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« EN LAIT STANDARD, 650 000 LITRES À TROIS AVEC UN ROBOT »

Les Chazal : une famille soudée. De gauche à droite, Pierre-Jean, Sylvie, la mère, Jacques, le père, Paul, le grand-père dit « le Gaulois », et Thierry.REPORTAGE PHOTOS : © JÉRÔME CHABANNE

AVEC L'ARRIVÉE DE PIERRE-JEAN ET DE THIERRY, LA FAMILLE CHAZAL TOURNE UNE PAGE. LA REPRISE D'UN NOUVEAU SITE À L'EXTÉRIEUR DU VILLAGE ET LA CONSTRUCTION D'UNE STABULATION EN LOGETTES AVEC ROBOT SE FONT AVEC LA VOLONTÉ DE GARDER UNE STRUCTURE À TAILLE HUMAINE.

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A 100 M DE LA BOULANGERIE DE MARCILLY-LE-CHÂTEL (LOIRE), la stabulation des laitières de la famille Chazal est coincée de toute part. Mise en service il y a vingt-trois ans, elle n'abritera plus, d'ici quelques mois, que du matériel et du fourrage. Quelques taurillons peut-être ? Un bâtiment neuf est en effet en cours de construction à l'extérieur du village. Doté de 82 logettes, d'aires de circulation raclées et rainurées ainsi que d'un robot, il est implanté sur un site acquis en 2010. Bien structuré, celui-ci était doté de 260 000 litres de quota. Alors que le fils aîné, Pierre-Jean, souhaitait s'installer, il y avait là une opportunité à saisir. « Nous avons acheté 9 ha et loué 27 autres, précise Jacques Chazal, le père. Le nouveau site comprend une stabulation en aire paillée de 45 places qui conviendra très bien aux génisses, ainsi que deux silos couloirs et un corps de ferme. » Pierre-Jean envisage de rénover ce dernier pour s'y installer. Pour l'instant, il vit chez ses parents, comme son jeune frère Thierry.

« AU COURS DES QUATRE DERNIÈRES ANNÉES, LA PRODUCTION A DOUBLÉ »

Au coeur du village, l'ancienne stabulation paillée avec couloir d'exercice sur caillebotis a été bien valorisée. De 40 vaches à 8 500 kg en 1991, le troupeau est monté jusqu'à 58 laitières. « Nous trayons actuellement 55 vaches à 10 300 kg avec 49 places au cornadis, précise Pierre-Jean. Au cours des quatre dernières années, la production laitière a doublé, passant de 327 000 l en 2010 à près de 600 000 l en 2014. Le bâtiment est chargé, mais avec l'aire paillée mieux tassée, nous n'avons pas plus de problèmes. Au contraire, avec la modification de la ration liée au développement de la production, l'état du troupeau s'est même amélioré. » En zéro pâturage depuis 1973, l'alimentation est fondée pour les deux tiers sur le maïs. Avec l'irrigation, c'est une plante que la famille Chazal maîtrise bien (17 tonnes de matière sèche par hectare en moyenne). Simple et peu coûteux, le système de distribution de la ration a fait ses preuves. Depuis plus de vingt ans, un vieil épandeur équipé d'une vis sans fin est utilisé. Avec un godet équipé d'un système de pesée, Thierry y étale d'abord l'ensilage de maïs (1 800 kg), puis la luzerne enrubannée (100 kg) et l'ensilage d'herbe (825 kg). Il termine par la graine de lin extrudée (45,5 kg) et le tourteau de soja-colza (200 kg). Les fortes productrices (plus de 33 l de lait par jour) reçoivent 1,2 kg de tourteau et 3 kg de céréales supplémentaires au cornadis. Cette complémentation individuelle est apportée à la gamelle deux fois par jour. L'exploitation produit du lait oméga 3 pour Sodiaal. L'intérêt est surtout sanitaire. « Les vaches ont un joli poil, la fécondité est meilleure et l'apport de tourteau est réduit. » Depuis 2010, la production par vache et par an a bondi de 2 000 kg. Le niveau moyen de vêlage est de 40,8 kg pour les premiers contrôles, 32 kg pour les premières lactations (âge au premier vêlage : deux ans et un mois). « Il a suffi d'augmenter la complémentation », précise Pierre-Jean. Le potentiel génétique était là. Le troupeau a répondu.

« NOTRE POINT NOIR : DES MAMMITES DEPUIS VINGT-CINQ ANS »

« À la fin des années 1960-début 1970, mon père avait acheté quelques bonnes vaches, précise Jacques. Nous avons travaillé ces souches en achetant peu d'animaux à l'extérieur. Nous avons mis de bons taureaux. Jusqu'en 2011, nous faisions des vêlages groupés de début d'automne. Les vaches décalées étaient inséminées avec du charolais ou réformées, ce qui a facilité la conduite des génisses en un lot. » Aujourd'hui, le Gaec dispose d'un troupeau homogène avec des vaches saines et productives, des mamelles de qualité et une bonne vitesse de traite. « Nous rentrons une quinzaine de génisses par an. Elles sont toutes bonnes. »

Dominique Tisseur, de Conseil élevage de la Loire, partenaire de l'élevage depuis plus de vingt ans, le confirme : « Sur le troupeau, un travail de cumul de génétique avec un coût modéré a été réalisé. Les semences sexées sont utilisées sur une douzaine de génisses depuis trois ans. En femelles, en effet, l'élevage est un peu juste. »

Seul point noir dans l'élevage, récurrent depuis vingt-cinq années, les mammites d'environnement. Les éleveurs en comptent une soixantaine par an. Heureusement, elles sont étalées et se soignent bien dans l'ensemble. Pour résoudre le problème, tout a été essayé. Un centre d'écopathologie s'est penché sur la question. Un géobiologue est venu. La machine à traire a été changée. En vain. « Le problème vient du bâtiment, estime Dominique Tisseur. Il est implanté sur une faille tellurique, ce qui modifie les fermentations du lisier.

Régulièrement, la fosse caillebotis se met à mousser et à déborder. » Pour Jacques Chazal, « la mauvaise ventilation et l'absence de vides sanitaires sont également en cause ».

« DES LOGETTES PAILLÉES POUR FAIRE DU FUMIER »

Le fait de changer prochainement de milieu devrait résoudre enfin l'affaire. Les vaches en effet ne sont pas infectées. Le troupeau affiche moins de 250 000 cellules depuis des années. Le lait est en super A de janvier à décembre, et l'exploitation touche la prime qualité totale tous les mois depuis quatre ans. Se débarrasser des mammites d'environnement constitue une grosse attente par rapport au nouveau bâtiment, aussi bien en termes de conditions de travail que de coûts. Les frais liés à ces mammites représentent en effet 80 % des frais vétérinaires.

« LE NOUVEAU BÂTIMENT AVEC ROBOT S'INTÈGRE BIEN À NOTRE SYSTÈME »

Dans la nouvelle stabulation lumineuse, la famille Chazal n'a pas lésiné sur le confort des vaches. Dotées de tapis moelleux, les logettes seront paillées. « Nous voulons faire du fumier. Sa gestion est plus difficile que celle du lisier, mais l'impact sur la structure et la vie microbienne du sol sont meilleurs. » La ventilation sera assurée par un dôme éclairant et ventilant. L'air qui entrera par les longs-pans sera géré par un filet automatique côté nord. Les vaches disposeront peut-être d'un parc de promenade autour du bâtiment. « Pour un vrai pâturage, nous n'avons ni les surfaces ni le parcellaire ni le climat adapté, dit Jacques. Ici, les étés sont secs et il n'y a que deux à trois mois d'herbe au printemps. Faire pâturer 70 à 80 vaches en système de robot semble difficile. »

Bien qu'une réflexion ait été conduite pour voir s'il était possible d'agrandir la stabulation libre existant sur le nouveau site en gardant les génisses dans l'ancien, la famille Chazal avait en tête de construire un nouveau bâtiment avec un robot. « Cet équipement s'intègre bien à notre système en zéro pâturage et à la ration maïs, souligne Jacques. Il devrait faciliter l'organisation du travail, un point important sur l'exploitation. Par ailleurs, travailler avec de nouvelles technologies est motivant pour des jeunes. » Le problème était celui des capacités de financement. Jusqu'où l'exploitation pouvait-elle aller ? « L'analyse de nos coûts de production nous a permis de définir le budget qu'il était possible de consacrer au projet. » Les éleveurs sont ainsi partis d'un niveau maximum d'amortissement de 60 à 65 €/1 000 l. En déduisant les 5 € d'amortissement aux 1 000 l actuels, cela fait 55 à 60 € à absorber en plus pendant quinze ans. À raison de 630 000 à 650 000 l de lait maximum produits par an, le niveau global d'amortissement envisageable se situait entre 495 000 à 536 000 €.

« GÉRER, C'EST ANTICIPER »

Avec ce chiffre en tête, les éleveurs ont fait réaliser des devis et sont allés voir les banques. Certains aménagements souhaités tels que l'installation sur les deux longs-pans de rideaux automatiques, la pose de tapis sur les couloirs d'alimentation, ou l'achat d'un bol mélangeur ont été abandonnés ou reportés. Dans son étude prévisionnelle, la famille Chazal a également tenu compte d'un prix du lait volontairement très bas : 290 €/1 000 l.

« En 2009, notre paie de lait est descendue à 260 €, rappelle Pierre-Jean. En partant sur des bases très prudentes, nous sommes assurés de payer le bâtiment et de dégager un minimum de 1,2 smic par associé alors que le règlement intérieur du Gaec prévoit un prélèvement mensuel de 1 400 €. » Avec cet argent, Pierre-Jean doit rembourser 420 € de prêt JA, Thierry 360 €.

Pour rentabiliser l'investissement (550 000 €), les associés du Gaec entendent faire le plus de lait possible avec 65 vaches présentes en permanence au robot. « Nous voulons saturer le robot en maintenant la moyenne laitière par vache, en réduisant le nombre de mammites, et en étalant encore davantage les vêlages. Pour l'alimentation, il suffira d'adapter la complémentation en désintensifiant la ration donnée à l'auge. »

Dans un premier temps, le silo de maïs restera sur l'ancien site. Il avait été construit il y a quinze ans avec des murs mobiles dans la perspective d'un développement de l'exploitation. Il est prévu de le démonter d'ici deux ou trois ans, et de le réinstaller sur une nouvelle dalle de béton près de la nouvelle stabulation.

« PRENDRE DU TEMPS LIBRE N'EMPÊCHE PAS DE BIEN FAIRE SON TRAVAIL »

La gestion globale du troupeau et la manière de fonctionner ne vont pas changer. Elle restera familiale et préservera la qualité de vie des associés. Hors chantier de construction, chacun des associés est libre un week-end sur trois. Sauf urgence, le week-end commence le vendredi à 17 heures et se termine le lundi à 6 heures Celui qui est de garde ne travaille pas le lundi soir. En semaine, chaque associé dispose d'une soirée. Pour Jacques, c'est le mardi. Il part faire du vélo. Pierre-Jean et Thierry vont à la chasse quand ils en ont envie. Pour les vacances, chacun se prend au moins deux semaines en été et une semaine en hiver. « En agriculture comme dans les petites entreprises, il faut y aller quand il y a un coup de bourre, notent les associés. Ça n'exclut pas de s'organiser le reste du temps pour vivre comme les voisins. Prendre du temps libre en semaine, partir en vacances n'empêche pas de faire son travail efficacement. »

La démonstration en tout cas a donné envie à Pierre-Jean (23 ans) et Thierry (21 ans) de s'impliquer à leur tour dans l'exploitation familiale. Après avoir connu au cours de sa carrière deux dissolutions de Gaec pour raisons non agricoles, Jacques (50 ans) va pouvoir souffler un peu...

ANNE BRÉHIER

Les vaches au cornadis Avec 55 vaches à 10 300 kg de lait, l'actuelle stabulation au centre du village est bien chargée. Après le déménagement du troupeau dans le nouveau bâtiment, elle servira au stockage de fourrages et de matériel.

Pierre-Jean et Thierry En fin d'été, les éleveurs troqueront leur salle de traite en épi 2 x 5 avec décrochage contre un robot. C'est Thierry (à droite) qui sera responsable de la maintenance de la machine. Chaque associé sera toutefois capable d'intervenir quand il sera de garde.

Le maïs irrigué avec un enrouleur donne de bons rendements Ils peuvent atteindre 17 t de MS/ha en moyenne. Avec la reprise du nouveau site d'exploitation, le Gaec double ses surfaces potentiellement irrigables (60 ha). « Nous pourrons faire des rotations plus longues en intercalant des céréales entre le ray-grass, le maïs et la luzerne », précise Jacques Chazal .

Bien maîtrisé par les éleveurs, le maïs est incontournable sur l'exploitation.

Tapis moelleux dans les logettes. Dans le nouveau bâtiment, le confort des vaches est une priorité. Des tapis moelleux ont été posés dans les logettes. Ils seront paillés.

Dans l'élevage, depuis la fin des années 1960, un travail de sélection et de cumul génétique a été mené. Alors que la moyenne laitière progressait fortement ces dernières années, l'état des animaux et la qualité des mamelles se sont encore améliorés.

Dans la nouvelle nursery encore en construction, les veaux auront accès, sur leur aire paillée, aux cabanes en totale liberté. Ce système qui fonctionne actuellement a donné satisfaction aux éleveurs.

Distribution du concentré à la brouette. La distribution de l'alimentation est très simple et peu coûteuse : un vieil épandeur à fumier équipé d'une vis sans fin pour la ration mélangée et une brouette pour distribuer les concentrés aux plus fortes productrices.

CHIFFRES ET ANALYSE. Que disent leurs comptes d'exploitation ?

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