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« PRODUIRE 100 000 À20 000 LITRES EN PLUS…MAIS À SURFACE ÉGALE »

De gauche à droite : Franck Painchaud et Didier Muzard, et au premier plan : Michel Muzard, les trois associés du Gaec Le Centenaire, à Saint-Julien-des-Landes, en Vendée.PHOTOS : © DANIEL MAR

POUR LIVRER PLUS DE LAIT, LE GAEC VA ARRÊTER CERTAINESPRODUCTIONS ET REVOIR SON ASSOLEMENT AFIN D'ACCROÎTRESA SURFACE FOURRAGÈRE. MAIS IL VEUT GARDER DU PÂTURAGE.

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NOTRE FAMILLE EST INSTALLÉE ICI DEPUIS 120 ANS… », remarque Didier Muzard, 52 ans. Le nom du Gaec – Le Centenaire – a été choisi pour cette raison lorsque son frère Michel (58 ans) et lui l'ont créé en 1980, avec leur père. Celui-ci est parti à la retraite depuis. Et l'atelier de taurillons qui complétait l'activité laitière a été progressivement abandonné, à partir de 2000, pour une production de veaux sous label. Puis l'exploitation a fait un pas de plus vers la spécialisation laitière en 2006, avec l'arrivée d'un tiers, Franck Painchaud, un ex-contrôleur laitier qui a apporté 270 000 l de références et 50 ha situés à 3 km.

Cinq ans plus tard – et avec des références en plus – la roue tourne à nouveau et Michel se prépare à passer la main… « sans doute en 2012 ou 2013, lorsque j'en saurai plus sur les nouvelles conditions d'accès à la retraite pour les agriculteurs », tempère-t-il. Son successeur est a priori trouvé et devrait lui aussi intégrer le Gaec avec des litrages supplémentaires : les 100 000 l auxquels a droit tout jeune qui s'installe en Vendée, et sans doute plus assez rapidement. « En effet, indique Laurent Gaboriau, animateur du réseau lait, près de 25 % des références produites en Vendée vont être libérées d'ici à 2015 du seul fait des départs à la retraite sans successeur connu. »

Sans parler de « l'appel du Sud » lié à la déprise laitière dans la région voisine de Poitou-Charentes.

« DES VOLUMES EN PLUS MAIS PAS D'HECTARES »

Le futur associé, Olivier Oiry, va d'abord se tester via un contrat de parrainage et, de toute façon, en « tuilage » avec Michel en attendant son départ. « C'est un jeune que nous avons repéré parce qu'il est l'un des salariés du Gec (Groupement d'employeurs cantonal). Ses parents ne sont pas agriculteurs, mais son grand-père l'était, et il est connu dans le secteur. »

En outre, sa formation et sa motivation devraient être des atouts : après un Bac S, il a choisi de s'orienter vers l'agriculture en passant un BTS ACSE. Mais voilà, cette fois, l‘exploitation va devoir « digérer » ces volumes complémentaires sans augmentation de surface, les disponibilités en foncier étant rares dans le secteur. Depuis plusieurs mois déjà, le Gaec réfléchit aux moyens d'aborder cette nouvelle page de son histoire. Elle obligera à de nouveaux investissements et choix techniques. « Jusqu'à présent, notent les associés, nous avons toujours privilégié les solutions simples, et nous souhaitons poursuivre en ce sens, si possible. » C'est le cas pour les bâtiments dont une partie date de 1963. Celui des vaches laitières sur aire paillée a été recalibré en 2006, lors de l'arrivée de Franck, en reconvertissant l'ancienne fumière couverte en logement pour héberger les vaches supplémentaires. Mais aujourd'hui, une nouvelle extension n'est pas possible. Il est donc envisagé de construire un bâtiment neuf un peu plus loin : « Nous le prévoyons pour 120 à 130 vaches et, cette fois, avec des logettes : le supplément de prix qu'elles nécessitent nous semble abordable et elles apporteront du confort », précise Franck Painchaud. La décision et surtout les plans ne sont pas arrêtés, mais les associés estiment que l'investissement se situera entre 500 000 et 600 000 . Il faut dire que le nouvel ensemble comportera une nouvelle salle de traite. « Celle que nous avons (2 x 6 en épi avec décrochage) s'avère juste, remarque Didier. Il faut compter plus de deux heures et demie par traite à une personne. En outre, là où elle est située (en bout de bâtiment), elle ne peut plus évoluer. »

Après avoir effectué des comparaisons et quelques visites, les associés vont sans doute opter pour un roto de 24 ou 28 places. « C'est la solution qui permettra de passer, dans de bonnes conditions, un plus grand nombre de vaches tout en continuant à ne mobiliser qu'un seul d'entre nous à chaque traite. » Ils pourront ainsi conserver leur organisation dans laquelle Franck et Didier se succèdent alternativement d'une semaine à l'autre, l'un le matin, l'autre l'après-midi. Probablement vont-ils même gagner au passage quinze à vingt minutes par traite.

« 78 HA ACCESSIBLES AUX ANIMAUX »

À terme, ils envisageront peut-être de faire évoluer leur système d'alimentation, aujourd'hui simple lui aussi. La distribution est assurée à la désileuse avec un premier passage devant la table d'alimentation pour l'ensilage de maïs, un second pour l'ensilage d'herbe. Le concentré, qui n'est pas individualisé, est apporté à la brouette. « L'ensemble fonctionne plutôt bien si l'on se réfère aux résultats, remarque Laurent Gaboriau. Mais avec plus de vaches à nourrir, d'autres solutions permettraient de gagner là encore quinze à vingt minutes par jour… » Ce pourrait être le cas avec une désileuse traînée (une 12 m3 conviendrait) assurant simultanément la distribution du concentré.

La configuration des lieux mais aussi la nature des sols, « en majorité drainés sur 105 ha », contribuent aussi à la simplicité du système. En effet, 78 ha sont directement accessibles aux vaches, et cela assez tôt dans l'année, souvent dès le 15 février. Des chemins aménagés et stabilisés leur permettent de rejoindre les parcelles les plus éloignées (près d'un kilomètre) quasiment en toute saison. Cela offre la possibilité de fermer le silo « les bonnes années, à partir du 20 avril, date où les vaches sont souvent dehors nuit et jour jusqu'au 15 juin ». Les associés misent beaucoup sur ce pâturage : « Nous délimitons en général douze à treize parcelles de 2 ha environ, sur lesquelles le troupeau reste deux jours. Parfois, la nuit, nous les ramenons sur la parcelle précédente qu'elles achèvent alors de raser… et ces changements ne semblent pas leur déplaire, au contraire. » Conjuguée à la pratique des cultures de ray-grass italien en dérobée, cette situation permet à l'exploitation de maximiser son autonomie fourragère : « Il est assez rare que nous terminions une année sans stocks. » Grâce à ses 35 ha de céréales, la ferme est également autonome en paille et, pour partie, en concentrés puisque les vaches reçoivent du triticale. Ainsi, pour une rentrée des vaches vers le 15 ou 20 novembre, et jusqu'à leur sortie à partir de la mi-février les meilleures années, la ration hivernale comporte trois quarts de maïs, un quart d'herbe ensilée, du foin à volonté, 1 kg de triticale moulu à la ferme et 3,5 kg de correcteur azoté. Le pâturage prend ensuite le relais en proportion croissante jusqu'à la période de fermeture du silo.

« NOUS AVONS DES “LEVIERS” POUR NOURRIR DES VACHES EN PLUS »

Mais sera-t-il possible de conserver cette autonomie avec une production de lait atteignant probablement le million de litres d'ici à deux ou trois ans ? Pour tenter d'y parvenir, Michel, Didier et Franck ont déjà imaginé des solutions. La première concerne, curieusement, non pas l'assolement mais l'atelier de veaux sous label « Aujourd'hui, ces derniers consomment environ 78 000 l de lait. Réorienter ces volumes vers la laiterie permettrait de limiter un peu – sans doute de cinq à sept – le nombre de vaches à faire rentrer. »

Pour autant, cela ne suffira pas, évidemment, s'il faut livrer 100 000 l et peut-être, à terme, 200 000 l de plus. Le Gaec n'échappera pas à la nécessité d'augmenter ses surfaces fourragères. « Le raisonnement est assez simple, notent les associés. En gros, une vache et sa suite représentent 1 ha de fourrages. Il nous faudra donc en produire 18 à 20 ha de plus. » La première décision sera d'arrêter la production de semences de ray-grass autour de laquelle le Gaec Le Centenaire contractualise 8 à 10 ha par an. Selon ce calcul, les surfaces libérées nourriront 8 à 10 vaches supplémentaires.

Un autre levier est lié aux grandes cultures : « Nous pouvons envisager de diminuer un peu les surfaces en céréales, quitte à devoir acheter de temps en temps de la paille, ce que nous n'avons jamais fait. Mais il reste encore un peu de marge, puisqu'aujourd'hui nous en consommons 75 t/an, soit l'équivalent de 15 à 20 ha. » Enfin, les membres du Gaec ne jugent pas impossible de faire progresser la moyenne d'étable via la génétique, l'un des centres d'intérêt de Franck Painchaud : « Depuis cinq ans, précise-t-il, nous avons évolué dans ce domaine. Il n'y a plus de saillies naturelles et nos réformes comme nos croisements sont orientés dans le sens du potentiel laitier des mères. »

« DES CRITÈRES DE DÉCISION SIMPLES »

Pour conduire leur réflexion et arrêter leurs choix, les associés ont raisonné à partir de critères de décision simples. « Pour une première approche, ils sont bien suffisants. Nous considérons, par exemple, qu'une vache en plus représente une marge brute supplémentaire de 1 500 , soit environ deux fois et demie celle de 1 ha de céréales… avec, c'est vrai, huit à dix fois plus de travail, mais c'est le coeur de notre métier. »

Concernant la capacité du Gaec à aborder les nouveaux investissements, une première ébauche esquissée avec les banquiers consultés indique que l'exploitation devra dégager environ 30 000 € d'excédent brut d'exploitation supplémentaires pour faire face à ses annuités. « Ce chiffre semble globalement cohérent avec les performances et les résultats actuels de l'exploitation », remarque Laurent Gaboriau. Ces derniers, il est vrai, affichent quelques points forts. Et d'abord, le coût de concentré, plutôt bas : 32 €/1 000 l. L'absence de Dac semble compensée par une appréciation très juste des moments clés où il faut ajuster les doses dans un sens ou dans l'autre. « Mais nous sommes persuadés que la qualité de l'herbe au printemps est aussi un élément qui limite les quantités achetées… »

Les charges de mécanisation sont également bien maîtrisées. Le parc de matériel est plutôt raisonnable pour une ferme de cette taille : deux tracteurs de tête de 145 et 125 ch, un autre de 100 ch équipé d'un chargeur, un quatrième de 95 ch attelé à la désileuse, et un 60 ch pour racler. La plupart des matériels de travail du sol, d'épandage et de fauche sont empruntés à la petite Cuma de l'Alliance des Pauvres, créée par la génération précédente (huit adhérents). Et les récoltes sont réalisées par une entreprise. « Pas question pour nous d'être des fous du matériel, c'est une orientation que nous voulons conserver, même si demain, nous faisons plus de lait. Garder beaucoup d'herbe, ce qui reste notre objectif, limite en outre le besoin en matériel. »

« UN FONCIER BIEN RÉPARTI »

De même, ils souhaitent conserver un système valorisant au mieux les possibilités que leur offrent l'herbe et le pâturage. « C'est une exploitation qui a trouvé un bon équilibre en s'appuyant, c'est vrai, sur un foncier bien réparti, mais sans tape-à-l'oeil ni investissement superflu. Et apparemment, cela plaît puisqu'en moins de dix ans, deux jeunes – qui de par leur métier précédent ont pourtant vu tous les systèmes ou presque – s'y seront intégrés. Ils auraient pu préférer des outils plus sophistiqués, en zéro pâturage, avec des équipements plus innovants, etc. », remarque Laurent Gaboriau. Reste maintenant à réussir les transformations qui s'annoncent, sans rien perdre de ce qui a fait jusque-là la force de ce Gaec… et à prévoir, pour dans huit ans, un nouveau passage de témoin, celui de Didier.

GWENAËL DEMONT

78 ha sont accessibles aux vaches, souvent dès le 15 février. Des chemins aménagés et stabilisés leur permettent de rejoindre les parcelles les plus éloignées (près d'un kilomètre) quasiment en toute saison.

Aujourd'hui, avec la 2 x 6, il faut compter plus de deux heures et demie par traite à une personne. Demain, ce sera sans doute un roto pour continuer à traire seul plus de vaches.

Pas de tape-à-l'oeil dans les bâtiments mais un local préfabriqué très bien conçu et confortable qui sert de bureau, de sanitaire et de logement pour les stagiaires

L'absence de Dac semble bien compensée par une appréciation très juste des moments clés où il faut ajuster les doses de concentré.

Une partie du bâtiment des vaches laitières date de 1963. Il a été recalibré en 2006, mais aujourd'hui on ne peut pas envisager une nouvelle extension.

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