Des légumineuses secondaires pour améliorer les rendements
Des essais en Rhône-Alpes montrent l’intérêt d’ajouter des légumineuses de grande taille au semis pour augmenter les rendements en fauche de la prairie temporaire.
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En région Rhône-Alpes, la recherche de mélanges prairiaux adaptés au réchauffement et à la variabilité climatiques a abouti, dès 1998, à la création du mélange multi-espèce, le Saint-Marcellin, dédié aux éleveurs de la zone AOP éponyme. La composition de ce mélange complexe (cinq espèces, sept variétés), élaboré par Jean-Pierre Manteaux (1), avait alors consisté à faire évoluer le traditionnel mélange à trois des zones séchantes de Loire-Atlantique : fétuque élevée à feuilles souples, ray-grass anglais, trèfle blanc. L’idée était de remplacer une part du RGA par du dactyle et du lotier.
La réussite de ce mélange repose sur le bon équilibre trouvé entre le dactyle et la fétuque élevée. Deux graminées intégrées pour leur tolérance à la sécheresse : « Pour la dose de semis en kilos par hectare, nous avons retenu une formule qui comprend deux tiers de fétuque pour un tiers de dactyle, car ce dernier a un poids de mille grains bien plus faible, explique le conseiller. Ce dosage permet ainsi d’avoir la même proportion de chaque espèce à la levée. »
Sur le terrain, le Saint-Marcellin a désormais fait ses preuves. Commercialisé par Barenbrug, il bénéficie du label France Prairie garantissant la qualité des semences et la bonne complémentarité entre les espèces.
Une pérennité de dix ans au pâturage
Au pâturage, le Saint-Marcellin affiche une pérennité qui peut aller jusqu’à dix ans. « C’est un mélange passe-partout, utilisé aussi bien pour les bovins en pâture que pour la fauche, en culture sèche ou irriguée. En situation d’essais, sa résistance à des épisodes de sécheresse très marqués au printemps 2009 ou en été 2011 lui a permis de repartir après le retour des pluies avec un taux de couverture du sol de 90 %, là où d’autres mélanges ont laissé de larges trous dans la végétation propices à être colonisés par des espèces indésirables. À titre de comparaison, le mélange suisse 431 (RGA, dactyle, TB, fétuque rouge et pâturin) présentait un taux de couverture de 50 % seulement après la deuxième sécheresse. Ensuite, la fétuque rouge s’est fortement développée dans ces espaces libres. Cela a permis de contenir le salissement de la parcelle, mais avec une espèce d’accompagnement de moindre qualité nutritive. »
Pour renforcer les rendements en fauche du Saint-Marcellin, des tests intégrant de la luzerne, du sainfoin ou du trèfle violet ont été mis en œuvre entre 2007 et 2012.
•Multiluzerne : 20 kg/ha de Saint-Marcellin et 10 kg de luzerne en sol sain. Un chaulage régulier est nécessaire lorsque le pH est inférieur à 6. Au lycée agricole du Valentin (Drôme), la luzerne valorise l’irrigation estivale.
•Multisainfoin : 20 kg/ha de Saint-Marcellin et 40 kg de sainfoin en terrain calcaire et séchant non irrigué. Le sainfoin est riche en tanins, stimule le démarrage en première année, est plus sociable en mélange et résiste mieux au sec que la luzerne, et surtout à des coups de gel tardifs au printemps. Cette espèce est très bien adaptée dans le Sud-Est et mérite d’être réhabilitée.
•Multitrèfle violet : 20 kg/ha de Saint-Marcellin et 4 kg de trèfle violet dans des sols plus humides ou à pH bas. Le TV peut trouver sa place dans les sols granitiques. Il faudra choisir une variété résistante à l’oïdium.
« Les résultats de fauche ont montré que l’intégration des grandes légumineuses améliorait la productivité de 3 à 4 t de MS/ha/an du mélange initial, avec des gains notamment sur les repousses de fin de printemps et d’été, indique Jean-Pierre Manteaux. Par ailleurs, la comparaison entre conduite bio (12 t/ha de fumier de compost bovin) et conventionnelle (fertilisation minérale : 40-40-80 unités NPK/ha/an) confirme, s’il le fallait, tout l’intérêt de cultiver des légumineuses pour l’autonomie : la productivité de la prairie est comparable, voire supérieure avec la conduite bio par rapport à la conduite conventionnelle. » Dans la pratique, le conseiller recommande donc zéro apport d’azote minéral dans ce type de prairie, même fauchée. Le compost doit apporter les éléments P et K nécessaires au développement des légumineuses.
Enrichir la base en fonction du sol
En fonction de son milieu et de ses attentes, chacun peut enrichir la base Saint-Marcellin. Ainsi, un mélange spécial montagne ou multimontagne : 20 kg de Saint-Marcellin, 2 kg/ha de fléole, 5 kg de luzerne et 2 kg de trèfle violet. « La prairie naturelle compte plus de 70 espèces. Ce n’est donc pas un problème d’en introduire plus de six dans un mélange, dès lors que les mieux adaptées laissent la place aux autres. Tout se joue au niveau de la dose de semis, avec une règle à observer : plus une espèce est adaptée à un milieu, plus il faut baisser sa proportion dans le mélange. »
Par exemple, un premier essai incorporant 1,5 kg/ha de chicorée fourragère pour le pâturage au lycée agricole du Valentin a vu cette espèce très agressive et résistante au sec prendre trop de place dans la prairie. La chicorée s’est néanmoins révélée appétente, productive et lactogène. L’essai a donc été reconduit, mais avec seulement 500 g de semences par hectare, en complément de la prairie multi-espèce du Valentin.
Une présentation au salon Tech & Bio
Les résultats obtenus dans le cadre d’une conduite en pâturage tournant sur les petites parcelles du Valentin seront présentés à l’occasion du salon Tech & Bio, qui se déroulera les 20 et 21 septembre, au lycée agricole. Le PEP bovins lait Rhône-Alpes proposera également, à l’occasion de ces deux journées, une visite de l’expérimentation portant sur les nouvelles légumineuses annuelles et pérennes, et sur l’intérêt de mélanger différentes variétés de luzerne.
Jérôme Pezon(1) Conseiller fourrage de la chambre d’agriculture de la Drôme, référent prairie du PEP bovins lait Rhône-Alpes : programme de développement financé par la Région.
Un rendement de 1 à 4 selon le contexte | ||||||
Confrançon (Ain) plaine calcaire | Poisy(Haute-Savoie) 500 m,sols richeset calcaires | La Motte-Servolex (Savoie) 500 m,sols calcaires | La Chapelle-en-Vercors (Drôme) 900 m, sols calcaires séchants l’été | Brussieu(monts du Lyonnais) 600 m, sols acides chaulés | Mévouillon(sud Drôme) 800 m, montagne sèche peu fertilisée | |
Parcelle témoin (dactyle,fétuque élevée, trèfle violet) | 12,6 | 9,9 | 6,9 | 7,8 | 9,4 | 5,1 |
Multiluzerne (1) | 16,5 | 18,5 | 9,9 | 7,7 | 9 | 4,1 |
Multiluzerne du Valentin (2) | 16,1 | 19 | 10,3 | 8,5 | 9,2 | 6,3 |
Multiluzerne + trèfle violet | 13,9 | 20,2 | 10 | 7,4 | 10 | 4 |
Multiluzerne + sainfoin | 16,5 | 18,8 | 9,6 | 6,9 | 7,2 | 4,6 |
Multiluzerne + trèfle hybride | 14,8 | 15,3 | 9,1 | 7 | 7,5 | 4,1 |
Multiluzerne + fléole + TV + TH | 17,9 | 19 | 9,6 | 7,8 | 6,3 | 6 |
Mélange suisse 431 | 12,4 | 13,3 | 9 | 6,6 | 6,5 | 4,4 |
Moyenne du site | 15,1 | 16,7 | 9,3 | 7,5 | 8,1 | 4,8 |
Résultats 2012 en kg/MS du réseau prairies multi-espèces Rhône-Alpes (PEP bovins lait). (1) Multiluzerne = 23 kg/ha de mélange Saint-Marcellin et 10 kg de luzerne. (2) Mélange du lycée agricole du Valentin : 20 kg de Saint-Marcellin, 8 kg de luzerne, 20 kg de sainfoin et 2 kg de trèfle violet. |
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