011 à inséminer, pour moitié avec des taureaux holsteins sélectionnés sur les index fonctionnels, pour moitié en montbéliards et rouges suédois. Les montbéliards sont réservés aux multipares, les rouges suédois aux génisses. Le pli du croisement est lancé. Il prend une nouvelle envergure en 2014, quand le troupeau s’agrandit de 200 à plus de 800 têtes avec la concrétisation du projet des 1 000 vaches. La décision est entérinée de passer à 100 % en croisement rotatif trois voies de type Procross, la holstein revenant en 3e génération.
60 % du troupeau croisé
Le troupeau se compose de 60 % de croisées, les pures holsteins étant appelées à disparaître. La 4e génération commence à naître. En ration complète calée sur 30 l/VL, les résultats sont à la hauteur des espoirs avec une moyenne économique de 10 000 kg/VL (trois traites par jour).
Près de dix ans après avoir fait ce pari, Michel Welter a voulu confirmer, par les chiffres, ce qu’il pressentait. À savoir son ressenti très positif pour ces croisées. Un élève ingénieur d’UniLaSalle Rouen s’est chargé du travail, confirmant que si les croisées affichaient des niveaux laitiers moindres, elles faisaient plus que le compenser par ailleurs (lire ci-contre).
Justine Lepointe, sa jeune chef d’élevage, passionnée de concours holstein, arrivée à la ferme en 2016, dit avoir changé sa façon de juger une laitière performante. Avant, pour elle, c’était une vache avec de la taille, beaucoup de profondeur, une mamelle équilibrée avec de bonnes attaches et beaucoup de lait produit. Aujourd’hui, elle la juge plus sur la durée, au vu du comportement de ces croisées parfois d’une taille très inférieure mais qui produisent avec beaucoup moins de soucis.
« Ce sont des bêtes plus rustiques, bien adaptées pour mieux résister dans les grands troupeaux menés sur des sols en béton, et auxquelles on demande de produire beaucoup de lait. Moins sujettes aux boiteries, on les passe moins souvent au parage. Elles ont globalement moins de problèmes de santé et coûtent moins cher en soins vétérinaires. Elles perdent nettement moins d’état après vêlage, reviennent plus vite en chaleurs avec une meilleure réussite à l’insémination artificielle. Elles redémarrent très bien leur lactation avec moins de problèmes métaboliques. » Et au final, de constater : « Ce sont des vaches qu’on connaît moins. »
Jean-Michel VocoretPour accéder à l'ensembles nos offres :