« JE MISE SUR L'AUTONOMIE POUR BÂTIR UN SYSTÈME BIO RENTABLE »
LIONNEL CAUDY UTILISE AU MIEUX LE POTENTIEL DES SOLS DE SON EXPLOITATION POUR ÊTRE QUASIMENT AUTONOME. UN PLUS ÉCONOMIQUE CERTAIN EN ÉLEVAGE BIO.
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L'EXPLOITATION DE LIONNEL CAUDY A QUELQUE CHOSE DE SINGULIER. Ici, au sud de la zone du Barrois (Haute- Marne), les terres sont riches en calcaire et propices à la culture du blé, de l'orge d'hiver et du colza… Lionnel a choisi le lait et l'agriculture biologique.
« Perdu » au milieu de grosses exploitations à dominante céréalière, il mène un troupeau d'une quarantaine de montbéliardes. Son arrivée à Liffolle-Petit remonte à 2006, une opportunité d'installation hors cadre familial qu'il ne laisse pas passer. À 33 ans, il saute le pas. À l'époque, l'exploitation de 45 ha dispose d'un quota de 156 000 l de lait. « Le cédant s'était converti à l'agriculture biologique à la f n de sa carrière par affinité. Il était hors de question que je m'installe en agriculture conventionnelle », confie le nouvel installé. Dès sa formation au BTA, Lionnel s'est senti concerné par les problèmes environnementaux. Son passage à l'Inra de Mirecourt, huit ans comme technicien d'essai, développe sa sensibilité à l'agriculture biologique. « C'est là que j'ai pris conscience du niveau de la pollution générée par les exploitations et due à l'emploi de produits chimiques. »
SEUL ÉCART À SA STRATÉGIE : L'ACHAT DE PAILLE
Cette ferme qui se libère tombe à pic. Le père de Lionnel, qui exploite 36 ha à 10 km de là, arrive à l'âge de la retraite. L'occasion est unique. Les deux fermes se complètent à merveille avec, d'un côté, l'élevage et, de l'autre, les cultures pour nourrir les animaux. L'ensemble couvre aujourd'hui 82 ha de SAU et dispose d'un droit à produire de 218 000 l de lait. Trois ans après son installation, Lionnel est sur le point de finaliser la mise en place de son système de production. « Mon objectif est de bâtir un système autonome sans achat d'intrants. Je souhaite que mon exploitation respecte l'environnement, mais également qu'elle soit performante économiquement. »
Seul écart à cette stratégie : l'achat de paille. Chaque année, une centaine de tonnes est achetée à des céréaliers du secteur en agriculture conventionnelle. Seule obligation pour l'éleveur bio : composter son fumier avant de l'épandre. 2009 marque la fin de la conversion bio des terres reprises à son père grâce à la mise en place d'une nouvelle rotation (voir encadré). Les travaux dans les bâtiments, pour faire face à l'accroissement du troupeau et traire les 60 000 l de rallonge obtenue à l'installation, s'achèvent aussi. « La stabulation paillée agrandie pourra loger quarante-cinq vaches. Je construis également un bâtiment pour les génisses et je couvre la fumière. »
À terme, ces bâtiments seront simples et fonctionnels, à l'image de la salle de traite équipée en 2 x 4 postes. Malgré tout, ces investissements sont conséquents et se chiffrent à 175 000 €.
Pour nourrir le troupeau, une surface de 24 ha est disponible autour des bâtiments. 16 ha sont implantés en prairies permanentes et sont réservés au pâturage des vaches. Depuis son passage à l'Inra, Lionnel raisonne comme un agronome. Pour lui, l'agriculture biologique n'est pas contradictoire avec la recherche d'un rendement optimum pour chaque culture. « Je peux presque dire que ma conduite est intensive. Par exemple, je souhaiterais arriver à une surface de pâturage de 30 à 32 ares/VL. Mais cet objectif est difficile à atteindre car le climat de la région est continental. Avec l'alternance de chaud et de froid, la pousse de l'herbe n'est pas régulière. En réalité, la surface pâturée est de 35 ares/VL. » La mise à l'herbe a lieu un peu tardivement, au début du mois d'avril, pour ne pas abîmer les parcelles. Ces prairies reçoivent 10 t de compost par hectare. Avec en moyenne 7 TMS/ha, les rendements sont tout à fait corrects. En matière de fourrages, l'éleveur s'appuie également sur 20 ha de prairies temporaires. Ce sont des mélanges à base de luzerne, de trèfle violet, de ray-grass et de dactyle. Cette composition conforte l'apport de protéines dans la ration.
UN SÉCHOIR POUR RESSUYER LE FOIN
Pour faire face à des problèmes de qualité des fourrages, Lionnel a dû modifier sa technique de récolte. « Pendant près de deux ans, j'ai récolté l'herbe uniquement sous forme de foin. Mais, en 2007, je me suis fait piéger par le printemps pluvieux. La qualité de certains foins était très mauvaise et cela s'est répercuté sur la productivité des vaches. » À la fin de l'année 2007, il se résout à réaliser de l'enrubannage. Cette technique engendre un surcoût d'environ 5 €/balle car le filmage de la balle, contrairement au pressage, est réalisé par une ETA. Elle a également un impact non négligeable sur l'environnement en produisant des déchets (film plastique). Mais cette technique lui semble indispensable pour sécuriser son système. « Je maîtrise mieux la qualité des fourrages car l'herbe est récoltée au bon moment. Je peux également stocker les balles dehors. Généralement, la première et la troisième coupes des prairies temporaires sont enrubannées, tandis que la deuxième coupe, au mois de juillet, est réalisée en foin. » Pour maîtriser la qualité de ses foins, Lionnel utilise un séchoir à balles rondes. Une installation qui existait déjà quand il a repris la ferme. Même s'il est un peu sous-dimensionné aujourd'hui et gourmand en main-d'oeuvre, cet équipement est un précieux appui. Ce séchoir comprend dix-huit trous et peut loger jusqu'à trente-six balles. Après un minimum de trois jours de séchage au sol, le foin est pressé, puis mis à l'intérieur. Ensuite, deux ventilateurs propulsent de l'air pour ressuyer les bottes. « Seul souci, le foin sèche plus ou moins vite en fonction des conditions météo. Par temps humide, le séchage n'est pas efficace puisque c'est l'air ambiant qui est brassé. Alors, de temps en temps, j'utilise des brûleurs à fioul pour assécher l'air. »
La conduite de l'atelier laitier fait également l'objet d'une approche très rigoureuse. Lionnel se définit davantage comme un polyculteur-éleveur qu'un éleveur. « Même si le lait représente le revenu principal de l'exploitation, c'est la combinaison entre l'herbe, les céréales et l'élevage qui m'intéresse. » Dans ce système autonome interdépendant, la mauvaise récolte des fourrages en 2007 a eu des conséquences directes sur l'atelier lait. Les vaches ont chuté en production et seulement 150 000 l de lait ont été vendus en 2008.
PRODUIRE DAVANTAGE DE LAIT À L'HERBE
Cette mauvaise performance s'explique aussi par un passage de FCO sur le troupeau. « Au plus bas, durant l'hiver 2007-2008, la production est descendue à 9 l de lait/VL/jour. Mais dès qu'elles sont sorties à l'herbe, la production est remontée à 18 l. » L'hiver dernier, la productivité est repartie sur un niveau normal, autour du 20 l/VL/j. Quant au niveau d'étable, il a atteint 5 800 kg sur la campagne 2008-2009. En situation de croisière, Lionnel projette de vendre environ 200 000 l de lait par campagne. « Mais cela dépendra de la quantité et de la qualité des fourrages récoltés dans l'année. »
La ration hivernale est composée de 50 % d'herbe enrubannée et de 50 % de foin. À cela s'ajoutent 3 kg de concentrés comprenant deux tiers de céréales et un tiers de protéagineux. Cette ration permet de couvrir 23 kg de lait. Fidèle à sa stratégie, la complémentation du troupeau se fait uniquement grâce aux cultures de l'exploitation (sauf les minéraux). Les animaux consomment près de 7 ha de mélanges à base de céréales et de pois protéagineux ou de vesce ainsi que 6,5 ha de féverole. Le fait de produire ses protéines est un plus économique pour Lionnel qui peut se passer d'acheter du tourteau bio au prix fort (un VL18 bio coûte plus de 450 €/t). Un peu plus de 10 ha de céréales pures sont aussi implantés. Mais une partie seulement est autoconsommée. L'autre est vendue et sert de tampon en cas de mauvaises récoltes. Pour éviter les risques d'acidose, ces aliments sont distribués au cornadis matin et soir. Lionnel limite volontairement les quantités à 4 kg/VL/j. Car, d'une part, il souhaite avoir un coût alimentaire le plus bas possible (celui du concentré s'élève à 24 €/1 000 l sur les douze derniers mois). D'autre part, il ne veut pas exprimer le pic de lactation de ses vaches et préfère qu'elles aient une bonne persistance laitière tout au long de leur lactation. « Les vêlages sont groupés et commencent en août et septembre. À cette période, les vaches manquent un peu d'énergie et leur état corporel fait le Yo-Yo. » Mais cela ne semble pas trop pénaliser la fertilité du troupeau qui reste à un niveau correct. « 53 % des vaches sont fécondées en première insémination artificielle et l'intervalle entre deux vêlages est de 405 jours », explique Lionnel Caudy. Progressivement, les vêlages vont donc se décaler vers l'automne et le printemps. Ce qui n'est pas pour déplaire à l'éleveur qui pourra ainsi faire davantage de lait à l'herbe, quand il est le moins cher à produire. L'étalement des vêlages est également positif car la stabulation est limitée à quarante-cinq places. Enfin, le fait de faire plus de lait au printemps permettra d'assurer le quota en le produisant davantage au début de la campagne. En matière de sélection, Lionnel recherche des animaux à grandes carcasses, capables d'ingérer de grosses quantités de fourrages grossiers et de supporter des amaigrissements. « Les vaches doivent être rustiques et fonctionnelles avec de bonnes mamelles et de solides membres. Je sélectionne aussi des taureaux ayant peu de cellules et de bons taux. » L'état sanitaire est bon et le troupeau connaît peu de problèmes de qualité du lait. Sur la dernière campagne, grâce à la réforme de plusieurs vaches vieillissantes, les cellules se sont élevées à 138 000.
AUCUNE PRIME BIO PENDANT PRÈS D'UN AN
Face à la faible densité d'élevages bio de la région, Bongrain, la laiterie de Lionnel, n'a pas collecté le lait de l'exploitation en bio pendant près d'un an. L'éleveur a dû attendre début 2007 et la création d'une caisse de mutualisation, regroupant une trentaine d'agriculteurs bio, pour enfin toucher la prime. À cette époque, les tournées de ramassage ont été réorganisées, toutes les primes ont été mises dans un pot commun puis redistribuées à tous les producteurs, même à ceux qui ne sont pas collectés en bio. Aujourd'hui, le lait de l'exploitation est payé par Bongrain, mais il est collecté par Lactalis. « Sans cette caisse, je ne suis pas sûr que ma laiterie me paierait mon lait en bio. En 2008, j'ai reçu une prime moyenne de 88 €/1 000 l de lait. Cela m'a permis d'atteindre un prix du lait de 437 €/1 000 l sur l'année. » Cette bonne valorisation, alliée à la maîtrise des charges opérationnelles, permet à l'exploitation de dégager une bonne rentabilité (voir les résultats économiques). En revanche, difficile d'accepter que son prix du lait soit autant corrélé au marché du lait conventionnel. « J'ai perdu 104 €/1 000 l sur ma paie d'avril alors que le bio se porte bien. »
La viande est également commercialisée dans le circuit bio avec une plus-value d'environ 15 %. En vitesse de croisière, il compte garder vingt-cinq veaux chaque année. En fonction du nombre de femelles qui naissent, il engraissera plus ou moins de mâles qu'il commercialisera en boeufs. « Cela me permettra de valoriser des prairies éloignées et d'atteindre un bon équilibre entre l'élevage d'un côté et les cultures de l'autre. »
NICOLAS LOUIS
L'exploitation fait partie du réseau de fermes de références animé par la chambre d'agriculture de la Haute-Marne.
Pour réduire le coût alimentaire et ne pas exprimer le pic de lactation des vaches, les quantités de concentrés sont volontairement limitées à 4 kg/vl/j
Sur la campagne 2008-2009, le niveau d'étable a atteint 5 800 kg de lait. En vitesse de croisière, Lionnel compte vendre 200 000 l de lait.
Même si cet équipement est un peu sous-dimensionné et gourmand en main-d'oeuvre, un séchoir à balles rondes d'une capacité de trente-six bottes permet de mieux maîtriser la qualité des foins.
Pour produire les 60 000 l de rallonge obtenus à son installation, Lionnel achève des travaux pour faire face à l'accroissement de son troupeau. Ici, le bâtiment des génisses accueillera 60 bêtes.
Pour limiter les investissements, Lionnel achète le minimum de matériels agricoles seul. Il possède deux tracteurs de forte puissance en co-propriété et utilise majoritairement le matériel de la Cuma.
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