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Conduite Le pâturage d’hiver de mieux en mieux connu

Tom Duperret. Responsable de l’essai sur le pâturage hivernal, Tom Duperret constate début mai que les prairies concernées ne semblent pas affectées. p.le cann

Expérimentation. Le pâturage des génisses en hiver permet de bonnes croissances et ne semble pas pénaliser la pousse au printemps. Ces résultats, mesurés à la ferme expérimentale de Trévarez (Finistère), devront être confirmés sur un deuxième hiver.

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Le réchauffement climatique promet de dégrader la production des prairies en été, mais avec des hivers plus doux et moins humides, une compensation pourrait s’opérer. Les projections d’évolution du climat montrent que l’arrêt de la croissance en hiver ne sera plus d’actualité à terme. Le démarrage de la végétation sera plus précoce au printemps.

Chargé d’études en fourrages à la chambre d’agriculture de Bretagne, Tom Duperret travaille sur une expérimentation qui vise à valoriser le décalage prévisible de la pousse de l’herbe. Sachant qu’aujourd’hui, le pâturage hivernal est freiné par le manque de portance des sols et des risques liés au piétinement. Cet essai s’inscrit dans le cadre du projet Cap Protéines du plan France Relance. Des travaux du même type sont conduits sur les fermes expérimentales de La Blanche Maison (Manche) et de Thorigné-d’Anjou (Maine-et-Loire).

Évaluer la valeur de l’herbe d’hiver

La qualité nutritive de cette herbe reste mal connue. « Nous voulons mesurer la valeur alimentaire de l’herbe pâturée en hiver, définir la meilleure manière de l’exploiter et connaître le comportement des prairies au printemps suivant », explique Tom Duperret. En pratique, durant l’hiver dernier, trois lots de six génisses holsteins issues de l’élevage conventionnel de la ferme expérimentale de Trévarez ont été constitués. Deux ont pâturé tandis que le troisième, servant de témoin, restait en bâtiment. La dimension de ces lots a été fixée sur la base d’essais réalisés précédemment. Il s’agissait de limiter le piétinement. Le groupe resté à l’étable était nourri avec de l’enrubanné.

Un autre lot de cinq génisses laitières croisées (holstein × jersiaise × normande) issues de l’élevage bio a également été conduit au pâturage durant la même période. L’objectif était d’acquérir des références afin de définir un protocole d’essai avec des vaches l’hiver prochain.

Les prairies de Trévarez sont constituées en majorité d’un mélange RGA-TB, avec une part variable de légumineuses. L’hiver 2021-2022 a offert de bonnes conditions pour le pâturage puisque la pluviométrie s’est limitée à 543 mm d’octobre à mars contre 795 mm en moyenne. Ceci représente une baisse de 30 %. Il n’y a pas eu de gel durant l’essai.

Pâturage en plat unique de novembre à janvier

Les prairies concernées sont entourées de haies qui constituent des abris pour les animaux. Des parcelles de repli ont été prévues pour accueillir les génisses à l’extérieur en cas de très mauvaise météo. Elles devaient porter du maïs au printemps suivant. Elles n’ont pas été nécessaires. L’essai a démarré au moment prévu pour la rentrée en étable, après un automne passé en pâture pour tous les animaux. Les génisses ont consommé de l’herbe en plat unique de novembre à janvier. Les deux troupeaux de Trévarez sont conduits en vêlage groupé au printemps ou à l’automne avec une première mise bas à 24 mois. Les génisses concernées par l’essai étaient âgées de 18-19 mois et devaient vêler au printemps suivant. « Nous visions un GMQ de 800 g en conventionnel­ et 700 en bio », précise Tom Duperret. En bio, il s’agissait aussi de génisses gestantes devant vêler au printemps suivant, âgées en moyenne de 20 mois.

Des paddocks de 1 ha ont été constitués pour l’hiver, 9 pour les génisses conventionnelles et 4 pour les bios. Il était prévu de changer de parcelle quand la portance devenait insuffisante ou quand toute l’herbe avait été consommée. « On a visé une hauteur d’herbe de 4 cm en sortie », précise Tom Duperret. En moyenne, les génisses ont passé dix jours sur chaque paddock et n’y ont pâturé qu’une fois. Toutes les prairies ont ainsi disposé d’un repos hivernal de deux mois. Au total, les génisses issues du troupeau conventionnel ont valorisé 10,5 t de MS d’herbe pâturée, soit 9,1 kg/animal/j et 0,47 t de MS/ha. De novembre à février, la pousse moyenne était de 10 kg de MS/ha/j. En bio, les génisses ont consommé 2 t de MS d’herbe pâturée, soit 7,2 kg/génisse/j et une valorisation moyenne de 0,52 t de MS/ha.

Il n’y a pas eu d’impact visible du pâturage d’hiver sur l’équilibre entre graminées et légumineuses, ni sur la part de sol nu. Les légumineuses régressent un peu en hiver, mais reviennent au printemps. Les obser­vations révèlent que l’herbe pâturée était de bonne qualité, feuillue et jeune, souffrant peu de sénescence. Les mesures confirment sa bonne valeur alimentaire.

En conventionnel, le taux de MS s’élève à 13 % avec une teneur en MAT à 21 et un taux de cellulose brute à 26 %. Ces données s’établissent en bio respectivement à 15 %, 20 % et 24 %. Les croissances des animaux dépassent l’objectif avec une moyenne de 963 g/j en conventionnel et 663 en bio. Il n’y a pas de différence sur ce point avec les animaux conduits en bâtiment. L’état sanitaire n’a pas été pénalisé. Les vachers ont remarqué que les génisses au pâturage étaient visiblement en pleine forme. Les températures de l’hiver dernier correspondaient bien à l’optimum de confort des bovins. Il n’y a pas eu de problèmes particuliers quand ces génisses ont vêlé.

Un bilan favorable sur le plan de l’économie et du travail

Au printemps, les parcelles sont entrées dans le cycle de pâturage des vaches laitières. La composition botanique des prairies n‘a pas été impactée par le pâturage hivernal. Les données recueillies sur la pousse restent à analyser.

Le bilan semble donc avantageux. En outre, le pâturage hivernal permet de supprimer les tâches de paillage et de distribution de la ration. Il réduit les besoins en stocks de fourrages et en achats d’aliments, d’où un bilan économique également favorable. Des résultats comparables ont été observés sur les fermes de La Blan­che Maison et de Thorigné- d’Anjou (voir l’encadré ci-contre).

Les conditions climatiques très favorables influencent bien évidemment ces résultats. D’où la nécessité de poursuivre ces essais. À Trévarez, le protocole sera identique l’hiver prochain pour les génisses issues du troupeau conventionnel. En bio, ce sont des vaches en production qui iront pâturer.

Pascale Le Cann

© p.le cann - q Abris. Les haies des prairies de Trévarez sont utiles aux génisses pour s’abriter en cas de mauvais temps. p.le cann

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