En bio, productivité et simplicité assurent le revenu
Installé depuis deux ans, Samuel Nédélec conduit son élevage comme le faisait son père avant lui, avec des vaches à haut potentiel, de l’herbe et du maïs. Un système efficace qui cherche à limiter la charge de travail.
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Entre les coupes d’herbe, la préparation d’une vache pour un concours et un voyage en Angleterre avec un groupe d’éleveurs, Samuel Nédélec trouve le temps de nous livrer son témoignage. Installé depuis deux ans et passionné par son métier, il recherche la simplicité et l’efficacité sur sa ferme bio, tout en cultivant des contacts réguliers avec l’extérieur. « J’ai besoin de sortir, de voir du monde. C’est essentiel sur le plan humain. C’est nécessaire aussi pour prendre de la hauteur par rapport au quotidien », raconte l’éleveur de trente-deux ans.
Samuel a repris l’exploitation de son père André à Ploéven, dans le Finistère, en octobre 2020. La ferme était passée en bio en 2016 et Samuel y a été salarié pendant quelques années, après avoir travaillé pour un service de remplacement. André a pris sa retraite mais son fils l’emploie à mi-temps sur l’élevage. Un autre salarié, Damien Rosuel, est présent à temps plein.
« On peut produire beaucoup avec de l’herbe et du maïs »
« Nous disposons d’une référence laitière de 605 000 litres et mon objectif est d’en livrer entre 550 000 et 600 000 », explique Samuel. Ce volume correspond au potentiel de la ferme qui accueille 70 vaches sur 88 ha. Le passage du père au fils s’est fait dans la continuité. Samuel reste sur une conduite qui a fait ses preuves. « On veut dégager du revenu et cela implique une bonne productivité des vaches et des fourrages de qualité en quantité suffisante. » Il considère que le système doit rester simple pour être maîtrisé et efficace. Il mise sur des vaches à bon potentiel laitier et une ration associant herbe, maïs et soja.
Les terres sont profondes mais plutôt argileuses et lourdes. Les vaches doivent rentrer quand la pluie s’installe pour ne pas matraquer le sol. Mais le potentiel est bon et les rendements atteignent 9 t de MS/ha pour l’herbe et 12 à 15 t MS/ha pour le maïs. Sur les 50 ha de prairie, 24 sont accessibles aux vaches, ce qui est un peu juste. 9 ha sont dédiés aux génisses sur un site distant de 1 km par rapport au siège de l’exploitation. Le reste des prairies est destiné à la fauche.
« Ces contraintes de parcellaire me conduisent à mener les vaches en toute herbe pendant seulement deux mois au printemps », détaille Samuel. Il cherche à produire un maximum de lait durant cette période, malgré un prix bas. « En bio, on utilise peu de concentrés et quand la production décroche, c’est très difficile de la relancer. » De plus, l’éleveur estime que puisque chaque vache demande du travail, elle doit produire en conséquence.
Les prairies proches du bâtiment se composent de RGA-TB et sont refaites tous les cinq ans. « À l’avenir, je remplacerai le TB par du trèfle violet qui résiste mieux en été. » Le niveau génétique permet aussi de soutenir le niveau de production. Samuel n’utilise que des taureaux à plus de 800 kg de lait.
Dès le mois de juin, la pousse faiblit et la complémentation devient indispensable. Le pâturage continue en été mais 75 % de la ration se compose de maïs et d’enrubannage. Le pâturage redevient conséquent à l’automne et les vaches sortent un peu en hiver, en fonction de la portance des sols. La ration hivernale comprend 6 kg de MS de maïs, 10 kg d’ensilage d’herbe et 1 kg de soja. La production tourne autour de 30 kg de lait par vache et par jour en janvier, alors que le mois moyen de lactation augmente.
Des coupes fréquentes pour un ensilage riche en protéine
Pour limiter les achats de soja, Samuel réalise des coupes d’herbe fréquentes au printemps avec l’objectif de récolter de l’ensilage à 22-23 % de teneur en MAT. Il y parvient, au prix d’une charge de travail élevée. Il fauche tous les 28 à 35 jours. Les prairies de fauche sont ensemencées en RGH-TV-fétuque.
Samuel sème 20 ha de maïs. Il choisit des variétés mixtes afin de décider au dernier moment du mode de récolte (ensilage ou grain). Dans la rotation, le maïs vient derrière des prairies. Le sol est roulé après le semis pour éviter les taupins. Suivent deux passages de herse étrille puis un ou deux binages. Samuel effectue une bonne partie des travaux des champs mais confie le binage à une entreprise. « Elle est bien équipée, avec un systèmede guidage, le travail est toujours bien fait. » Le printemps est une période chargée en travail. Si Samuel voit qu’il a du mal à tout faire, il a recours à l’ETA. Il refuse de se laisser submerger.
L’élevage cultive une dizaine d’hectares de triticale ce qui la rend autonome en paille. Semé à l’automne après le maïs, il exige peu de travail. Samuel choisit une variété rustique. L’objectif est de récolter au moins 40 t de grain pour couvrir les besoins des animaux L’excédent éventuel est vendu. Enfin, l’assolement inclut 8 ha de colza intégralement vendu. « J’ai quelques parcelles adaptées à cette culture. Je sème après le triticale. Cela prend peu de temps et c’est rentable », estime l’éleveur. En 2021, le rendement s’est élevé à 2,43 t/ha, vendu au prix de 805 €/t.
Jusqu’à l’an dernier, l’exploitation produisait aussi des petits pois sur 5 ha. Samuel a abandonné cette culture, jugeant la charge de travail trop lourde. Le colza est moins exigeant et paie mieux. Autre modification induite par Samuel, le maïs a été supprimé de la ration des génisses. Là aussi, la motivation est liée au travail. Il a investi dans une dérouleuse pour l’enrubanné qui constitue désormais la base de la ration en hiver.
Il vise un vêlage à 24 mois, afin de réduire le nombre d’animaux improductifs et le travail qui va avec. Il se situe actuellement à 27 mois. Pour favoriser la croissance, il sèvre à quatre mois. Dix-huit génisses sont élevées chaque année. Le reste des inséminations se fait en croisement avec des races à viande pour maximiser le prix des veaux.
Samuel s’appuie sur des conseils extérieurs pour s’assurer que son système ne dérape pas. Le conseiller d’élevage d’Innoval vient tous les deux mois. Il fait le bilan des stocks sur pied et en silo. « Je sais toujours où j’en suis. Je ne supporterais pas de manquer de fourrage. » De même, des échographies sont réalisées tous les mois. Ces services ont un coût, mais pour le jeune éleveur, c’est le prix de la tranquillité. Malgré tout, ses charges restent à un niveau raisonnable.
Et surtout, les objectifs sont atteints. L’élevage livre plus de 7 000 l de lait par vache. Le troupeau est en bonne santé. Et les résultats économiques sont à la hauteur des objectifs. « Je prélève 2 500 €/mois, précise Samuel. C’est cohérent avec la pression et la charge de travail. »
« Je reste confiant dans l’avenir du lait bio »
Il a trouvé un bon équilibre avec ses deux salariés. Tous sont polyvalents et la simplicité du système facilite les remplacements. Pendant le week-end, le travail peut être réalisé par une seule personne, souvent Samuel. Cependant, le salarié s’en charge régulièrement. Le jeune éleveur, amoureux de la montagne, part skier une semaine par an. Pour le reste, il se contente de coupures de quelques jours. « J’avoue que j’ai un peu de mal à décrocher. Mon métier me passionne et je stresse un peu quand je dois partir. Il faut que je progresse sur ce plan ! » Samuel réfléchit à la suppression de la traite du dimanche soir. Il hésite un peu mais apprécierait d’alléger la charge ce jour-là.
Depuis août 2021, il subit le déclassement de 10 % de son lait imposé par Sodiaal. Il évalue la perte de recettes à 5 600 €. Mais il considère que ce fléchissement est temporaire et reste confiant dans l’avenir du lait bio.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :