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Une flambée de cellules après la mise à l’herbe

Traite. L'utilisation de lingettes imbibées d'alcool a révélé la présence de matière organique résiduelle au bout des trayons propice à la contamination des quartiers.

Face à une flambée de cellules consécutive à la mise à l’herbe, la détection puis l’analyse des mammites subcliniques valident le profil contagieux des infections, favorisées par les pratiques de traite.

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Ce cas clinique a été rencontré à l’occasion d’un audit cellule très poussé par la clinique de la Haute Auvergne, à Saint-Flour (Cantal). « Il permet d’illustrer comment le diagnostic du modèle épidémiologique va permettre de choisir les principales mesures correctives à mettre en œuvre pour stopper la dégradation de la situation », précise Olivier Salat, vétérinaire à la clinique de la Haute Auvergne. À l’occasion d’un passage à la clinique, courant septembre 2022, un éleveur de la clientèle fait part d’une dérive des concentrations cellulaires du tank de son troupeau depuis la mise à l’herbe, au mois de mai : de moins de 150 000 cellules en sortie d’hiver, à une moyenne de 300 000, avec un pic à plus de 350 000 au cours de l’été. Il s’agit d’un élevage de 80 vaches, essentiellement montbéliardes avec quelques simmentals, à 6 800 kg de lait. Cet élevage étant au contrôle laitier, les concentrations cellulaires individuelles sont disponibles.

Une traite propice à la circulation des germes

Au moment de la visite du praticien, mi- septembre, les vaches pâturent jour et nuit. Elles ne rentrent que pour la traite et pour ingérer une ration complémentaire de foin et de concentré. Le bâtiment est une stabulation à logettes et la salle de traite, une TPA 2 x 8 postes avec décrochage automatique. Les griffes sont munies du système Duovac qui modifie le rapport de pulsation au cours de la traite : au début, la phase de massage est plus longue et, au fur et à mesure, c’est la phase de succion qui devient prédominante. Le dernier contrôle de la machine à traire remonte à dix mois, sans anomalie. D’ailleurs, la santé de la peau et l’état des sphincters sont globalement très bons. Aucun trayon ne présente de congestion ou d’anneau de compression, ce qui autorise a priori à conclure au bon fonctionnement des installations de traite.

Pourtant, l’audit va d’abord pointer des modalités de traite à risque ayant un impact direct sur les infections mammaires par des germes contagieux (entre animaux) : utilisation de lavettes collectives, trois pour tout le troupeau dans un seau d’eau tiède savonneuse ; un nettoyage souvent insuffisant constaté, grâce à des compresses imbibées d’alcool, par la présence de matière organique résiduelle au bout des trayons – « c’est un élément très favorable à la contamination des quartiers par Streptococcus uberis » – ; des trayons humides avant le branchement, ce qui favorise la contamination des quartiers par des germes qui peuvent migrer plus facilement de la peau des trayons aux sphincters. Citons aussi l’absence d’ordre de traite ou de désinfection de la griffe entre chaque vache, là encore, favorables à la propagation de germes contagieux.

Des mammites subcliniques à staphylocoques

Concernant la réalisation de la traite, les trayeurs ne portent pas de gants. Dans de très rares cas, lorsque les mains des trayeurs présentent des lésions cutanées, cela peut également servir de vecteur aux germes. Le temps de branchement est rapide, entre quatre à cinq secondes, et précis (peu ou pas d’entrée d’air). Très peu de chutes de faisceaux sont observées et le débranchement se fait sans traction sur les trayons. Il y a en revanche un peu trop d’écart entre le temps de préparation et de branchement : de trente secondes à deux minutes quinze, selon la position de la vache sur le quai. Idéalement, la pose devrait avoir lieu entre soixante à quatre-vingt-dix secondes après la stimulation, deux minutes au maximum.

Un germe peut circuler dans un troupeau, sans que la réaction cellulaire de la mamelle ne permette d’identifier une vache contaminée. Parallèlement à ces observations, des tests CMT ont donc été pratiqués sur toutes les vaches dont le dernier comptage était supérieur à 200 000 cellules/ml. Résultat : sur onze vaches, dix avaient plus de deux quartiers infectés. Leur chance de guérison totale à la suite d’un traitement en cours de lactation était donc limitée. Toutes les vaches positives au CMT ont été prélevées pour analyse bactériologique à la clinique, selon la méthode simplifiée, appelée « Patho 12 ». Les germes principalement isolés étaient Staphylococcus aureus (SA) et Streptococcus uberis (SU). « Cela n’a rien exceptionnel, avec Streptococcus dysgalactiae, ce sont les pathogènes majeurs Gram positif les plus fréquemment isolés de mammites subcliniques. »

Désinfection. Le trempage ou la pulvérisation d'une solution désinfectante entre chaque est recommandé pour casser la dynamique de contagion. (© JP)

Des antibiogrammes ont été réalisés uniquement sur les SA, afin de préciser le profil d’antibiorésistance des souches isolées et déterminer leur sensibilité à la pénicilline. Ils révèlent que les cinq souches présentes ont un profil d’antibiorésistance rigoureusement identique. Une donnée confirmée par des analyses plus fines réalisées en laboratoire : une même souche de SA infecte plusieurs vaches. Coexiste, par ailleurs, chez les vaches infectées, une souche contagieuse de SU et d’autres d’origine environnementale.

Traitement systématique au tarissement

En matière d’importance des contaminations, c’est bien la souche de SA qui prédomine, l’archétype du pathogène contagieux. « Ce germe est souvent responsable d’infections subcliniques et chroniques. Au niveau des facteurs de risques, lorsque le post-trempage et le traitement systématique au tarissement sont mis en place, le port des gants durant la traite, un pré-trempage et un bon état des sphincters des trayons sont autant de pratiques associées à de faibles prévalences des infections mammaires à SA. Cependant, on l’isole régulièrement dans des élevages où aucun phénomène de contagion n’est constaté. Au-delà de la présence de facteurs de risque spécifiques, c’est bien la virulence de la souche qui est la principale responsable de la propagation de SA dans le troupeau. »

Désinfection des faisceaux entre chaque vache

Dans cet élevage, les deux mesures correctives, nécessaires à une amélioration de la situation, portent bien sûr sur la traite : désinfecter systématiquement avec un produit adapté les manchons trayeurs entre chaque vache et améliorer le nettoyage des trayons, soit en passant à des lavettes individuelles (ce qui implique leur lavage, c’est-à-dire la disposition d’une machine à laver dans la laiterie), soit le pré-trempage. Cette dernière option semble moins adaptée dans un contexte où la propreté des mamelles est perfectible. À plus long terme, la tonte ou l’épilation des mamelles contribuerait à améliorer leur propreté.

Compte tenu du nombre de quartiers infectés et du profil d’antibiorésistance, très peu de vaches atteintes de mammites subcliniques feront finalement l’objet d’un traitement antibiotique en lactation. La plupart des vaches infectées ayant fait l’objet d’un tarissement anticipé, la situation s’est ainsi rapidement améliorée.

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