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jérôme pavie « Pour résister aux crises, les systèmes herbagers productifs sont l’avenir »

Selon Jérôme Pavie, les systèmes herbagers productifs ne remettent pas en cause la façon de produire le lait en France, mais placent l’herbe et le pâturage au cœur de l’optimisation économique, et rendent moins dépendant des intrants.

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Quelle leçon faut-il tirer des deux années de crise ?

Jérôme Pavie : Les systèmes de production français supportent mal une baisse du prix du lait de 50 €/1 000 l et plus. Sous les 300 €, ils ne permettent pas la rémunération du travail. Grâce au développement des exploitations, la filière laitière espérait une résistance plus forte. Mais cette évolution s’accompagne généralement d’investissements et d’une plus grande consommation d’intrants. S’il y a des économies d’échelle, elles ne sont pas suffisantes pour faire face à la volatilité des prix. Il faut s’interroger sur la pertinence de ces systèmes de production.

Quel est le système fourrager idéal qui combine production et robustesse ?

J .P. : Les systèmes herbagers autonomes, pâturants, montrent depuis des années leur intérêt économique. Peu consommateurs d’intrants, ils sont plus résistants en termes de trésorerie. Seulement, ils sont peu attractifs pour la majorité des producteurs. Extensifs, ils privilégient l’efficience économique à l’efficience technique. Or, c’est dans cette dernière que se reconnaissent davantage les producteurs formés à la technicité. En revanche, ils peuvent être tentés par une forte productivité de la main-d’œuvre avec beaucoup de lait à l’UTH, ce qui implique de l’automatisation, de la délégation pour faire face à la charge de travail, avec le risque de la fuite en avant. Entre ces deux extrêmes, il y a la place pour une solution intermédiaire. Je suis persuadé que les systèmes herbagers productifs sont la bonne alternative. Ils offrent une voie intensive à la surface et à l’animal. D’ailleurs, sous l’impact de la crise, des éleveurs redécouvrent l’intérêt des prairies au travers d’une réflexion sur la réduction de leurs achats d’intrants.

En quoi les systèmes herbagers peuvent-ils être plus productifs que ceux que l’on connaît aujourd’hui ?

J.P. : Il ne faut pas se faire d’illusion. Les surfaces en herbe continueront de baisser. Les prairies qui vont rester doivent être productives et à haute valeur protéique. De tels systèmes herbagers passent par des compositions floristiques riches en légumineuses et à rendement élevé. Il faut rentrer dans une logique de culture de l’herbe, en prairies temporaires et permanentes, pour des niveaux par vache élevés. Cela suppose leur affecter des objectifs. Par exemple, plutôt qu’un pâturage parking de 15 ares par vache, pourquoi ne pas envisager un pâturage au fil d’une prairie temporaire ? Les connaissances acquises sur les légumineuses, les prairies multi-espèces et l’entretien des prairies permanentes aideront à les définir. Ces systèmes seront compétitifs si le pâturage y a une large place. Il réduit le coût alimentaire et limite les achats d’intrants.

Que dites-vous aux éleveurs pour qui le pâturage ne sécurise pas la production ?

J.P.  : C’est vrai que la part de fourrages stockés dans l’alimentation des vaches augmente d’année en année. L’accès au pâturage ne suit pas de façon équivalente l’agrandissement des troupeaux. De plus, la difficulté de gérer au quotidien la variabilité des parcelles ne rassure pas les producteurs. Si l’Institut de l’élevage peut seulement leur recommander des échanges de parcelles entre voisins, il lui revient en revanche la responsabilité d’élaborer des outils d’aide à une gestion plus facile du pâturage. C’est ce qu’il fait.

Les applications smartphone aideront-elles à une meilleure gestion des prairies ?

J .P. : C’est notre objectif. L’Institut de l’élevage va mettre en vente ce printemps une première application pour piloter le pâturage en instantané. À partir d’un herbomètre connecté à une base de calcul, une succession de parcelles à pâturer sera proposée à l’utilisateur. L’idée, à terme, est de se passer de l’herbomètre et d’utiliser l’image satellitaire. Un bouquet d’applications sur smartphone pour gérer l’ensemble des prairies de la ferme est parallèlement en préparation. Son lancement est espéré en 2018, en collaboration avec AgroSup Montpellier et des entreprises. Le producteur pourra définir le taux de légumineuses de sa prairie, être conseillé sur le semis d’une prairie multi-espèces, etc.

Propos recueillis par Claire Hue

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