Pâturage hivernal : « En région bien arrosée, je sors tous mes animaux en hiver »
Félice Branger, éleveur dans les Côtes-d’Armor, valorise un maximum d’herbe par le pâturage en toutes saisons. Vaches laitières, taries et génisses en profitent, même en hiver.
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Quand on élève des vaches en Centre-Bretagne, le choix d’un système herbager semble une évidence. Le territoire de Rostrenen (Côtes-d’Armor) est le plus arrosé de la région, avec 1 200 mm de précipitations bien réparties sur l’année. Les conditions naturelles sont donc bien plus favorables à l’herbe qu’aux cultures et c’est tout naturellement que Félice Branger, éleveur à Rostrenen, a choisi de privilégier le pâturage. « Quand je me suis installé le 1er janvier 2022, je suis d’emblée passé en monotraite toute l’année pour augmenter la surface accessible au pâturage », raconte-t-il. Il ne cache pas que cette option servait aussi son objectif de limiter le plus possible son temps de travail.
L’assolement comprend 58 hectares d’herbe et 5 ha de méteil récolté en grain (triticale, avoine, pois). Les vaches sont principalement nourries par le pâturage (65 % de la ration), de l’enrubannage en hiver (20 %) et de l’herbe récoltée à l’autochargeuse en automne (15 %).
Les 40 vaches, qualifiées de « multimarques » par l’éleveur, sont issues de croisements à partir d’une base noire, et de normande, montbéliarde, brune, simmental ou jersiaise. Il choisit les accouplements de façon à améliorer les taux, le gabarit et la fertilité avec la normande, ou encore les pattes et la caséine avec la brune. L’élevage livre 137 000 l de lait par an en bio.
Vêlages groupés à deux ans
« Ici, les hivers peuvent être longs avec des gels tardifs jusqu’en mai ou juin, mais la pluviométrie permet une pousse de l’herbe régulière. Les sols sablo-limoneux ressuient vite et les prairies peuvent sécher en juillet-août si la pluie s’arrête pendant deux semaines », explique Félice. Il cale la production laitière sur la pousse de l’herbe. Les deux tiers des vêlages se produisant au printemps, le reste en automne, l’effectif de vaches en production est alors réduit en été, quand l’herbe peut manquer, et, en hiver, quand la ration repose sur des stocks.
Les taries restent dehors tout l’hiver. L’an dernier, Félice a testé le bale grazing pour les nourrir. Il a choisi une parcelle en pente de 1 ha pour 21 vaches. « J’y ai aligné 14 rounds de foin en début d’hiver et je suis allé en dérouler un, tous les deux jours, afin que chaque vache dispose de 13 kg de foin par jour », détaille l’éleveur. Le troupeau avançait dans la parcelle au fil avant. Il a ensuite rejoint une autre prairie pour être conduit de la même manière avant de rentrer à l’étable à l’approche des dates de vêlages.
Félice a surveillé les vaches de près pour s’assurer qu’elles se portaient bien. Les parcelles présentaient des abris naturels avec des haies ou des petits bois. Il a constaté que les animaux étaient en forme, propres et avec un beau poil. « Je suis très satisfait de cette expérience. Les vêlages se sont bien passés, les lactations ont bien démarré, sans problème de mammites ou de cellules. »
Les parcelles ne sont pas durablement abîmées
Félice reconnaît que les prairies semblaient dégradées en sortie d’hiver. Une coupe de foin précoce fin mai a néanmoins permis de récolter 2,5 t de MS/ha. Les traces laissées au sol par les rounds ont disparu assez vite. Par la suite, l’éleveur a remarqué une explosion du trèfle. « Je pense que la présence des vaches en hiver a permis un très bon déprimage qui a profité au trèfle. » Elles ont également fertilisé le sol naturellement.
Les génisses de renouvellement restent au pâturage du sevrage au vêlage, prévu à l’âge de 2 ans, à partir du mois de février. Elles valorisent des parcelles un peu éloignées – 11 ha pour dix génisses de moins de un an l’hiver dernier. Félice les surveille mais n’apporte pas de fourrages complémentaires au champ. « J’ajuste la taille des paddocks en fonction de la disponibilité en herbe et de l’état des animaux. Elles passent de trois à cinq jours au même endroit, ce qui assure un temps de retour de 100 à 140 jours. » Les croissances sont bonnes. Là aussi, des abris naturels existent et des bacs à eau ont été installés dans les parcelles.
Plus de lait grâce au pâturage d’hiver
Enfin, les vaches en production ont elles aussi expérimenté le pâturage hivernal l’an dernier. Elles étaient 24 et n’ont passé que vingt-trois jours sans sortir. « On a eu de la pluie presque tous les jours, il est tombé 900 mm entre octobre et avril », se souvient l’éleveur. Durant cette période, il ne gère pas le pâturage en fonction des hauteurs d’herbe. Les vaches pâturent quelques heures par jour et la ration distribuée à l’auge est maintenue. Le temps de retour sur une parcelle atteint au minimum deux mois.
La production laitière a augmenté de 0,5 à 1 l/vache/jour grâce à l’herbe pâturée. Félice constate que, contrairement à ce qui se produit pour les génisses et les taries, le pâturage hivernal des laitières ne permet pas de réduire le travail. Au contraire, il faut toujours pailler et racler et en plus ramener les vaches. Mais le travail en bâtiment est plus simple à réaliser quand les vaches sont absentes. Si le troupeau sort une demi-journée ou plus, l’éleveur allège le paillage ce qui génère des économies et des gains de temps. Il remarque que les vaches sont plus propres quand elles sont à l’herbe.
Pour l’éleveur, ce pâturage est d’abord au service de la saison qui suit. « J’évalue la situation que je souhaite au moment du pic de la pousse mi-avril pour organiser le déprimage deux mois plus tôt », explique-t-il. Ce déprimage est particulièrement performant sur les parcelles pâturées en hiver, ce qui avantage le trèfle. Nul doute que, cette année, Félice va continuer le pâturage hivernal pour ses animaux.
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