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[Interview] Lait bio L. Guines : « Le revenu est supérieur à ce que nous faisions en conventionnel »

Éleveur laitier en Ille-et-Vilaine, Loïc Guines a échangé avec nous sur le plateau de la Space-TV sur la conversion de son exploitation à l’agriculture biologique, il y a trois ans.

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Vous pouvez regarder ci-dessous l'interview de Loïc Guines, réalisée au Space 2021 par Web-agri :

https://www.dailymotion.com/video/x91qxdc

Web-agri : Présentez-nous votre exploitation et la réflexion qui vous a mené à progressivement désintensifier la production et vous convertir en bio…

Loïc Guines : Je suis installé depuis 1989, j’étais en Gaec avec mes parents sur un système intensif. Nous avions à l’époque 80 hectares dont la moitié de terres très séchantes. Nous étions fragiles en quantité de fourrages et en rendements, avec une incidence sur le revenu et la trésorerie.

En 1996, je me suis rendu avec mon frère aux portes ouvertes de la ferme expérimentale des chambres d’agriculture de Trévarez (Finistère), où ils travaillaient les coûts alimentaires en production laitière pour arriver, à l’époque, à 30 centimes de francs le litre. Nous avons été assez persuadés de ce que nous avons vu, même si ce n’était ni les mêmes terres ni le même climat.

Notre système ne pouvait plus durer : nous devions l’ adapter à la qualité de nos terres. Nous avons donc entrepris de désintensifier, passant de 9 500 kg par vache à 7 500 kg, en donnant moins de concentrés.

Nous avons diminué la production de maïs, donné plus d’herbe, appris à cultiver de l’herbe, de la luzerne et des trèfles violets. Nous sommes progressivement arrivés à une désintensification complète de notre système fourrager. Et nous nous sommes rendu compte que nous étions au bord du cahier des charges de l’agriculture bio, sans en avoir la rémunération. Nous avons alors décidé de sauter le pas.

Web-agri : En termes économiques, qu’a changé pour vous cette conversion ?

Loïc Guines : Même si le recul n’est pas lointain (3 ans, NDLR), le retour est plutôt positif. Sans plus d’aides, le revenu semble supérieur à ce que nous faisions en conventionnel, or nous avions plutôt de bons résultats. Pour le moment, nous vendons le litre de lait nettement plus cher qu’en agriculture conventionnelle. Nous investissons moins dans le blé et le maïs, nous arrivons à ne pas utiliser de protéines du tout.

Encouragés par les conseils de collègues des chambres d’agriculture qui ont expérimenté avant nous, nous avons choisi de grouper les vêlages en fin d’hiver/début de printemps, de les conditionner à la pousse de l’herbe de façon à ne pas avoir besoin d’acheter de protéines.

Il y a l’entreprise, les emprunts à rembourser et diverses charges, mais vendre du lait sans achat extérieur nous permet d’atteindre un coût alimentaire très faible : autour de 30-35 euros la tonne.

Il faut tout de même faire très attention. En agriculture biologique, surtout en terres fragiles, peu productives, séchantes, on travaille avec peu de stock et donc sans filet de sécurité. Les mois de mars et avril 2021 ont été très secs. Si la situation avait continué, nous aurions sans doute dû nous séparer de 30 vaches laitières, soit 150 000 à 160 000 litres de lait en moins. À pratiquement 500 euros la tonne, le revenu en aurait terriblement souffert.

Web-Agri : En termes de travail, qu’est-ce qui a changé ?

Le travail est peut-être un peu plus intense pendant deux à trois mois sur les vêlages, puis il faut surveiller les animaux pour l’insémination et la reproduction. À partir de fin juin, il y a ensuite un travail d’astreinte normal jusqu’au 15 décembre.

Pour un étalement de la production, certains de mes collègues ont mis en place deux périodes de vêlages : février-mars et septembre-octobre. C’est faisable et ça n’est pas réservé qu’à l’agriculture biologique : pour attirer davantage de jeunes, nous devrions le vulgariser dans l’agriculture conventionnelle.

Autre sujet : le cahier des charges biologique nous impose d’alimenter pendant quatre mois nos femelles de renouvellement avec du lait entier, issu des vaches que l’on trait. Nous avons donc choisi de sortir des vaches laitières du troupeau, auxquelles on fait adopter trois femelles qui iront boire directement au pis de la vache et pâturer l’herbe. Et nos génisses vêlent entre 24 et 25 mois, sans un gramme de concentré.

En termes de travail, je dirais que notre activité depuis trois ans, ce n’est que du bonheur ! J’encourage les gens à y réfléchir.

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