REPORTAGE CHEZ BAPTISTE COËNT (FINISTERE) « Cet été conforte le tout herbe »
Témoignage. Éleveur bio en système tout herbe dans le Finistère, Baptiste Coënt constate qu’une rotation rapide des vaches cet été a été très bénéfique pour les prairies. Les parcelles mises au repos ont démarré moins vite avec le retour de la pluie.
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«M i-juillet, je suis passé en ration basée totalement sur les stocks. Et cela a duré jusqu’à mi-septem bre », raconte Baptiste Coënt. Cet éleveur bio ne cultive que de l’herbe sur son exploitation du Finistère. Face à la sécheresse, il s’est interrogé sur l’opportunité de garder le troupeau à l’étable mais y a renoncé, même s’il pensait que cela aurait été plus confortable pour les vaches. Il s’est dit que les prairies pourraient bénéficier du passage des animaux.
L’élevage dispose de 39 ha de prairies facilement accessibles et d’un autre îlot un peu plus éloigné de 30 ha. « J’ai laissé cette partie au repos pour éviter que les vaches marchent trop avec la chaleur », explique l’éleveur. Il a fauché cet îlot car l’herbe grillait. La récolte est faible mais au moins, ce fourrage n’a pas été gaspillé. Sur les 39 ha, il a mesuré l’herbe disponible, soit environ 1 700 kg/ha mi-juillet. Il a décidé d’y conduire le troupeau pour raser les parcelles. « En visant un niveau de sortie à 1 400 kg, je n’avais que 300 kg d’herbe à pâturer par hectare. » Il a constitué des parcelles de 0,5 ha sur lesquelles les vaches ont tourné en y passant 12 heures à chaque fois. Il a apporté 3,5 rounds enrubannés deux fois par jour au champ. De cette manière, les vaches étaient suffisamment nourries mais le chargement était très élevé.
Après la pluie, les bouses ne sont plus visibles
Baptiste se tenait prêt à changer de pratique en cas de pluie mais celle-ci n’est venue qu’en septembre. Durant les deux mois d’été, les vaches ont donc tourné doucement sur les 39 ha, passant une fois sur chaque parcelle. Début septembre, 70 mm sont tombés en deux jours. Une semaine plus tard, les mesures à l’herbomètre ont révélé un stock d’herbe de 2 500 kg/ha, soit une pousse de 150 kg/ha en une semaine. Les bouses n’étaient plus visibles, il n’y a pas eu de lessivage, le sol absorbant bien cette pluie.
Ces parcelles pâturées en été ont repris plus vite que celles qui étaient au repos. « Les pissats arrosent sans doute un peu. La terre se dessèche moins et la vie biologique continue. Je pense que tout ceci favorise la reprise. » Les vaches devraient faire deux tours de plus sur ces parcelles que sur les autres, cette année. S’il avait gardé ses vaches à l’étable cet été, Baptiste Coënt pense qu’il aurait eu moins d’herbe en automne.
Pour nourrir 120 vaches consommant 18 kg de matière sèche par jour sur 55 ha, il a besoin d’une pousse de 40 kg/ha/jour. Les conditions étant réunies, il est passé au pâturage en plat unique mi-septembre. L’éleveur craignait que l’herbe manque d’appétence en raison de la présence des bouses. D’autant plus qu’il a apporté du compost fin septembre (10 t/ha). Mais il n’en voyait plus la trace deux semaines plus tard. Cependant, il a réduit le chargement cet automne pour préserver cette appétence.
Par ailleurs, il observe qu’une prairie semée au printemps (fétuque, RGA, TB, plantain) a fourni 2 t de MS/ha au premier tour de pâturage avant l’été. Le troupeau y est revenu fin septembre et, au total, la parcelle devrait produire 5-6 t cette année. Les prairies plus âgées se révèlent plus productives. À l’avenir, il ne refera les prairies que si elles en ont vraiment besoin. Car les plus anciennes se comportent très bien après la sécheresse. Sur les parcelles semées il y a quatre ans, la densité a été pénalisée par la sécheresse, il y a quelques trous. Mais le trèfle et le ray-grass sont montés en graines, favorisant la régénération. L’éleveur ne va donc pas ressemer.
L’erreur aurait été de décapitaliser
Cependant, Baptiste Coënt a acheté 100 rounds de foin bio pour passer l’été. D’habitude, il produit les 500 rounds de fourrages dont il a besoin pour l’année. Il a décidé qu’il ne décapitaliserait qu’en dernier recours mais n’a pas eu besoin de le faire. « La pluie finit toujours par revenir. Et cet automne, j’ai besoin de tous mes animaux pour pâturer mon herbe. »
Il conduit son troupeau en vêlages groupés au printemps et passe généralement en monotraite en fin de saison, vers le mois de septembre. À cause du manque de fourrages, il a démarré dès la mi-juillet cette année. La production moyenne est tombée à 9 l/jour au plus bas. Le retour au pâturage a permis de remonter à 12 l, à 48 de TB et 36,5 de TP. Sur le plan sanitaire, les vaches se sont bien comportées. Les vaches confirmées pleines ne sont pas revenues en chaleurs.
Baptiste est satisfait d’avoir passé cet été hors normes dans ces conditions. Cependant, il reconnaît qu’une succession d’années de ce type lui poserait problème pour constituer les stocks dont il a besoin en hiver. Mais l’idée de revenir au maïs ne l’effleure pas. « Le potentiel de rendement du maïs ici est de 8 à 12 t de MS/ha en bio. Les prairies peuvent fournir autant. Sur une rotation prairie-maïs-prairie, la production fourragère en trois ans est moindre qu’avec de l’herbe. » De plus, ce système herbager se révèle bien moins sensible aux à-coups de l’inflation. Il est plus sécurisant car l’herbe peut être pâturée en plat unique dès qu’elle repart.
Dans les mois qui viennent et jusqu’à la mise à l’herbe, Baptiste réservera ses stocks d’enrubannés aux vaches en production. Les autres animaux auront du foin. Il réalise la moitié de son chiffre d’affaires annuel sur les trois premiers mois de lactation au printemps. Il doit donc disposer d’un fourrage de qualité à ce moment-là et notamment de stocks, au cas où la pousse ne soit pas suffisante.
Cette conduite a permis de tenir mais les conséquences économiques ne sont pas négligeables. Les recettes de vente de lait vont baisser d’environ 40 000 € du fait du recul de la production et les achats de fourrages ont coûté 5 000 €. Par ailleurs, dans les prairies prévues pour faire du bale-grazing, le stock sur pied est moins important que d’habitude. Cet hiver, l’éleveur devra donc distribuer davantage de fourrages et garder plus d’animaux au bâtiment. Les besoins en carburant vont donc augmenter.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :