« NOUS VALORISONS LES RESSOURCES DU TERRITOIRE »
AUX CONFINS DE L'AIN, LES QUATRE ASSOCIÉS DU GAEC SUR CHARIX ONT DÉVELOPPÉ UN SYSTÈME ÉCONOME BASÉ SUR LES RESSOURCES LOCALES, ET SUFFISAMMENT ATTRACTIF POUR ATTIRER LA JEUNE GÉNÉRATION.
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A CHANAY, DANS LA PARTIE MONTAGNEUSE DE L'AIN, le Gaec Sur Charix exploite, avec ses 100 montbéliardes, un parcellaire vallonné et entouré de bois, constitué pour l'essentiel de prairies permanentes (165 ha) et temporaires(70 ha de mélange de type suisse et de luzerne).
Agrandi par la reprise de deux exploitations voisines et en filière IGP tomme et emmental de Savoie (pas d'ensilage), le Gaec a mis en place un système économe. « Faire 2 000 litres par stalle de robot et par jour n'est pas notre objectif, annonce Jean Bornard. Nous faisons au plus 2 600 litres sur les deux stalles avec 105 vaches nourries l'hiver en foin-regain. Des montbéliardes à 8 000 kg au maximum. Au contrôle laitier, les vaches démarrent à 31,5 litres de lait par jour, les primipares à 27 litres. Les charges de structure, en particulier celles liées au robot, sont certes moins bien diluées, mais avec notre coût alimentaire maîtrisé, nous nous en sortons plutôt bien, comparé à des systèmes plus intensifs. C'est un choix. »
« L'ACHAT D'INTRANTS EST RÉDUIT AU MAXIMUM »
« Ici, nous souhaitons limiter au maximum l'achat d'intrants, une façon d'être moins soumis aux fluctuations des cours », renchérit Pierre Nanterme. Le concentré fermier constitué d'orge, de maïs humide inerté et de tourteaux (60 % de colza et 30 % de soja non OGM) est produit sur l'exploitation.
Les vaches en reçoivent au maximum 10 kg par jour au Dac et au robot. Récolté entre 25 et 35 % d'humidité, le maïs est conservé en cellule à l'abri de l'air et de la lumière. Il a remplacé le maïs grain séché dans la ration depuis 2013. Ne sont achetés que les tourteaux et les minéraux. La proportion de tourteau dans le mélange fermier est ajustée en fonction du lait et du taux d'urée dans le tank. Les achats d'engrais se limitent à un semis d'azote par an (urée ou ammonitrate) pour le maïs, le blé et un peu sur les prairies.
La fertilisation est d'abord assurée par le lisier. Conformément au cahier des charges IGP tomme et emmental, l'alimentation hivernale est basée sur le foin et le regain.
« LA LUZERNE-DACTYLE A DU ÊTRE RESSEMÉE »
« Nous mettons d'abord le foin le plus fibreux dessous, le foin de prairie temporaire puis le regain en dernier, explique Jean. Distribué au pont matin et soir, le fourrage est repoussé plusieurs fois par jour. Excepté un peu pendant lanuit, lacrèche n'est jamais vide longtemps. » Quatre kilos de foin de luzerne-dactyle sont intégrés dans la ration. Quand ce fourrage est disponible. En effet, depuis deux ans, du fait d'une pluviométrie excessive (plus de 1 700 mm contre 1 300 mm par an en moyenne), la luzerne a disparu. Après un essai de semis non concluant en 2013, les agriculteurs comptent sur celui de fin août. En attendant que la luzerne repousse, elle sera remplacée par des foins de prairies temporaires et de prairies naturelles. « Les premières coupes 2014 de prairies temporaires ont concilié rendement et qualité, se félicitent les éleveurs. Les regains, par contre, n'ont pas été bons car nous n'avons pas pu faucher en temps voulu. Il a fallu attendre soixante jours après la première coupe. » À la belle saison, l'alimentation est assurée par deux plats d'herbe de prairies artificielles apportés midi et soir à l'auge et par un peu de pâturage. Avec seulement 70 ares autour des bâtiments, et une route départementale jouxtant l'exploitation, il n'est pas facile de valoriser ce dernier. Dès qu'ils le peuvent, les éleveurs font sortir leurs animaux le matin entre 9 h 30 et 12 h, ce qui mobilise à chaque fois trois ou quatre personnes, alors qu'une personne seule suffit pour affourager à l'auge. « Le pâturage des 10 ha proches, effectué entre avril et fin août, permet de récupérer à moindre frais un repas d'herbe le matin, » souligne Jean. C'est également un atout d'un point de vue sanitaire. Au pâturage, l'herbe est mieux valorisée qu'à l'auge où les vaches ingèrent de grosses quantités à chaque fois. Alors que généralement, la pâture est surtout valorisée en avril-mai, cette année, la production de lait à l'herbe a été bonne jusqu'à mi-juillet. En fin d'été, l'îlot est consommé par les taries et les génisses.
« LE BÂTIMENT EST PLEIN : 97 LOGETTES POUR 91 PLACES AU CORNADIS »
Avec un tel système, la valorisation maximale de la ration de base est dépendante de la qualité de l'herbe et du foin. « Les moins bonnes années, il faut accepter de faire moins de lait par vache, d'environ 500 litres par vache, et de n'être pas trop intensif à l'animal. » Pas question de compenser la qualité déficiente de l'herbe ou du fourrage en donnant plus de concentré. « Nous allons de 500 g à 1 kg de plus par vache et par jour, précisent les éleveurs. Au-delà, le lait se fait au détriment de la ration de base consommée. Pour faire la référence annuelle, nous compensons avec plus de vaches. » La stabulation, construite en 1981 et agrandie de 25 m en 1996 avec passage d'aire paillée en logettes sur sciure, est un facteur limitant. Elle est pleine : elle dispose de 97 places de couchage, mais seulement de 91 places au cornadis. « Avec une ration foin, cela fonctionne bien malgré tout, note Jean. Il y a plus de bataille au cornadis avec l'herbe, dont les vaches raffolent. Mais c'est rare que l'aire d'attente du robot soit vide. »
Outre la maîtrise des coûts, la recherche d'efficacité dans le travail est l'une des préoccupations majeures des associés du Gaec. Elle se caractérise par la volonté de simplifier le travail pour se libérer, s'occuper de sa famille, exercer des responsabilités extérieures ou aller à la chasse. Pierre est ainsi président de la coopérative de Seyssel, adhérente aux Fermiers Savoyards, et responsable de la Sica d'alpage. Chef de corps des pompiers, Jean siège au conseil municipal. Après avoir été deux fois de suite premier adjoint, il entame son 4e mandat comme conseiller. Dominique aime courir plusieurs soirs par semaine pour se vider la tête et est trésorière d'un important club de gymnastique. « Partout où nous pouvons automatiser ou éliminer les tâches qui n'ont pas d'intérêt et supprimer la pénibilité, nous le faisons, soulignent les associés. Produire son aliment fermier n'est intéressant que si le process de fabrication est automatisé. »
« LES VACHES SE SONT BIEN ADAPTÉES AU ROBOT »
Le robot installé en 2009 s'est intégré au système de production déjà en place, et non l'inverse. « La salle de traite, en épi 2 x 5, était obsolète, se souvient Pierre. Pour traire 100 vaches, il fallait deux à deux heures et demie matin et soir. » Même s'il doivent parfois se lever la nuit à cause des alertes (partagée entre Dominique, Jean et Pierre), les associés ne reviendraient pas en arrière. « Le robot est un très bon commis qui n'a pas de revendication, plaisante Pierre. Il réduit la pénibilité. Avec un roto, il faut tenir le rythme seul dans la fosse, et lever les bras cent fois pour traire cent vaches. Sceptique au départ, je ne pensais pas que cela fonctionnerait aussi bien et que les vaches s'y habitueraient si vite. Seules deux ou trois d'entre elles ont été réformées. » Le robot a aussi apporté une souplesse dans le travail. Le soir, passer les deux ou trois vaches retardataires au robot est à la portée de tous. Il allège l'astreinte, mais demande de la maintenance.
Il faut compter un jour et demi chaque trimestre pour remplacer les pièces fournies en kit, ainsi qu'une heure toutes les trois semaines pour changer les manchons. Chaque semaine, il faut aussi consacrer une heure à une heure et demie au nettoyage des stalles. Après avoir appris à changer pièces et membranes par eux-mêmes, les associés ont opté pour une visite du technicien robot par an, au lieu de quatre initialement.
« TROIS JEUNES SONT INTÉRESSÉS PAR LE GAEC »
Une façon de réduire les coûts. Avec le retour annoncé de plusieurs jeunes, l'exploitation se prépare à évoluer de nouveau. Fabien, le fils de Pierre, est celui qui semble le plus prêt à s'installer. Titulaire d'un Bac pro et d'une maîtrise en mécanique, il pourrait remplacer Jocelyne, 62 ans, quand celle-ci décidera de partir à la retraite. Julien, le fils de Jean et de Dominique, actuellement en BTS Acse, se projette également sur l'exploitation après avoir réalisé l'un de ses rêves : partir travailler pendant deux ans en Nouvelle-Zélande à la fin de ses études. Sophie, la fille de Pierre, est également en lycée agricole.
Comment faire pour accueillir ces trois jeunes au sein du Gaec et sortir suffisamment de revenus, sachant que Dominique n'a que 46 ans, Jean 48, et Pierre a encore quatorze années à travailler avant la retraite ? Développer l'atelier lait serait envisageable, à condition de traire au moins 120 vaches et d'obtenir une dérogation pour agrandir le bâtiment. La stabulation est en effet à moins de 100 m des habitations. « Avec une extension, on n'investira qu'à la marge, analyse Jean. Même en lait IGP payé 437 € la tonne entre janvier et septembre 2014, il n'est pas envisageable financièrement de délocaliser pour reconstruire en neuf. » Une alternative à l'agrandissement du bâtiment serait de faire plus de lait par vache, mais les coûts d'alimentation augmenteraient, ainsi que les risques sanitaires sur le troupeau. Chercher des surfaces en céréales ou en vigne, activité qui intéresse Julien, constituerait une autre option. Développer un autre atelier tel que la méthanisation ou la production de bois plaquettes pour le marché, offre également des perspectives. Si l'exploitation n'arrivait pas à dégager les moyens de nourrir tout le monde, Pierre se déclare prêt à céder sa place précocement d'ici à six ans.
« NOUS SERONS BÉNÉFICIAIRES DE LA NOUVELLE RÉFORME PAC »
« Avec mes connaissances en mécanique et mon expérience, je n'aurais pas de difficultés à trouver du travail », estime-t-il. Même si cela lui ferait quelque chose de quitter l'exploitation, il partirait sans regret, préférant donner la priorité aux jeunes. S'il est encore un peu tôt pour en parler, les réflexions ont démarré. Anticiper permet de saisir des opportunités. En 2012, l'intégration de Jocelyne Garapon et de l'exploitation qu'elle gérait avec Denis, son mari, (133 000 litres de lait A et 68 ares de vigne sur 70 ha) a permis de conforter la production laitière du Gaec en consolidant sa référence A. « À 60 ans, Denis arrêtait le lait. C'était la dernière autre exploitation laitière du village, explique Jean. Il souhaitait que le lait reste dans la commune. Sa femme avait deux ans de moins que lui. Nous ne pouvions pas laisser passer cette opportunité alors que des jeunes arrivent et que notre ancien associé et voisin, Robert, venait de prendre sa retraite. » Associé du Gaec entre 2006 et 2011, ce dernier avait apporté 115 000 litres sur 80 ha avec un bâtiment, transformé depuis pour les génisses.
Quelles que soient les orientations retenues à l'avenir, il ne sera pas question de rajouter des astreintes de travail en faisant, par exemple, des chèvres ou de la transformation. Selon les simulations réalisées en fin d'hiver 2013-2014, l'exploitation devrait être bénéficiaire de la nouvelle réforme de la Pac. Avec trois parts Pac, le montant actuel des aides directes découplées du Gaec devrait passer progressivement de 41 014 à 70 716 € d'ici à 2019 (soit + 29 000 €). L'exploitation devrait également profiter de la revalorisation de l'ICHN.
ANNE BRÉHIER
Les bâtiments d'exploitation, enclavés dans le village, jouxtent une départementale.
Le robot. Introduit en 2009, il s'est adapté au système de production déjà en place (foin et regain l'hiver) et n'a pas fait exploser les coûts.
Jocelyne et son mari Denis gèrent la vigne en autonomie. Soulagés de ne plus avoir l'astreinte du lait, ils sont contents de ne pas avoir perdu le lien avec les animaux.
Maïs grain inerté. Conservé sous inertage, à l'abri de l'air et de la lumière, il s'est substitué au maïs grain séché. À l'intérieur de la cellule, une bâche hermétique s'abaisse au fur et à mesure de la consommation. 40 000 €, subventionnés à 16 000 € par le PMBE, ont été investis.
La fabrique d'aliments. Installée en 2001, elle est montée sur pesons et équipée d'un logiciel qui peut programmer les quantités des différents aliments à incorporer chaque jour.
Fourrage. Distribué au pont matin et soir, le fourrage est repoussé plusieurs fois par jour. À part un peu la nuit, la crèche n'est jamais vide longtemps.
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