Le modèle néo-zélandais « Je ne serais pas devenu éleveur autrement »
Installé en bio depuis seulement deux ans, Antoine Beduneau a mis en place un système pâturant économe avec, à la clé, des premiers résultats économiques encourageants et un vrai confort de travail.
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Après sept ans d’expérience en comptabilité agricole, Antoine Beduneau (32 ans), en couple et papa d'une petite fille, a fait le choix de prendre la succession de son père sur la ferme familiale. Son projet : conversion bio, vêlages groupés de printemps associés à la fermeture de la salle de traite en hiver, système fourrager 100% herbager, conduite du pâturage inspiré du modèle néo-zélandais et vaches croisées. « J’ai toujours eu la passion de l’élevage et la volonté de m’installer, à condition de préserver du temps libre et une rémunération stable et correcte, souligne Antoine. Mon expérience m’a permis de mûrir ma réflexion. J’ai observé des éleveurs dont la rémunération n’était pas toujours à la hauteur du travail et des capitaux investis. Je savais que d’autres voies étaient possibles et adaptables à mon contexte. »
« Le croisement trois voies pour maximiser l’effet d'hétérosis »
Antoine s’est installé le 1er janvier 2021, dans le cadre d’une transmission anticipée avec son père : dès 2016, ce dernier a commencé le croisement Procross (holstein x montbéliarde x rouge suédoise) ; il a progressivement supprimé la sole dédiée aux céréales et au maïs au profit de semis de prairies à base de RGA, TB, fétuque. Le 1er janvier 2019, il entame la conversion bio et, 18 mois avant la reprise, Antoine devient salarié à mi-temps sur la ferme. « Mon père savait quel système je souhaitais. Je ne serais pas devenu éleveur autrement. J’ai la chance qu’il ait joué le jeu pour que je m’installe dans les meilleurs conditions. » Malgré une situation séchante en été, le jeune éleveur bénéficie aussi d’atouts structurels : 42 ha d’herbe accessibles depuis les bâtiments, des sols assez portants, un démarrage de la végétation précoce en sortie d’hiver et deux étangs d’une capacité totale de 12000 m3 pour l’irrigation.
Sur cette base, le jeune éleveur va se former au pâturage tournant dynamique avec Pâtur’Sens. L’idée est de maximiser le lait à l’herbe en misant sur des vêlages groupés. Ainsi, les mises-bas démarrent dès la troisième semaine de janvier jusqu’à fin mars, pour bénéficier à plein du démarrage précoce de l’herbe. Le croisement Procross a été remplacé par un autre modèle : frison x jersiais x rouge suédoise : « Plutôt que la race Kiwi, j’ai voulu maintenir le croisement trois voies pour bénéficier au maximum de l’effet hétérosis. » La mise à la reproduction démarre mi-avril : pendant trois semaines, les 50 premières vaches en chaleur sont inséminées. L'objectif est de conserver quinze génisses issues d’IA pour le renouvellement. Ensuite, deux taureaux assurent les retours en pâtures.
« Prolonger la saison de pâturage via l’irrigation »
Ici, la mise à l’herbe de tous les animaux démarre autour du 20 janvier. Il s’agit d’un déprimage de toute la surface (42 ha), y compris les parcelles de fauche, qui s’achève fin mars. Les 55 laitières disposent ensuite de 27 ha divisés en 50 paddocks de 1 jour. Au printemps, elles tournent sur 25 paddocks, soit 25 ares/vache. La gestion de l’alimentation repose sur les mesures d’herbe à l’herbomètre. Sachant qu’une vache consomme 16 à 17 kg de MS au pâturage, le calcul est le suivant : 55 vaches x 17 kg / 27 ha = 35. « Une pousse de l’herbe au moins égale à 35 kg MS/jour autorise une alimentation 100% au pâturage. En-deçà, il faut complémenter avec du foin à l’auge ; au-dessus, débrayer un paddock pour la fauche. » Chaque semaine, Antoine consacre une heure et demie au suivi de la pousse d’herbe. Il saisit les valeurs dans le logiciel Grassland Tools conçu pour faciliter la gestion des paddocks et planifier les rotations. Dès le printemps, il n’hésite pas à stimuler la pousse en ayant recours à l’irrigation avec un enrouleur (autorisation de prélèvement de 8000 m3/an). « J’arrose en conditions poussantes, lorsqu’il y a de la minéralisation. J’arrête quand la température dépasse 27°C, car il y a trop d’évaporation et ce serait du gaspillage. L’idée n’est pas de faire du stock, mais bien de prolonger la saison de pâturage. » Cela représente un, voire deux tours d’eau de 20 mm uniquement sur les paddocks des laitières.
« Fermeture de la salle de traite le 10 décembre »
Du 15 mars au 15 juin, les vaches ont un complément de 2 kg de maïs grain aplati. Cet apport permet l’expression d’un pic de lactation de 24 litres/vache et assure un flushing pour sécuriser la reproduction. Ainsi, 34% du lait est produit au deuxième trimestre. Les paddocks fauchés début avril sont ensuite réintégrés dans le cycle de pâturage vers mi-juin, soit un total de 50 ares/vache. Les stocks sur pieds (voir encadré), puis les 6 ha de luzerne-plantin également enrubannés au printemps, contribuent à prolonger l’alimentation à l’herbe. Les vaches sont complétées avec du foin à partir du 10 juillet. « Cet été particulièrement sec, j’ai ainsi pu maintenir un apport d’herbe fraîche de 3 kg/jour minimum, avant de reprendre la rotation sur les paddocks à partir du 10 septembre. » Vers 180 jours de lactation, le troupeau bascule en monotraite. Cette année, tout le troupeau a été tari le 10 décembre. La salle de traite a été fermée à la même date, suivie de la rentrée à l’étable le 22 décembre avec une ration à base de foin et un tiers d’enrubannage trois semaines avant les mises-bas.
Un taux d’EBE/produit de 45%
La quinzaine de génisses conservées pour le renouvellement est mise à l’herbe dès 15 jours de vie où elles sont allaitées au lait entier avec un milkbar. Elles tournent sur trois petits paddocks de 17 ares, avant de basculer sur des parcelles fauchées en première coupe. Les génisses de plus de 1 an sont mises à la reproduction fin avril avec un taureau, dans les pâtures les plus éloignées conduites avec un fil avant et arrière et complétées en hiver et en été avec de l’enrubannage. Cette pratique, sans aucun concentré, permet un âge moyen au premier vêlage de 23,6 mois.
La gestion optimisée de l’herbe valorise jusqu'à 7 à 8 t de MS/ha ce qui assure l’autonomie fourragère avec un chargement de 1,5 UGB/ha. Seulement 10 t de maïs grain et 35 t de paille/an sont achetées. Au terme de l’année civile 2021, le premier exercice comptable affiche une marge brute de 504€/1000 litres et un EBE de 93000€, soit un EBE/produit de 45%. Via l’application Aptimiz, l’éleveur a évalué son temps de travail à quarante heures par semaine en moyenne (week-end compris). Grâce à la présence d’un apprenti ou à la monotraite du dimanche, il a pu prendre 4 semaines de congés et travaille un week-end sur deux depuis décembre. « Je ne m’attendais pas à atteindre ces objectifs dès la première année. La transmission anticipée et l’année fourragère exceptionnelle de 2021 y sont pour beaucoup. Ce système très spécialisé permet aussi de se concentrer sur les animaux et les prairies (pressage et épandages sont confiés à une ETA) pour aller chercher de la performance. »
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