« LA NORMANDE ET LE GAEC, NOS DEUX ATOUTS POUR AVANCER »
QUATRE ÉLEVEURS TRAVAILLENT ENSEMBLE AVEC 200 000 L DE LAIT CHACUN. ILS CHERCHENT À MAXIMISER LES PRODUITS ISSUS DE LEUR TROUPEAU NORMAND : LAIT, VIANDE ET GÉNÉTIQUE.
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QUAND ROLAND PAUMIER S'INSTALLE, à vingt et un ans, en Gaec avec sa mère, il sait déjà qu'il ne fera pas sa carrière tout seul. Nous sommes en 1989 et son installation n'a pas permis de porter le quota au-delà des 292 000 l que produisait l'exploitation. « J'ai la fibre de l'élevage, j'adore la race normande. Mais pour évoluer socialement ou économiquement, j'ai toujours su que j'avais besoin des autres », explique-t-il.
Cette envie de s'associer est devenue une nécessité quelques années plus tard, alors qu'il s'est lancé dans le développement de la génétique. Il a multiplié les animaux via la transplantation embryonnaire. En juin 1992, il crée avec Jacques Marchand, éleveur dans les Deux-Sèvres, la première vente PMS (Paumier Marchand Sélection). Cette activité repose sur ses épaules et il sent qu'un cas de pépin, sa mère ne pourra pas tout faire. Elle finit par se laisser convaincre et en 1992, Daniel Moison, un voisin, rejoint le Gaec. À 34 ans, il produit seul 250 000 l de lait sur 40 ha avec des holsteins.
UN DÉSIR PARTAGÉ D'ÉVOLUER EN GROUPE
En 1995, Chantal, la soeur de Roland, remplace leur mère qui part à la retraite. Elle reprend 40 000 l de lait sur 28 ha et partage la volonté de son frère de travailler en groupe.
En avril 2004, c'est un autre voisin, Christophe Huet, qui intègre l'équipe avec 64 ha à 2 km et 200 000 l de lait en holsteins. Toujours en 2004, Daniel Moison est victime d'un grave accident de télescopique. Dans l'urgence, le Gaec sollicite un ancien stagiaire, Jérôme Dariel, et l'embauche. Deux ans plus tard, Daniel Moison, resté paraplégique, lui propose de reprendre ses parts dans le Groupement.
L'exploitation atteint alors sa structure actuelle : quatre associés, 810 000 l de quota, 195 ha. L'organisation du travail s'est mise en place petit à petit. Elle est aujourd'hui bien calée avec un principe fort : une répartition verticale des charges. Les associés y tiennent beaucoup.
Chacun a son domaine de responsabilité, en fonction de ses compétences et de ses souhaits. Cela permet d'optimiser les performances de chaque atelier. Et chacun garde une certaine indépendance et peut adapter ses horaires, notamment selon ses impératifs privés. Christophe, qui a démarré sa carrière en individuel, apprécie cette spécialisation qui évite de se disperser avec le risque d'être moins efficace dans les tâches qui l'intéressent moins. Mais dans ce système, chacun doit simplifier et rationaliser son travail pour qu'un autre puisse le remplacer.
Christophe met en place et suit les cultures. Il entretient l'ensemble du matériel. Jérôme s'occupe du suivi de la reproduction et de la traite du soir. Il distribue l'alimentation du troupeau et assume l'atelier taurillons. Chantal est responsable de l'élevage des veaux et de toute la partie administrative. Elle démarre la traite du matin. Avec Jérôme, elle conditionne la viande dans le laboratoire aménagé à la ferme. Enfin, Roland est responsable de la traite du matin. Il gère les pâtures et cale les rations des vaches et des génisses. Passionné par la génétique, il commercialise les reproducteurs. Roland est aussi l'animateur du groupe et c'est lui qui assure les relations avec l'extérieur. Il assiste Christophe pour les travaux des champs si c'est nécessaire.
UN DIALOGUE QUOTIDIEN
Les quatre associés déjeunent ensemble tous les jours de la semaine. La mère de Chantal et Roland s'occupe des repas. Ceci permet à tous d'être au courant de tout. Et les éventuels problèmes sont immédiatement discutés. Cette communication quotidienne est considérée comme vitale par les associés. Pour eux, l'échange permanent évite d'avancer le nez dans le guidon, au risque d'oublier de prendre du recul. « En période crise, c'est rassurant d'être en groupe », estime Jérôme, installé en 2007. Les associés n'ignorent pas que les difficultés des groupes naissent souvent du manque de dialogue. Pour se mettre à l'abri, ils n'hésitent pas à avoir recours à une personne extérieure en cas de désaccord. Un spécialiste en relations humaines du centre de gestion est sollicité pour venir discuter et arbitrer si nécessaire.
Le siège d'exploitation est la maison commune et cela leur permet à tous de s'y sentir chez eux. Dans le même esprit, ils ont choisi un nom neutre pour le Gaec, Normalys. En période de vêlage, chacun a son tour de garde la nuit. Le week-end, deux associés se chargent du travail. Les deux autres sont libres du vendredi soir au lundi matin. Et ils s'accordent trois semaines de congés par an. Une organisation bien rodée qui donne à chacun du temps pour ses loisirs ou sa famille.
Le Gaec mise sur les atouts de la normande pour dégager suffisamment de revenu et de travail. Ils produisent et vendent le lait, bien sûr, mais aussi des boeufs, des taurillons, de la viande et des reproducteurs. L'objectif premier est donc de maximiser les produits.
Cette diversité permet aussi de valoriser l'ensemble des installations. Les boeufs sont à l'herbe toute l'année, dans des pâtures difficiles à labourer. Les taurillons occupent les bâtiments des exploitations de Christophe et Jérôme.
La conduite des laitières vise à valoriser le pâturage au maximum de mars à juillet. Au-delà, le rendement des prairies est insuffisant. Pour des raisons économiques, l'élevage se contente du service minimum au Contrôle laitier depuis dix ans. Roland a donc dû se pencher sur le calcul de la ration. Il a découvert ainsi une activité passionnante. Au printemps, les vaches reçoivent un minimum de 4 kg d'ensilage de maïs, avec 1,5 kg de maïs grain humide. De juillet à novembre, le pâturage reste présent. Mais il faut y rajouter davantage de fourrages conservés : 9 à 10 kg de MS d'ensilage de maïs, 3 à 4 kg d'ensilage d'herbe ou de méteil, 1,5 kg de maïs grain humide, 2,5 kg de tourteau de colza, 60 g d'urée et 900 g de tourteau tanné. En hiver, l'apport d'ensilage de maïs monte à 12 kg, avec 2 kg d'ensilage d'herbe et autant de méteil. Les vêlages s'étalent sur toute l'année et la ration couvre 25 kg de lait. La complémentation individuelle est apportée au Dac.
NAISSEUR DE DRIVER ET LÉOGRAN
Les vaches sont logées sur une aire paillée, ce qui oblige les éleveurs à une grande vigilance pour éviter les problèmes sanitaires et les pénalités sur le lait. L'aire paillée compte 140 places et le couloir est aménagé sur des caillebotis.
L'installation a été rénovée en 1999 lors de la mise aux normes. La surface est cloisonnée tous les 15 m et les vaches en chaleurs sont systématiquement bloquées au cornadis. Les éleveurs paillent deux fois par jour en hiver à raison de 4 à 5 kg de paille à chaque fois. Un asséchant pour litière est apporté trois fois par semaine. L'aire paillée est curée deux fois dans l'hiver. Ces précautions permettent d'éviter les mammites. Le troupeau a quarante ans de sélection derrière lui. Ici sont nés les célèbres Driver et Léogran, des taureaux qui ont marqué la race. La production, la mamelle et les membres ont toujours été les postes travaillés en priorité. « Avec Daniel et Christophe, on a eu des holsteins dans le troupeau. Cela m'a poussé à être exigeant sur ces postes », reconnaît Roland. Chaque année, quatre ou cinq mâles sont vendus à l'OS normande. « Le volume des ventes est assez fluctuant d'une année sur l'autre », remarque Roland. Mais tous les animaux sont élevés et en principe, tous sont à vendre. Le client choisit. Avec une limite cependant, l'élevage ne vend pas de femelle pleine, préférant garder les produits. Mais il garantit les résultats : si une génisse vendue ne se reproduit pas, le client est dédommagé. En moyenne, les ventes concernent 25 à 30 vaches en lait, 3 à 4 génisses de haut niveau et une trentaine d'embryons. Depuis treize mois, le chiffre d'affaires génétique s'élève à 100 000 €. Un niveau appréciable quand le prix du lait chute.
Un tiers des mâles est transformé en veaux de lait. Le reste part vers l'atelier de taurillons ou de boeufs. Une cinquantaine de jeunes bovins est vendue chaque année. Les boeufs sont castrés à neuf mois et sortent pendant deux ans. Selon leur état d'engraissement, ils peuvent être finis au foin ou à l'ensilage de maïs et de méteil. « Ils valorisent des zones humides, sensibles sur le plan de l'environnement. Elles ne reçoivent plus aucun pesticide et ne subissent pas l'érosion. »
Le Gaec vient d'investir dans un laboratoire de découpe de viande (mars 2009). Une évolution logique pour ces éleveurs qui souhaitent se rapprocher du consommateur. Ils tirent profit de l'image de la race et des qualités de sa viande. Les meilleurs animaux, boeufs ou jeunes vaches, sont choisis à l'oeil. Les éleveurs se sont formés pour apprendre à les repérer. La carcasse est découpée sur place par un boucher. Selon la demande, elle est répartie en quatre ou huit lots. La valorisation est de 6 € TTC/kg de carcasse.
Soit, en fonction du désossage, un prix inférieur à 8 €/kg de viande pour l'acheteur. Même logique pour les veaux : ils sont vendus par moitié sur la base de 9 €/kg de carcasse à environ quatre mois. Cette offre répond aux attentes des clients qui cherchent à remplir leur congélateur pour l'année à partir d'un élevage.
Un autre projet d'envergure est en cours : la construction d'un roto de 28 postes. La mise en service est prévue en janvier 2010. L'investissement se monte à 400 000 € pour remettre à neuf l'ensemble du bloc traite. Actuellement, les éleveurs utilisent une salle de traite 2 x 6 qui a trente ans.
La traite prend plus de trois heures le matin et même si la qualité du lait est bonne, ils éprouvent le besoin de moderniser leur outil, notamment pour gagner du temps. Ils ont craqué pour le roto après plusieurs visites. Le robot n'intéressait pas ces éleveurs qui tiennent à préserver la relation avec l'animal qui s'installe pendant la traite.
Dans l'optique d'évoluer vers une ferme pédagogique, le projet prévoit une mezzanine accessible à des visiteurs pendant la traite. « Le lait est un produit noble. Nous voulons cultiver cette image et la véhiculer auprès du grand public ».
LES LOGETTES EN DÉBAT
Les associés débattent de l'opportunité de passer en logettes. Ce serait plus pratique, compte tenu de l'effectif. Mais cela représente un investissement, même si l'aménagement de l'ancien est possible. Ils se donnent un an ou deux, le temps de lancer le roto. Autre projet, la construction d'un auvent pour abriter les niches et les igloos des veaux. Car, actuellement, ils occupent un hangar à fourrages. Il s'agissait de tester ce mode de logement avant d'investir.
« Nous sommes prudents sur les investissements », souligne Chantal. La priorité est de dégager un revenu pour chacun. Le projet du roto a été revu depuis que la conjoncture s'est dégradée. Les éleveurs n'ont gardé que l'essentiel. Oubliés la fosse sous caillebotis du parc d'attente ou le trempage automatique. Aujourd'hui, le télescopique et la mélangeuse sont bichonnés pour durer.
Pour la première fois cette année, les vaches consommeront des matières premières à la place d'un concentré de production sophistiqué.
Les associés se serrent les coudes en se disant que cette crise n'est pas la première, et qu'il y en aura d'autres. Quant à l'évolution de leur structure, ils sont ouverts à tout, mais ils veulent garder une exploitation à taille humaine. En fonction des opportunités, ils sont prêts à élargir leur groupe.
PASCALE LE CANN
Les 120 vaches sont logées sur une aire paillée. Elles consomment du maïs toute l'année, même si la valorisation des pâtures est prioritaire au printemps.
Le Gaec a investi, en 2009, dans un laboratoire de découpe de viande.
Les boeufs valorisent des prairies humides. Cette conduite respectueuse de l'environnement est bien appréciée des clients qui viennent acheter de la viande.
Il faut trois heures pour traire le matin. La vieille salle de traite a passé la trentaine mais permet de produire un lait de qualité, à condition d'y mettre du temps.
Les taurillons valorisent des bâtiments existants et permettent de tirer profit du potentiel des mâles normands à produire du muscle.
Un roto de 28 places sera mis en service début 2010. L'investissement se monte à 400 000 € et permettra aux associés de gagner du temps et du confort.
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