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Rétention placentaire, une maladie alimentaire et immunitaire

La rétention placentaire est une maladie métabolique car liée à l'immunité de la vache.

La rétention placentaire est une maladie liée à la période de tarissement et non du post-partum, même si elle s’exprime après le vêlage. Elle est aussi un signe clinique de la bonne santé du troupeau. Le pourcentage de vêlages se compliquant d’une rétention est donc d’un indicateur à regarder de près.

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« Une rétention placentaire, constatée par nature dans les heures qui suivent le vêlage, est une affection en réalité non pas du post-partum, mais de la période du tarissement », affiche sans détour, Sylvie Chastant vétérinaire et enseignante à l’Env de Maisons-Alfort et Olivier Salat, vétérinaire à la clinique de Haute-Auvergne (Cantal). Dans une publication pour le congrès du Syndicat national des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), ils reviennent sur cette question de rétention placentaire, signe finalement « de la santé globale du troupeau ». En effet, « l’incidence des rétentions placentaires à l’échelle d’un troupeau (hors maladies infectieuses) est un marqueur de l’immunité des vaches et de la gestion du tarissement », relèvent-ils. Cette rétention est le reflet « de l’impact global du déficit énergétique de fin de gestation et du stress oxydant sur le système immunitaire, en lien avec la régulation de l’inflammation ». Autrement dit, la rétention placentaire est liée au non-déclenchement du processus de rejet immunitaire du veau et du placenta par la mère.

Le foetus, un corps étranger mais…

Le foetus est un corps étranger pour la mère, puisqu'il est porteur de gènes paternels. Il n’est pas rejeté par le système immunitaire car, pendant les six à sept premiers mois de gestation, le placenta fœtal n’exprime pas un certain nombre de gènes « du soi » (Complexe Majeur d’Histocompatibilité). Mais à partir du huitième mois, les protéines de ces gènes sont exprimées, déclenchant une réaction immunitaire puis inflammatoire de la part de la vache. Des globules blancs infiltrent alors massivement le placenta, et commence la maturation du placenta qui est indispensable à son expulsion après le vêlage. Au cours des deux derniers mois de gestation, le nombre de cellules placentaires diminue, phagocytées (1) par les globules blancs, la matrice extracellulaire est digérée. Ainsi progressivement sur les 2 derniers mois de gestation, le placenta fœtal perd son attachement avec l’utérus. Selon les vétérinaires, « la réaction immunitaire est donc le phénomène initial, qui commence dans les deux derniers mois de gestation, induisant la maturation placentaire » et permettant finalement l’expulsion du placenta. Les contractions de l’utérus avant, pendant et post-vêlage vont aider à évacuer le placenta fœtal mais elles ne sont pas le facteur limitant de l’expulsion. En effet, une rétention placentaire est due à un défaut de maturation du placenta - et donc de désengrènement du placenta foetal - et non à un défaut de contractions utérines. L’efficacité de la réaction immunitaire au cours des dernières semaines de gestation est donc cruciale pour la délivrance.

Un défaut d'expulsion des membranes foetales au delà de 24h après la naissance du veau caractérise la rétention placentaire. Le placenta est ici bien présent. Il doit être expulsé entre 6 à 24h après la naissance du veau. (© Claudius THIRIET)

Une maladie métabolique

Or, comme le précisent les vétérinaires, « il existe un lien fort entre divers aspects du métabolisme et la fonction immunitaire, notamment le métabolisme énergétique et calcique ainsi que le bilan oxydatif ». Ainsi une concentration sanguine en acides gras non estérifiés (AGNE), élevés avant vêlage (> 0,27 à 0,4 mmol/l) est associée à une augmentation du risque de rétention placentaire. De même, en cas d’hypocalcémie lors du vêlage, l’incidence de la rétention placentaire augmente, plus du fait de l’action positive du calcium sur l’immunité de la vache qu’en raison de l’absence de contractions utérines. Le calcium est par exemple impliqué dans la phagocytose exercée par les globules blancs et permettant la digestion du placenta. Dans tous les cas, « le contrôle de la balance anions-cations (BACA) pendant le tarissement permet une réduction importante du nombre de cas de rétention », analysent les vétérinaires. Quant au stress oxydatif, évoqué plus haut, les vaches atteintes de rétention placentaire semblent se trouver en déficit d’anti-oxydants, plusieurs semaines avant le vêlage.

Pas de signe clinique précurseur

La rétention placentaire est une pathologie sans signe précurseur repérable à l’œil nu sur l’animal. « Pour éviter cette rétention, il faut que le système immunitaire soit totalement compétent », soulève Sylvie Chastant qui insiste sur « un retour aux fondamentaux ». « L’éleveur doit veiller à mettre sa vache dans les meilleures conditions possibles, sans stress social, en évitant les risques d’infection, en gérant au mieux l’alimentation avant, pendant et après vêlage ». Elle revient sur la question du BACA, exagérément négatif. « Le calcium a un impact sur l’activité de phagocytose des macrophages (globules blancs), qui a un rôle important dans la réponse immunitaire », d’où l’intérêt de ne pas réduire cet apport de calcium de manière excessive sans contrôle. Mesurer le pH urinaire devient alors intéressant pour évaluer l’impact de l’alimentation et piloter le BACA. Pour une vache au tarissement, il doit être compris entre 7 et 7,4, ce qui correspond à une ration dont le Baca est compris entre -50 et 0 mEq/kg MS environ. Le contrôle des AGNE par une prise de sang est aussi un élément qui permet de vérifier l’état énergétique de la vache. Sylvie Chastant cite un autre indicateur : « La note d’état corporel doit rester stable au long du tarissement ». L’ajout de minéraux (sélénium, suivre, manganèse) et de vitamines (notamment E et A) dans la ration ou en cure, par voie injectable, est aussi recommandé.

(1) Phagocytose : La phagocytose est un mécanisme permettant aux cellules d'internaliser et de digérer des particules, des micro-organismes ou d'autres cellules.

Source : S. Chastant, O. Salat (2024) La rétention placentaire, une maladie immunitaire. JNGTV 2024, p.177

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