« NOUS CROYONS AU LAIT AOP ÉPOISSES ET LANGRES ET AUX JEUNES ACTIFS »
LE GAEC DU THILLOT A DÉVELOPPÉ UNE EXPLOITATION DE POLYCULTURE-ÉLEVAGE ET A SAISI LES OPPORTUNITÉS DE DIVERSIFICATION : PHOTOVOLTAÏQUE ET BIENTÔT MÉTHANISATION.
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EN DOUBLE FILIÈRE AOP ÉPOISSES ET LANGRES, LE GAEC DU THILLOT MISE SUR LE LAIT. L'exploitation, qui vient d'intégrer un cinquième et jeune associé (Romain), s'apprête à en accueillir bientôt un nouveau (Guillaume). Pour assurer les revenus supplémentaires, le Gaec investit un million d'euros dans une nouvelle stabulation à logettes d'une capacité de 200 places équipée de trois robots. Parallèlement, il s'engage dans la construction d'un méthaniseur avec trois voisins. Un atelier de taurillons sera mis en place dans l'ancienne stabulation des laitières. « Nous misons sur le lait car il y a des débouchés en filière époisses et langres AOP, et de moins en moins de producteurs pour les satisfaire », expliquent Jean-Pierre Sauvageot et Franck Boitteux, associés historiques du Gaec.
En EARL avec sa femme Valérie sur une exploitation de 250 ha avec 250 000 litres de lait, Jean-Pierre s'est en effet associé avec Franck en 2004. Ce dernier a alors transformé les PMTVA(1) de ses cinquante charolaises en quota laitier.
« NOUS AVONS CONSTRUIT CINQ BÂTIMENTS EN ONZE ANS »
Partageant une vision commune de leur métier, les éleveurs se sont attelés au développement de leur entreprise. La reprise de deux exploitations(2), l'intégration en 2008 dans le Gaec de Pierre Masson, un voisin, et les attributions de quota ont fait évoluer la structure de 350 à 590 ha, et de 400 000 à plus de 900 000 litres de lait.
Initialement salarié à mi-temps, Franck Rietmann est devenu membre du Gaec. En onze ans, cinq bâtiments ont été construits successivement, en partie par les éleveurs eux-mêmes qui ont assuré la maçonnerie. La stabulation en aire paillée (110 places) commencée par Jean-Pierre et Valérie a été finie en 2004. A suivi la construction d'un grand hangar de stockage en 2005, puis celle d'un bâtiment de 100 m de long sur aire paillée pour les génisses laitières et les allaitantes. En 2010, pour poser 1 250 m2 de panneaux photovoltaïques, une halle a été montée. Elle abrite une partie du matériel de l'exploitation. Pour financer un tel programme, les éleveurs ont profité, au début des années 2000, des mises aux normes alors « bien subventionnées ». « Pour les constructions suivantes, nous avons bénéficié des aides PMBE (40 % sur le bâtiment des jeunes et des charolaises) », précise Franck Boitteux.
Chaque nouvelle étape de développement s'est accompagnée d'une augmentation de production, de la mise en route d'une nouvelle activité (photovoltaïque en 2009 et 2010), et d'une progression du chiffre d'affaires. « Le renouvellement du parc matériel et le changement de la moissonneuse-batteuse en 2013-2014 ne se sont faits que lorsque nous avons été assurés d'avoir des surfaces à faire en entreprise, précise Franck. En l'occurrence entre 100 et 150 ha de cultures selon les années qui s'ajoutent aux 327 ha de Scop du Gaec. »
En novembre, les agriculteurs s'apprêtent à franchir une nouvelle étape. Avec enthousiasme. Implantée au milieu des pâtures, la stabulation en logettes tout lisier avec couloirs raclés automatiquement se substituera à la stabulation en logettes creuses paillées et à la salle de traite, une 2 x 8 en épi avec décrochage. Le bâtiment en bois, aux longs-pans équipés de murs de ventilation naturelle Isocell avec boudins gonflables, disposera de trois robots. « Sans les jeunes qui arrivent, nous n'aurions pas réalisé cet investissement, notent Franck et Jean-Pierre. Alors que tous nos emprunts arrivaient à terme et que nous commencions à gagner de l'argent, nous aurions pu nous contenter de fonctionner avec une centaine de vaches. Économiquement, nous savons qu'il y aura des hauts et des bas. D'où l'intérêt d'avoir diversifié nos activités. Avec des oeufs répartis dans plusieurs paniers, il y a toujours quelque chose qui marche. » L'objectif à terme est de monter à 1,5 million de litres avec 200 vaches. « Initialement, nous pensions faire un bâtiment plus petit. Mais quitte à construire, autant prévoir plus grand. Avec Romain et bientôt Guillaume, la relève est assurée. Leur frère Arnaud, bientôt 15 ans, est aussi passionné par l'agriculture. Pour remplir le bâtiment un peu surdimensionné dans un premier temps, nous logerons des génisses et des taries », exposent nos interlocuteurs.
« NOUS VALORISONS SURTOUT LE PÂTURAGE DE PRINTEMPS »
Au Gaec du Thillot, le lait est produit dans le cadre des filières fromagères AOP époisses et langres avec des cahiers des charges à respecter. En AOP époisses, la part des concentrés sur l'année doit être inférieure à 30 % de la MS de la ration totale. L'alimentation doit comporter plus de 30 % de fourrages grossiers et 85 % de l'alimentation doit être issue de l'aire géographique de production. Le non-OGM est la règle. Alors que le pâturage en AOP époisses est obligatoire au moins deux mois au printemps, à raison de 20 ares par vache de la mise à l'herbe au 15 juin au minimum (affouragement en vert autorisé), en AOP langres, les vaches doivent sortir pendant six mois. « Ici, nous valorisons essentiellement le pâturage de printemps », indiquent les éleveurs. Sur le plateau séchant et venté de Langres, il y a rarement une pousse d'été. Même la luzerne grille. Le maïs est indispensable. De mi-juin à mi-août, il est apporté dans l'alimentation à raison de 6 kg de MS par vache et par jour, aux côtés de l'herbe, de l'enrubannage (2 kg) et du foin (1,5 kg). L'hiver, la ration complète mélangée se compose de 10 kg de MS de maïs ensilage, de 3,5 kg de foin, de 3 kg d'enrubanné, d'un kilo et demi d'orge, de 3,5 kg de tourteau de colza et de 250 g de minéraux. Chaque année, 35 ha de céréales sont autoconsommées. Seul le tourteau de colza est acheté. Pour faire pâturer les vaches le plus longtemps possible, le nouveau bâtiment sera équipé d'une porte de sortie intelligente.
« Au-delà de 150 vaches en robot, pourrons-nous encore faire pâturer le troupeau ?, s'interroge Franck. Sur ce point, nous manquons de références. » Une quarantaine d'hectares de prairies permanentes attenantes à la future stabulation des laitières sont destinés aux vaches. Une belle parcelle portante, mais malheureusement caillouteuse et séchante.
Heureusement, en fond de vallée, les éleveurs peuvent compter sur 52 ha de très bonnes prairies où ils font beaucoup de foin de qualité et où pâturent les jeunes vaches, génisses et taries. Le foin est récolté dans les temporaires début juin après une première coupe d'enrubanné effectuée habituellement autour du 20 mai. Une seconde coupe est réalisée mi-juillet.
« NOUS ÉTALONS LES VÊLAGES POUR COLLER AUX BESOINS DE LA LAITERIE »
Le développement de l'atelier lait et l'augmentation des surfaces fourragères se feront en partie sur les cultures de vente. Avec des rendements moyens de 58 q/ha en céréales sur dix ans (35 q/ha en blé en 2014), il n'y a pas d'hésitations à avoir. Dans le secteur, où une demi-douzaine de grosses exploitations sont en rythme de croisière, règne une certaine pression foncière. « Notre idée est de développer notre atelier lait AOP en améliorant notre marge », expose Franck. Actuellement en BAC pro apprentissage en maison familiale, Guillaume devrait toucher du volume supplémentaire quand il s'installera, peut-être fin 2016, lorsque Pierre Masson prendra sa retraite. Pour gérer les volumes, une OP liée à la fromagerie Germain (23 exploitations pour 8 millions de litres) a été constituée. En septembre 2013, lors de l'installation de Romain (réalisée sans reprise de terres), le Gaec avait obtenu 120 000 litres de quota supplémentaires. Pour coller au mieux aux besoins de la fromagerie qui collecte son lait, le Gaec du Thillot souhaite intensifier les efforts engagés depuis quatre ans pour produire plus de lait d'été et d'automne, même si cela induit beaucoup de travail. « Il faut revoir toute la période des vêlages et prévoir des stocks fourragers pour l'été. Les génisses doivent être inséminées à partir d'août en pleine moisson. Entre le 1er mai et le 10 juin, nous avons eu 48 veaux supplémentaires, ce qui fait autant de vaches en plus à traire ! Notre objectif est d'essayer de lisser la charge de travail. Heureusement, nous sommes nombreux sur le Gaec. » Pour bénéficier de la prime de lait d'été maximale (75 € les 1 000 l), il faut livrer plus de 25 % de la production annuelle sur juillet, août et septembre. Ce qui a été réalisé par le Gaec en 2013-2014, mais pas en 2014-2015. Sur 2014, l'incidence qualité du lait s'est traduite pour le Gaec par un bonus de 48,24 € les 1 000 litres (contre une moyenne de 35,45 € les 1 000 litres sur l'ensemble de la fromagerie). Un niveau jugé satisfaisant par les associés compte tenu de la taille du troupeau. En 2014, alors que le prix de base du lait époisses AOP était de 372 €, le Gaec a valorisé son lait à 453 € les 1 000 litres. Pour 2015, hélas, les perspectives de prix ne sont pas aussi favorables.
« NOUS N'IRONS PAS AU-DELÀ DE 8 000 KG/VACHE »
« Le prix de base s'est élevé à 320 € ce premier semestre, soit 60 € de moins que l'an passé, note Franck, par ailleurs vice-président du syndicat de défense de l'AOP époisses. Même en AOP époisses, se déconnecter du marché du lait industriel beurre-poudre reste difficile quand seulement 50 à 68 % du lait collecté selon les périodes de l'année est valorisé en AOP. » Optimiste, Franck veut croire que les prix repartiront à la hausse. En attendant, la mise en service du nouveau bâtiment devrait avoir un impact positif sur les performances du troupeau. Partis en 2004 avec des montbéliardes à 5 000 kg sans IA, les éleveurs ont travaillé ces dernières années la génétique de leur troupeau. En mai dernier, avec les vaches au pâturage et de l'herbe fraîche, le niveau de production relevé par le contrôle laitier s'est élevé à 9 200 kg par vache. En 2014, la moyenne d'étable est montée à un bon 7 500 kg, niveau raisonnable en AOP, avec un TB de 39,3 et un TP de 35,2 en 2014. Un critère que les éleveurs ont sélectionné en cohérence avec les exigences du cahier des charges. « Celui-ci oblige à utiliser au moins 50 % de taureaux améliorateurs en TP, précise Franck. En 2013-2014, sur 112 inséminations fécondantes, 85 ont été réalisées avec des taureaux améliorateurs en TP. On regarde aussi le lait et les cellules. Avec le robot, un niveau de production individuelle de 8 000 kg est facilement atteignable. Aller au-delà n'a pas d'intérêt. Avec des vaches à plus de 9 000 kg, il faudrait donner davantage de concentré, et on ne tiendrait pas le cahier des charges. »
ANNE BRÉHIER
(1) PMTVA : prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes.(2) Celles des oncles de Jean-Pierre en 2004-2005 et en 2010.
Les montbéliardes au pâturage. Alors que le pâturage en AOP époisses est obligatoire au moins deux mois au printemps, en AOP langres, les vaches doivent sortir pendant six mois.
La relève. Romain Sauvageot s'est installé en 2013. Son frère Guillaume le rejoindra dans deux ans quand Pierre Masson, associé du Gaec, prendra sa retraite.
Le semoir. Depuis 2002, les cultures sont implantées en semis direct. Ici, Jean-Pierre Sauvageot.
Dans l'ancien bâtiment des laitières, un atelier taurillons sera monté à partir des veaux mâles nés sur l'exploitation. Dix hectares de maïs ensilage supplémentaires ont été implantés cette année pour alimenter les taurillons et un peu pour le méthaniseur.
Le bac phyto permet de récupérer les eaux usées du pulvérisateur. Sensibles au rôle positif des haies et des arbres, les éleveursontconservé le chêne qui poussait à cet endroit. L'eau des toits, récupérée pour remplir les pulvérisateurs, sert aussi de réserve pour les incendies.
Le photovoltaïque. En 2010, 1 250 m2 de panneaux ont été posés sur un nouveau hangar. L'investissement a été réalisé dans le cadre d'une SNC créée par Franck, Jean-Pierre et sa femme Valérie. Le hangar loué au Gaec sert à abriter le matériel.
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