Login

Santé mammaire « Une approche globale a permis de réduire les taux cellulaires »

Nicolas Marguet. « Avec le vétérinaire, pendant un an, nous avons repris tous les aspects de la conduite du troupeau, depuis la fertilisation des prairies, jusqu’au diamètre des manchons en salle de traite. »

Grâce à une remise à plat de ses pratiques du sol jusqu’à la salle de traite avec son vétérinaire, Nicolas Marguet a pu corriger en profondeur une moyenne cellulaire du troupeau dégradée.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

En zone de montagne (900 m), dans un système 100 % herbager sous cahier des charges AOP comté, Nicolas Marguet développe depuis plusieurs années une approche globale de la santé de son troupeau, associée à des soins alternatifs. Une réflexion qu’il cultive dans un cadre collectif, à travers des formations à l’aromathérapie et à l’acuponcture, la participation au programme régional Acsa (voir encadré), ou la création avec 15 éleveurs du GIEE « sol-plante-animal ».

Ce groupement permet de financer des interventions vétérinaires, de la formation et des visites de fermes dédiées à la problématique de la santé, ou plutôt à la bonne santé animale. « L’idée est de faire évoluer nos pratiques pour éviter d’avoir des animaux malades. Cela correspond à ma volonté de produire autrement, de façon plus éthique. C’est pourquoi, par exemple, je n’apporte plus d’engrais minéral sur prairies, ou que j’élève les veaux au lait entier malgré le prix du lait AOP. »

Identifier les facteurs de risque à partir des animaux malades

Cette approche globale, l’éleveur l’a mise en pratique pour corriger un problème de taux cellulaire élevé : une moyenne durablement supérieure à 400 000 leucocytes, associée à de nombreuses vaches « millionnaires ». À partir de l’été 2022, dans le cadre du GIEE, il a sollicité l’intervention d’un vétérinaire conseil, Pierre-Emmanuel Radigue. Consultant spécialisé en nutrition et agroécologie, ce dernier applique une méthode de diagnostic fondée sur l’équilibre du triptyque sol-plante-animal. « Que j’intervienne pour un problème de mammite ou de maladie respiratoire, dès lors qu’il y a une déviance, c’est le signe d’un déséquilibre dans cette relation, explique le vétérinaire. Cela m’amène à m’occuper de l’environnement où les animaux interagissent, de ce qu’ils boivent et mangent et donc d’agronomie. C’est ce que l’on appelle une démarche holistique. »

Acupuncture. Sur les vaches, comme sur les veaux, Nicolas n'hésite pas à recourir à l'acupuncture. Ici trois aiguilles pour stimuler l'immunité au niveau du triangle de l'abdomen. (© JP)

Les analyses bactériologiques et antibiogrammes réalisés sur toutes les vaches à taux cellulaire élevé ont d’abord permis d’identifier un profil infectieux dominant à Streptocoque uberis : bactérie d’environnement, mais aussi du réservoir mammaire, transmissible pendant la traite. « C’est une infection insoignable en lactation, rappelle Pierre-Emmanuel Radigue. Le principe est de laisser une chance de guérison à la vache au tarissement par un traitement antibiotique ciblé et un obturateur. Si elle revient avec un comptage cellulaire élevé après vêlage, c’est un motif de réforme, le but est de stopper les contaminations croisées. » En amont, il s’agissait donc d’agir sur l’environnement de la salle de traite, la propreté des vaches, la bonne fermeture des trayons et le système immunitaire.

La complémentation minérale, premier rempart de la mamelle

Dans le cas d’une problématique liée à la santé de la mamelle, milieu essentiellement composé d’eau, le vétérinaire contrôle dans un premier temps la qualité de l’abreuvement, c’est-à-dire l’accès non limitant aux abreuvoirs, mais pas seulement : « Pour une traite qui se passe bien, rapide et sans douleur, la vache doit s’abreuver correctement, rappelle-t-il. Une bonne hydratation ne peut être abordée sans faire l’impasse sur le sel et le potassium, éléments essentiels à tous les mouvements d’eau dans un organisme vivant. Ce dernier est souvent présent en quantité suffisante dans les fourrages, mais pas le sel. » L’analyse des fourrages est alors un outil d’investigation pour retravailler la complémentation minérale, essentielle à la défense de la mamelle.

En effet, la première défense de la mamelle contre les infections est la fermeture du sphincter du trayon. « Un mécanisme sous la dépendance du calcium, du magnésium et du phosphore ». Or, chez Nicolas, les analyses de foin séché en grange, aliment de base de la ration hivernale, ont révélé un déficit de magnésium et de calcium, et un déséquilibre du rapport phosphore/calcium qui ont poussé à faire des analyses de sols. Ils sont ici de type basique (pH 6,2 à 6,5), mais avec un calcaire sous forme peu soluble et donc peu disponible pour la prairie. D’où la décision de programmer un chaulage chaque année avec l’équivalent de 500 kg/ha bicarbonate de calcium incorporé au lisier. « En seulement deux ans, le résultat est déjà visible sur la qualité des foins, indique l’éleveur. Le chaulage a aussi permis de corriger les traces de métaux lourds observées dans les analyses. »

La préparation au vêlage, une étape clé de la santé

Le temps de redresser la teneur du sol, les apports de calcium et de magnésium ont été réévalués en tenant compte des analyses de fourrage via un minéral formulé à la carte (Alfalor), afin d’améliorer la dynamique de fermeture des trayons. Minéraux qui seront ensuite restitués au sol via les matières fécales, permettant ainsi de rééquilibrer progressivement le cercle vertueux animaux-sol-plante. La formule minérale est enrichie en oligo-éléments et vitamines, toujours en tenant compte de l’analyse de fourrage, afin de respecter les apports recommandés. « Le second mécanisme de défense est intramammaire. Il est lié au système immunitaire, activé par les oligo-éléments et les vitamines : c’est la défense intime de la mamelle », explique le vétérinaire.

Étape clé d’une approche préventive visant à réduire les soins curatifs, la préparation au vêlage a également été affinée. Elle consistait en un apport de concentré et d’un minéral spécial vaches taries 15 jours avant la mise-bas. Désormais, 20 jours avant la mise-bas, le concentré augmente progressivement jusqu’à 3 kg de céréales + 1,5 kg de colza. Sachant que le foin limite la baisse de la Baca, le minéral vaches taries est complété par 100 g de chlorure de magnésium pour renforcer l’acidification de la ration. « Peu appétent, le chlorure est mélangé aux céréales pour faciliter son ingestion, précise Nicolas. Les résultats sur les problèmes de délivrance et sur la vitalité des veaux nouveaux-nés sont notables. »

Réduire le diamètre des manchons en salle de traite

Sur le volet de la propreté, les logettes équipées de matelas sont paillées avec 1 kg de paille hachée et nettoyées deux fois par jour. Le premier repas de foin est distribué lorsque les vaches sont en aire d’attente, pour les inciter à aller à l’auge après la traite au lieu de se coucher avec des trayons pas tout à fait refermés. Dans la salle de traite (TPA 10 postes), le protocole est le suivant : lavage des trayons à la paille de bois (prétrempage interdit en filière AOP) ; tirage des premiers jets dans un bol à fond noir et post-trempage. Sur les conseils du vétérinaire, tous les manchons ont été changés : « Leur diamètre était trop large et trop agressif. Il avait tendance à remonter à la base du trayon où se formait un anneau de compression. »

(© JP)

En lactation, les analyses bactériologiques permettent de mieux cibler les traitements. Mais l’éleveur a d’abord le réflexe de sortir le thermomètre dès les premiers signes de mammite. « S’il y a de la température je privilégie le traitement antibiotique, car l’état général est atteint. » Dans le cas contraire, il n’hésite pas à recourir aux soins alternatifs. « Vu la complexité de la réglementation sur les huiles essentielles, je m’oriente davantage vers l’acupuncture. Il n’y a pas 100 % de réussite et je dois rester très vigilant pendant vingt-quatre heures à toute dégradation de l’état de l’animal, mais je constate des effets positifs sur les baisses de cellules. » Grâce à toutes ces investigations, la moyenne du troupeau est revenue à 252 000 leucocytes en 2023. Reste quelques ajustements identifiés à mettre en œuvre : le diagnostic électrique des installations, l’amélioration de la ventilation en stabulation et, à plus long terme, une attention accrue au choix de taureaux améliorateurs.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement