La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands
Du chemin reste à faire pour éradiquer la tuberculose bovine dans le Calvados mais le GDS départemental y croit. C’est le message qu’il a délivré lors de sa journée, inédite, du 9 septembre. La nécessité d’un plus grand soutien des éleveurs qui subissent les abattages d’animaux s’impose.
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Le mardi 9 septembre à Falaise, le groupement de défense sanitaire (GDS) du Calvados a mis un gros coup de projecteur sur la tuberculose bovine, qui « empoisonne » la vie des éleveurs du département et de ceux de l’Orne depuis une petite dizaine d’années. Scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), pouvoirs publics, laiteries, vétérinaires, fédérations des GDS et des chasseurs 14 et chambre d’agriculture du Calvados étaient invités à faire le point de la maladie dans les deux départements et surtout donner des perspectives. Le Calvados enregistre 28 cas depuis 2018.
Un foyer en 2025
En 2025, les deux départements ont déclaré, pour l‘instant, chacun un foyer, le Calvadosien étant un petit troupeau de 7 bovins. Sur le territoire français, ce sont 80 cas qui ont été à ce jour détectés cette année. « La tuberculose bovine est une zoonose », rappelle Fabrice Chevalier, en charge de ce dossier à la Direction générale de l’alimentation. « Toute la réglementation est construite pour qu’elle ne passe pas à l’homme. » Dans ce but, l’Union européenne impose aux Etats-membres sa surveillance et son éradication. Les efforts de lutte sont reconnus par un statut « indemne de tuberculose bovine » du pays. « La France a moins de 0,1 % de son cheptel infecté. Elle bénéficie de ce statut depuis 1974 », indique-t-il. Et elle entend bien le conserver pour la commercialisation des produits laitiers et des animaux. « Isigny Sainte-Mère exporte 90 % de ses poudres infantiles sur le grand export. Il n’est pas envisageable que la France perdre ce statut », déclare Sophie Renouf, responsable qualité de la coopérative.
Isigny : 1 €/1 000 l de soutien prélevé durant trois mois
Isigny ne détruit pas le lait collecté dans les exploitations sous arrêté préfectoral de mise sous surveillance (APMS), dans lesquelles la présence de la maladie est suspectée. Il est collecté, pasteurisé et transformé à part. Le beurre est vendu en France. Le lait écrémé est destiné à la poudre de lait animale. Les producteurs concernés perçoivent le même prix du lait que les autres adhérents. En février, mars et avril 2025, ces derniers ont versé 1 €/1 000 l pour participer à l’effort de prise en charge du lait d’un élevage ornais en abattage sélectif. La résurgence de la tuberculose a conduit à son abattage total. « Le lait pasteurisé ne présente pas de danger pour la santé humaine », affirme Fabrice Chevalier.
Élevages sous APMS : le lait n’est pas sous-payé
Le groupe Lactalis paie également les éleveurs sous APMS au même prix que les autres livreurs. À la différence de la coop, le lait est détruit. « Les certificats d’exportation en dehors de l’Union européenne exigent le statut "indemne" à l’échelle du troupeau », explique Erwan Lozevis, directeur qualité de Lactalis France. « Les coproduits du lait voyagent entre nos différents sites, ce qui rend compliquée la traçabilité. Enfin, nous sommes très attentifs au bad buzz à partir de salariés qui, par exemple, travaillent temporairement dans nos sites. » Les zones de prophylaxies renforcées de l’Orne et du Calvados sont également au cœur de la zone AOP camembert de Normandie, au lait cru. Erwan Lozevis estime entre 1,2 et 1,3 Ml le lait bas-normand collecté et détruit depuis le début de l’année.
Prophylaxie forcée dans un élevage
La reprise de la prophylaxie à l’automne met de nouveau les éleveurs du Calvados et de l’Orne sous pression. C’est la huitième campagne qu’ils vivent sur un large périmètre. La fatigue s’installe. « Quand la tuberculose bovine sera-t-elle éradiquée ? », lance un éleveur présent à la journée du GDS.
L’assainissement bute sur la complexité de la maladie et les tests qui ne sont pas encore suffisamment fiables. « Les conditions sont réunies dans le Calvados pour arriver à éradiquer la maladie, mais c’est un travail qui se fera encore durant quatre à cinq ans, voire dix ans, avec une surveillance ensuite quand il n’y aura plus de cas », répond Jonathan Lenourichel, président du GDS 14. La coordination de la lutte entre les deux départements mise en place en 2023 sous l’égide des préfets, avec des comités de pilotage tous les deux à quatre mois, la réduction du temps de surveillance grâce au dépistage par les interférons gamma, la formation des vétérinaires pour réaliser correctement les tests, le dépistage sur les blaireaux et les cervidés par la fédération des chasseurs, etc., illustrent la mobilisation des deux départements. Et les pouvoirs publics se sont enfin décidés à forcer les éleveurs récalcitrants à réaliser la prophylaxie. Du 25 août au 4 septembre, 300 bovins ont été attrapés dans un élevage calvadosien pour réaliser les prophylaxies obligatoires, dont la « tub ».
Soutenir davantage les éleveurs touchés
« Les éleveurs dont les animaux sont abattus protègent l’ensemble de l’élevage français. Il nous revient de grandement les soutenir en les indemnisant correctement et sans qu’ils soient pénalisés fiscalement [NDLR : les indemnités sous soumises à imposition] », insiste de son côté Pascal Martens, vice-président de GDS France. C’est ce que demande, entre autres, le collectif d’éleveurs qui s’est créé cet hiver dans le Calvados. « Rien ne bouge sur la partie fiscale, c’est scandaleux », s’insurge Jocelyn Bertrand, un des leaders.
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