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Méteils. Objectif : plus de 15 % de MAT grâce aux récoltes précoces

Les mélanges de protéagineux ensilés. Intégrés dans la rotation avant une prairie, les mélanges protéagineux ensilés apportent un fourrage riche en MAT et en énergie. Leur utilisation en dérobé, semé à l’automne avant un maïs, dépend du ­contexte climatique.

Les méteils permettent de valoriser des intercultures riches en MAT, à condition de miser sur le protéagineux et des récoltes précoces. Une pratique difficile en zone froide.

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Ensiler des associations de céréales + protéagineux fait-il partie des leviers d’accès à l’autonomie protéique ? La question fait débat. L’Institut de l’élevage y répond par la négative. « Dans le programme de recherche 4AGEPROD de Bretagne-Pays de la Loire sur l’autonomie protéique, nous avons exclu cette possibilité dans l’alimentation des vaches laitières, indique Benoît Rouillé, d’Idele. La développer passe par des fourrages récoltés à plus de 15 % de MAT/kg de MS. Or, en Bretagne-Pays de la Loire, les ensilages récoltés en fermes expérimentales ces dernières années n’ont pas atteint cet objectif. » Benoît Rouillé estime difficile le compromis entre teneur en MAT et rendements élevés. « Un rendement élevé se fait au détriment de la richesse en MAT, et inversement. » Pour lui, les ensilages précoces d’associations de graminées + légumineuses sont plus pertinents, ou encore les ensilages ou l’enrubannage de légumineuse telle que la luzerne.

En Normandie, le regard sur les mélanges de céréales et protéagineux est moins sévère. Il s’appuie sur les 150 parcelles suivies de 2014 à 2017 par les chambres d’agriculture.

Partageant l’analyse d’Idele sur le délicat équilibre entre MAT et rendement, elles suggèrent aux éleveurs de s’interroger sur leurs objectifs : plus de protéines ou plus de fourrages ? Le second renvoie à des ensilages réalisés courant juin pour des rendements de 7 à 13 t de MS/ha et 8 à 13 % de MAT. Un tel fourrage déconcentre en protéines la ration… ce qui n’est pas le but visé.

Céréales et protéagineux  : en dérobés du maïs

Le contrat sera mieux rempli avec une association de céréales + protéagineux récoltés en mai. Les résultats normands donnent une MAT moyenne de 16,5 % et 4 à 6 t de MS/ha. « C’est l’équivalent de 2 à 3 tonnes de tourteau de colza par hectare de méteil », estime David Delbecque, de la chambre d’agriculture du Calvados. Autre chiffre parlant : une économie théorique de 1,5 kg de tourteau de colza pour 5 kg de MS de méteil distribué à 15 % de MAT. « L’association trouve sa place comme interculture entre deux maïs, ou entre un blé et un maïs.Dans les zones vulnérables où la couverture des sols est obligatoire en hiver, elle est une alternative intéressante au ray-grass d’Italie qui pompe l’eau du sol et pénalise le démarrage du maïs. » Elle sera particulièrement cohérente dans les structures intensives au maïs-ensilage au-dessus de 15 tonnes de matière sèche par hectare.

Il faut tout de même éviter les terres froides et humides, qui peuvent être réservées au ray-grass d’Italie, et celles avec cailloux pour parer aux problèmes à la récolte. Il la conseille en zone précoce pour libérer la parcelle avant le 10 mai et implanter le maïs à des dates encore favorables. Le maïs choisi sera à indice très précoce : de 140 à 220 selon sa date de semis et la région. Encore faut-il réussir ces ensilages dont le coût en semences est élevé : 200 à 240 €/ha si elles sont certifiées. Des producteurs le réduisent de moitié en achetant en groupe des semences fermières dans le Sud-Ouest. La réussite d’un tel fourrage repose sur un facteur chance : la météo. Trois jours de beau temps sont nécessaires au ressuyage. Chaque semaine qui passe, on perd 0,5 % de MAT.

Un semis à 90 % de protéagineux

Les chambres d’agriculture de Normandie ont identifié les céréales et protéagineux propices à une telle démarche, leur part dans la dose semée, et surtout les variétés adaptées à une récolte avant la mi-mai.

« Les protéagineux doivent être majoritaires pour sécuriser la MAT : 85 à 90 % de la dose semée, indique David Delbecque. Il faut privilégier les variétés les plus précoces à la floraison. » La féverole a une place centrale. Elle est semée à un minimum de 70 kg/ha si elle est associée à deux autres protéagineux (pois fourrager, ou protéagineux et vesce). Monter à 100 kg avec un seul (pois protéagineux).

Côté céréales, les chambres d’agriculture de Normandie en conseillent une seule dans le mélange, le triticale ou l’avoine. Le premier pour sa rusticité et son rôle de tuteur, la seconde pour sa couverture du sol et sa richesse en protéines plus élevée que le triticale. À l’inverse des protéagineux, il est recommandé des variétés d’avoine ou de triticale à épiaison tardive « plus riches en protéines ». Les doses et variétés conseillées sont disponibles sur le site de la chambre du Calvados (rubrique « culture », puis « légumineuses fourragères », puis « méteils normands »).

Protéagineux ensilés : un bon compromis entre MAT et UFL

La recherche d’un fourrage riche en azote aboutit à se pencher sur un mélange 100 % protéagineux associant féverole et pois. La féverole assure le rôle de tuteur du pois protéagineux, choisi pour sa plus grande résistance au froid et sa plus grande teneur en protéines que le pois fourrager.

Les chambres d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais et de Normandie ont testé ce mélange selon deux modalités : semis d’automne ou de printemps. Dans les deux cas, il a été récolté au stade laiteux-pâteux du pois, avec des rendements de 7 à 10,5 t de MS/ha.

L’ensilage affiche un bon compromis entre UF et MAT : selon les années entre 0,84 et 0,9 UFL et 14,5 à 18,5 % de MAT. L’incorporation de 4 kg de MS autorise une économie de 0,8 à 1 kg de correcteur.

« Ce produit est aussi intéressant pour sa fibrosité et sa richesse en minéraux, souligne Alexandre Carlu, de la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Il se rapproche d’une luzerne. Mais avec plus d’UF, il ne déconcentre pas la ration en énergie. » L’encombrement et la digestibilité (0,65 à 0,71 %) appellent néanmoins à limiter les quantités pour les VHP, analyse Pascal Rougier, de Littoral Normand : « Dès lors, la réflexion doit porter sur une récolte plus précoce, au cours de la ­deuxième quinzaine de mai, au stade floraison. L’ensilage tend ainsi vers 20 % de MAT, mais avec des rendements de 4 à 6 tonnes. »

Le semis d’automne après un maïs : ce mélange a l’intérêt de couvrir le sol l’hiver. La féverole étant sensible au froid, le semis se fait en deux temps (voir encadré). C’est un excellent précédent d’une prairie. L’utilisation en dérobé avant un maïs dépend du contexte pédoclimatique : « Les protéagineux ont besoin de chaleur, rappelle Thierry Jeulin, de la chambre d’agriculture de l’Orne. Au plus tôt, la récolte interviendra le 25 avril. Cela compromet l’objectif d’un semis de maïs la première quinzaine de mai. On pourra miser sur des variétés très précoces (indice 140 à 200). Une pratique difficile à envisager en zone tardive. »

Le semis de printemps : pour sécuriser la levée en terres froides et humides, la chambre du Nord-Pas-de-Calais privilégie les semis de printemps. Ainsi, en 2015, les conditions météo ont permis d’obtenir 10,5 t de MS au stade laiteux-pâteux, à 0,84 UFL et 17,2 % MAT. « Mais en 2017, le printemps sec a pénalisé les rendements des récoltes précoces à 4-5 t de MS, observe Alexandre Carlu. Cela limite l’intérêt du mélange, compte tenu du prix des semences. » En revanche, il s’agit d’unprécédent de premier choix avant une prairie semée l’été ou sous couvert. En bio, une pratique consiste à semer la prairie deux jours après le mélange avec une herse étrille et un semoir Delimbe ou classique à 1 cm de profondeur. « La croissance exponentielle des protéagineux laisse la place à la prairie de se développer. Mais il faudra récolter le mélange plus tôt, au stade floraison, pour ne pas étouffer la jeune prairie. »

Claire Hue et Jérôme Pezon

© Christian Watier - Agronomie. L’amélioration de la structure du sol, la maîtrise du salissement et les reliquats azotés (40 u/ha) font du mélange de protéagineux un précédent idéal de la prairie.

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