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« NOUS OPTIMISONS LA CONDUITE POUR SÉCURISER L'AVENIR »

REPORTAGE PHOTOS © LYDIE LECARPENTIER

LES FRÈRES CASTANET RECHERCHENT UN NIVEAU DE PRODUCTIVITÉ ÉLEVÉ ET CONSTATENT QUE MÊME AVEC DES COÛTS ALIMENTAIRES UN PEU PLUS IMPORTANTS, CETTE STRATÉGIE S'AVÈRE RENTABLE.

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JEAN-LOUIS ET CHRISTIAN CASTANET ONT REPRIS LE GAEC FAMILIAL et l'exploitent ensemble depuis 1988. Longtemps bloqués à 330 000 l de lait, ils ont enfin pu obtenir des quotas supplémentaires depuis 2006. La référence s'établit aujourd'hui à 517 000 l et les éleveurs considèrent que le volume de droit à produire n'est plus un frein. « Les quotas vont disparaître dans deux ans et il y a du lait disponible ici », remarque Christian. L'enjeu est désormais de dégager suffisamment de revenu chaque année, malgré les fluctuations de prix importantes, aussi bien sur le lait que sur les intrants.

Dans cette région du Tarn, la saison d'herbe est courte. De plus, l'exploitation est coupée en deux par une route, ce qui limite encore les possibilités de pâturage. Les laitières sont donc nourries en ration complète toute l'année.

« DES BÂTIMENTS ANCIENS MAIS FONCTIONNELS »

La stabulation et le bâtiment de stockage des fourrages, construits en 1976, ont progressivement été rénovés et agrandis. En 1999, les laitières ont été transférées dans un autre bâtiment et une nouvelle salle de traite a été mise en service en 2001. Aujourd'hui, 65 places sont disponibles au cornadis. L'aire paillée de 420 m2 est toutefois un peu juste pour le troupeau (7,50 m2 par vache). La salle de traite, une TPA de douze postes en monoquai, donne toujours satisfaction. Jean-Louis se passionne pour la génétique et le troupeau prim'holstein est le produit d'une longue sélection. Le potentiel laitier est élevé (10 115 kg de lait/vache à 38,2 de TB et 31 de TP en 2012 pour un index lait de +201 à l'Upra).

L'outil de production est donc stabilisé et les éleveurs, âgés de 47 et 52 ans, n'ont pas de projets majeurs pour les prochaines années. Leur souhait est d'optimiser le fonctionnement de l'exploitation car ils pensent qu'ils peuvent faire mieux sur les plans technique et économique. « Nous nous sommes aperçus que nos vaches ne produisaient pas à la hauteur de leur potentiel. La plupart exprimaient peu le pic de lactation », précise Jean-Louis. Et celles qui montaient à 50 kg de lait et plus avaient tendance à trop maigrir. Effectivement, le pic de lactation s'établissait à 39,2 kg de lait pour les multipares et 27,4 pour les primipares en 2011.

En moyenne, les vaches produisaient alors 9 477 kg de lait/VL (2011). Les charges de structure étaient maîtrisées à 86 €/1 000 l et les charges opérationnelles s'établissaient à 209 €. L'élevage était meilleur que la moyenne d'un groupe suivi par la laiterie 3A (89 € et 214 €/1 000 l). Le coût de la SFP restait faible : 34 €/1 000 l contre 40 € pour le meilleur du groupe. Selon l'analyse des chiffres, c'est le coût alimentaire du troupeau (162 €/1 000 l contre 144 €), en particulier celui des concentrés des laitières (92 € contre 77 €), qui gonflait les charges opérationnelles. Comme si les frais engagés pour l'alimentation étaient trop élevés par rapport à la productivité du troupeau. Les charges opérationnelles restaient inférieures à la moyenne du groupe. Au final, les performances économiques étaient bonnes avec un EBE à 70 000 € annuel, contre 60 000 € pour la moyenne.

Christian et Jean-Louis Castanet évoquent alors leurs interrogations avec Mathieu Taveau, leur vétérinaire et nutritionniste, afin de voir comment améliorer l'efficacité et la rentabilité du système. La réflexion a débouché sur trois axes d'amélioration, mis en oeuvre progressivement en 2012 et 2013. Il s'agissait d'abord de densifier la ration pour exprimer les pics de lactation et produire plus, tout en préservant la santé du troupeau. Ensuite, améliorer la qualité des fourrages produits. Enfin, adapter la distribution aux besoins des animaux.

Pour optimiser les coûts alimentaires dus aux concentrés achetés, la décision est prise de réduire les aliments composés et de se tourner vers des matières premières. Jean-Louis et Christian font partie d'un groupement d'achat regroupant huit élevages. « Cela permet d'avoir des prix intéressants en achetant et partageant de gros volumes de concentrés », explique Christian. L'un des éleveurs du groupe suit l'évolution à moyen terme des prix des matières premières pour acheter au meilleur moment.

« DES MATIÈRES PREMIÈRES PLUTÔT QUE DES ALIMENTS »

Dès septembre 2012, la ration a été densifiée pour intensifier la production. Le panel des matières premières utilisées a été réfléchi en fonction des prix et des valeurs nutritionnelles, sur les conseils du nutritionniste. Alors que les cours du soja grimpaient, Christian et Jean-Louis ont limité l'emploi de ce tourteau en l'associant à d'autres sources de protéines et aux productions de l'exploitation (orge et maïs grain) et à de la matière grasse.

En parallèle, la ration a été revue. À base d'ensilage de maïs (9,5 kg de MS/vache/jour), d'ensilage de RGI (3,5 kg de MS), elle comprenait aussi du foin de luzerne (1,9 kg de MS), du tourteau de soja (1,6 kg), un concentré de production (1,2 kg), de l'orge (3 kg), un mélange d'autres matières premières (3,8 kg) et des minéraux. Soit une ration à 0,96 UFL/kg de MS et 17,1 % de MAT. Le régime des taries, optimisé depuis plusieurs années, a été complété. Les vaches consomment du foin dans les dix jours suivant le tarissement pour faire baisser la production. Ensuite, elles reçoivent la ration des laitières en quantité limitée (un repas de vache en production pour quatre taries). Et elles consomment des minéraux spécifiques. Ceci inclut du chlorure de magnésium huit jours avant le vêlage.

Alors que le mois moyen de lactation était identique, ce régime a permis de livrer près de 5 500 l de lait supplémentaires en septembre 2012 par rapport à février de la même année, avec une production moyenne à 35,9 kg/vache contre 31,2 (voir tableau). Les taux sont restés à un niveau correct, mais dans le même temps, le prix du lait a baissé tandis que celui des matières premières progressait. La recette laitière a donc diminué.

La simulation économique montre que cette perte de recette aurait été plus prononcée si la ration et les performances du mois de février avaient été maintenues. Le travail sur la ration a donc été payant, même dans un contexte de prix plus défavorable.

« DES VACHES PRODUCTIVES MAIS EN BONNE SANTÉ »

L'augmentation de la productivité par les concentrés a-t-elle eu un impact sur la santé des animaux ? Non, les incidents métaboliques sont restés rares. Il n'y a eu aucun déplacement de caillette. Métrites et cétoses sont restées peu fréquentes (aux alentours de 4 % pour les deux maladies). « Dans cet élevage spécialisé et bien suivi, qui ne rencontrait pas de problème particulier, la ration lactogène a permis de boucler la boucle en exprimant le potentiel laitier. Cette stratégie doit être raisonnée pour être rentable. Elle ne s'adapte pas à tous les troupeaux », souligne Mathieu Taveau. Les performances de la ration sont suivies régulièrement avec les taux de matière utile et d'urée. « Nous analysons aussi fréquemment les ensilages et les foins à l'aide de l'appareil AgriNIR. Cet analyseur nous donne les valeurs en instantané, ce qui est très pratique pour vérifier et optimiser les rations », ajoute le vétérinaire. L'élevage est donc sous surveillance constante.

La deuxième piste d'amélioration concerne la qualité des fourrages, notamment de l'ensilage d'herbe. L'exploitation produit du ray-grass italien (dont une partie en dérobée) pour l'ensilage. Ce fourrage fournit des protéines et, s'il est récolté dans de bonnes conditions, permet d'améliorer l'autonomie de l'exploitation. Il y a donc là une source d'économie importante, surtout lorsque les cours des tourteaux sont élevés. La production d'herbe au printemps est bien sécurisée. Les rendements atteignent 6 à 8 t de MS/ha en deux coupes. Les analyses ont montré que la qualité de ce fourrage n'était pas toujours optimale. Au printemps 2012, l'ensilage était sec et pauvre en protéines (56 % de MS, 9,5 % de MAT). En 2013, Jean-Louis et Christian ont cherché à récolter plus tôt. Dans cette optique, le RGI a été semé dès la mi-août, après les céréales. « Nous voulions favoriser un bon démarrage avant l'hiver », précise Jean-Louis. Ils ont obtenu un fourrage de bien meilleure qualité : 33 % de MS et 19,7 % de MAT en première coupe (récolte mi-mars) ; 26 % de MS et 16,5 % de MAT pour la seconde (récolte fin avril).

Les éleveurs reconnaissent qu'une récolte précoce de l'herbe est un peu plus compliquée. Mais, contrairement à une idée reçue, cette herbe jeune sèche suffisamment pour bien se conserver du fait de la proportion majoritaire de feuilles par rapport à la tige. « Nous avons fait deux coupes cette année au lieu d'une seule d'habitude », souligne Christian. Le coût est plus élevé : environ 550 € la coupe supplémentaire pour 20 t de MS. Mais ils ont pu augmenter la part d'ensilage d'herbe dans la ration (6 kg de MS), réduire le soja de 1,5 kg/jour/vache, tout en maintenant le lait. « Avec un soja à 440 €/t, l'économie se monte à 1 200 € sur deux mois compte tenu des frais de récolte pour la coupe supplémentaire. »

Aujourd'hui, Christian et Jean-Louis s'interrogent sur l'opportunité d'augmenter la surface en RGI et de réduire le maïs. En effet, l'élevage ne dispose pas de matériel d'irrigation. Les rendements moyens en maïs se limitent à 10 à 12 t de MS par hectare selon les années, avec des variétés tardives. Mais il existe un risque important de récolte insuffisante en cas de sécheresse. L'idée est donc d'optimiser la production fourragère en sécurisant une production d'herbe riche en protéine au détriment du maïs. Les éleveurs pensent monter à 30 ha, c'est un maximum car les parcelles non-drainées ne peuvent pas être récoltées tôt. Dans l'ensemble, les sols de l'exploitation sont hydromorphes. En complément, un travail de récolte précoce des parcelles de luzerne est également réalisé.

« LA CONDUITE EST PASSÉE EN DEUX LOTS »

Dernière modification : l'élevage est passé à la conduite en lots début 2013. Le troupeau est divisé en deux en fonction du niveau de production. En pratique, l'aire paillée est partagée en deux zones. Et la préparation de la ration se fait en deux fois. « Je commence par le lot le moins productif. Puis je rajoute une complémentation avant de distribuer aux vaches les plus productives. Cela me prend dix minutes de plus qu'avant », précise Christian.

« Ceci permet bien sûr de ne pas suralimenter les vaches en fin de lactation et donc de réduire le coût alimentaire », commente Mathieu Taveau. Mais à l'usage, les éleveurs découvrent d'autres avantages. Alors que la surface en aire paillée est un peu juste, ils peuvent donner davantage d'espace aux vaches les plus productives, sans pénaliser le lot des basses productrices.

L'ensemble de ces évolutions rend les éleveurs plus sereins pour l'avenir en réduisant la sensibilité de l'exploitation aux aléas de la conjoncture. « Nous étions à la croisée des chemins, remarque Christian. La fin des quotas est proche et nous avons décidé d'augmenter notre productivité. »

L'outil en place permet aussi d'accueillir une dizaine de vaches supplémentaires sans gros investissements. Pour aller plus loin, il faudrait augmenter la surface. Le bâtiment peut assez facilement être agrandi de deux travées, mais il faudrait alors refaire une fosse. La décision de réinvestir n'est pas encore prise.

PASCALE LE CANN

En zéro pâturage, les vaches sont logées toute l'année en aire paillée.

Le printemps froid et humide a retardé les semis de maïs. Fin juillet, la culture est bien loin du niveau qu'elle aurait dû atteindre.

Jean-Louis se charge généralement de la traite. Avec douze postes en TPA sur un monoquai, l'installation lui convient bien.

Mathieu Taveau, le vétérinaire, s'est équipé d'un AgriNIR qui lui permet de vérifier la composition des fourrages instantanément, et donc d'ajuster la ration si c'est nécessaire.

Passionné par la génétique, Jean-Louis participe régulièrement au concours départemental.

Christian s'occupe de la comptabilité et du suivi administratif. Le centre de gestion n'intervient que pour certifier les comptes.

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