« Nous recherchons deux nouveaux associés »
Sélectionneurs et producteurs de lait IGP tomme et raclette de Savoie, Margot, Christian et André élèvent 140 vaches abondances, tarines et montbéliardes de haute valeur génétique. Outre la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse, les membres du Gaec Cap 13 se préoccupent du renouvellement des associés.
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Après l’épisode de la FCO (fièvre catarrhale ovine) qui avait frappé le troupeau à l’été et l’automne dernier (entraînant une baisse de production du lait pendant quatre mois), l’année 2025 s’annonçait sous des auspices favorables pour le Gaec Cap 13, à Traize, en Savoie.
LE CADRE
- À Traize (Savoie) à 450 m d’altitude
- Gaec à trois associés, avec de la main-d’œuvre salariée (1,5 UMO)
- SAU : 306 ha dispersés jusqu’à 15 km dont 130 ha pentus difficilement mécanisables
- Assolement : 25 ha de maïs (distribué en vert de fin juillet à mi-octobre, ou ensilé en maïs épi), 15 ha d’orge, de blé et de triticale (autoconsommation essentiellement), 35 ha de prairies temporaires, le reste en permanentes
- Cheptel : 139 vaches abondances, tarines et montbéliardes à 6 548 kg de lait à 33,5 TP, 36,3 de TB et 107 000 cellules
- 844 000 litres de lait IGP tomme, emmental et raclette de Savoie
La mise à l’herbe le 5 mars s’était passée dans de très bonnes conditions, les foins et regains récoltés étaient de qualité, les granges étaient pleines. Le prix du lait IGP transformé par la coopérative laitière en gestion directe de Yenne était rémunérateur (750 €/1 000 litres).
Tout allait bien jusqu’à l’apparition brutale de la dermatose nodulaire contagieuse, le 29 juin en Savoie. Du jour au lendemain, la ferme s’est retrouvée en zone de protection avec des restrictions sur les mouvements d’animaux, les petits veaux en particulier, ce qui a généré du travail et des surcoûts supplémentaires.
La coopérative a dû stocker le fromage fabriqué avec le lait des troupeaux contaminés (cinq) et a perdu des volumes de lait. Plongés comme leurs collègues dans une profonde inquiétude, les éleveurs ont été soulagés dès qu’ils ont pu vacciner l’ensemble de leur cheptel. Le 24 juillet, douze personnes s’affairaient autour du troupeau.
Mobilisés tout l’été pour vacciner contre la DNC
« Tout le monde s’y est mis, se félicite Margot Dumollard, installée depuis deux ans sur l’exploitation au côté de Christian (son père) et d’André Montmayeur (co-fondateur du Gaec). Nous étions contents d’être dans l’action après avoir eu les premiers temps un sentiment d’impuissance. » Et de déplorer les polémiques sur les réseaux sociaux et dans les médias qui n’ont fait qu’ajouter de l’angoisse dans une situation complexe et tendue. Engagés avec leurs collègues dans cette course contre la montre, les éleveurs ont tout fait pour sauvegarder leur troupeau multirace de haute valeur génétique. Début septembre, alors que plus de 90 % du cheptel savoyard avait été vacciné, les éleveurs avaient retrouvé de la sérénité, tout en restant prudents.
Sélectionneurs passionnés et férus de concours, Margot, Christian et André présentent leurs animaux sur les rings dans les trois races (abondance, tarine, montbéliarde), jusqu’à quatre fois par an. Depuis la création du Gaec en 2002 par regroupement de trois troupeaux sur un site acquis en commun, la question des races ne s’est jamais posée. Les éleveurs ont tenu à garder les trois. « On travaille la génétique dans chacune d’elles, souligne André, ancien vice-président de l’Upra Tarentaise. On garde les meilleures, celles qui nous plaisent le plus et qui sont aussi bonnes économiquement. »
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La délicate gestion de l’alimentation
La gestion de l’alimentation toutefois constitue un point délicat. Avec la même ration mélangée, il faut couvrir suffisamment les besoins des montbéliardes, sans que les tarines, moins productives, ne s’engraissent. Or, entre ces deux races, l’écart de capacité d’ingestion journalière est de 3 à 4 kg de MS. Grâce au distributeur automatique de concentré, un compromis est possible. Les quantités distribuées au Dac sont ajustées pour six groupes différents : un par race en primipare et un par race en multipare.
« Le coût alimentaire est bien maîtrisé, observe Éric Guillaumot, conseiller élevage aux éleveurs des Savoie. Il s’établissait à 261 € les 1 000 litres en novembre 2024, malgré une baisse de production marquée en pleine FCO (19,3 kg de lait/vache), et à 153 € les 1 000 litres en juin 2025, à l’herbe, avec 19,7 kg de lait par vache. » Les laitières sont logées dans une stabulation à aire paillée avec aire raclée. Sa capacité initiale (83 places) a été agrandie il y a deux ans pour loger 120 laitières en lactation, 38 génisses à inséminer et 28 taries. « La question des logettes ne s’est pas posée longtemps, précisent les éleveurs, qui privilégient le confort des animaux et le fumier. Et puis avec trois races différentes, les régler aurait été difficile. » Dotée d’un Dac quatre stalles, d’un repousse-fourrage, de tables d’alimentation en résine et d’une salle de traite rotative (20 places), le bâtiment bien exposé donne satisfaction. Le reste du cheptel est abrité sur le second site de l’exploitation dans les anciennes étables entravées aménagées.
Alors que l’outil de production est bien en place, le Gaec se préoccupe du renouvellement de ses associés. L’un des trois fondateurs, Philippe Dumollard est parti à la retraite il y a six mois. Il continue temporairement à intervenir en tant que salarié 20 heures par semaine, ce qui soulage ses collègues. L’ancien apprenti, Denys, a été embauché comme salarié en CDI. Le cousin, Grégory, fils de Philippe, actuellement boucher, est pressenti pour rejoindre le Gaec à moyen terme. Christian et André (59 ans tous les deux) partiront à leur tour à la retraite d’ici à quelques années, l’objectif des éleveurs est donc de recruter deux nouveaux associés.
Une entreprise attractive
« Pour se libérer un week-end sur deux, et prendre des vacances (quinze jours par an), il faut être quatre », souligne Margot . Un matin par semaine, les associés arrivent à 9 heures au lieu de 5 heures. Les investissements réalisés depuis l’installation de Margot il y a deux ans (un million d’euros dans l’extension de la stabulation, du séchage en grange, l’aménagement de la nurserie …) contribuent à l’attractivité de l’entreprise inscrite depuis deux ans au Répertoire départ installation.
Mais cela ne suffit pas compte tenu du nombre d’élevages qui, eux aussi, sont en quête de nouveaux collaborateurs (30 % des exploitations adhérant au Conseil élevage des Savoie). « Pour attirer des candidats, il faut se faire connaître et mettre en avant ses atouts », estime Margot, ancienne conseillère élevage pendant cinq ans. Titulaire d’un BTS Acse et d’un CS CTCPL (1), elle a fait de nombreux stages en France et au Québec avant de s’installer, son rêve depuis toujours. La jeune éleveuse a décidé de prendre les choses en main en communiquant au maximum. Des articles sont déjà parus dans les journaux et radios locaux ainsi que sur les réseaux sociaux. Avec un impact positif. « Nous avons reçu une douzaine d’appels téléphoniques, se félicitent les agriculteurs. C’est rassurant. Nous avons gardé contact avec l’une de ces personnes. »
Un prix du lait rémunérateur
« Notre exploitation compte beaucoup d’herbe et des pentes, pointe Margot, mais elle dispose d’un bel outil de production, avec un prix du lait rémunérateur et un revenu au bout. Il faut juste avoir envie de se lever tôt pour commencer le travail (à 5 heures actuellement). L’enjeu est de trouver des modes de fonctionnement, une organisation et une répartition des tâches qui conviennent à des gens venus de l’extérieur. »
« La question du travail et du temps disponible pèse désormais plus que l’aspect financier pour lequel on trouve toujours des solutions, estime André. Et ce n’est pas si simple dans une société où les gens sont conditionnés pour être dans un monde de loisirs. Quand nous avons créé le Gaec pour avoir de meilleures perspectives de travail et d’avenir, l’un de nos objectifs était de transmettre l’exploitation un jour. Nous y sommes. »
(1) Certificat de spécialisation technicien conseil en production laitière préparé en un an en apprentissage.
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