Tuberculose bovine, les enseignements d’un long combat
Grâce à une lutte acharnée menée depuis une quinzaine d’années, la Côte-d’Or a réussi à juguler la maladie et à la circonscrire à trois zones historiques.
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Outre la présence de 35 vaches sur les rings de Cournon (Puy-de-Dôme) en octobre dernier – une grande satisfaction alors que la génétique a beaucoup souffert de la tuberculose –, l’avancée de la prophylaxie annuelle, encore d’actualité dans 271 des 707 communes de Côte-d’Or, est un motif d’espoir : au 7 février, il n’y avait aucun foyer déclaré. Il n’est pas question pour autant de crier victoire. « Face à cette maladie difficile à éradiquer, il faut rester humble et sur ses gardes, souligne Jean-Luc Chevalier, éleveur laitier et président du GDS de Côte-d’Or. Nous avons connu des résurgences de la maladie en élevage jusqu’à dix ans après l’apparition du premier foyer ! » Ces recontaminations, vécues parfois quatre fois dans un même élevage, sont d’autant plus difficiles à vivre que, malgré les enquêtes épidémiologiques réalisées, on ne peut émettre que des hypothèses sur leur origine : non-élimination de tous les animaux infectés malgré un assainissement parfait, environnement (faune sauvage) et voisinage (contact au pré entre animaux). « Même si la prévalence est faible certains animaux infectés ne présentent pas de lésion à l’abattoir, rappelle Jean-Luc Chevalier. Dans la zone dite “rouge”de notre département où la topographie est défavorable avec des parcelles en coteaux coincées entre la vallée (point d’abreuvement des animaux) et la forêt, la prophylaxie annuelle et la réforme des bovins représentent en permanence une épée de Damoclès. » En Côte-d’Or, les premiers signes de l’épizootie étaient apparus en 2002, quelques années après l’arrêt de la prophylaxie obligatoire.
Limité à moins de cinq par an jusqu’en 2006, le nombre de foyers infectés avait explosé les années suivantes : 47 en 2010 avant de redescendre à partir de 2017 et de passer en dessous de cinq ces dernières années (avec des taux de recontamination de 40 à 77 % selon les années).
Le rôle de la faune sauvage
Alors que la maladie se développe aujourd’hui en Nouvelle-Aquitaine et a fait son apparition en Normandie, la lutte drastique menée en Bourgogne a permis d’approfondir les connaissances sur la résistance de la bactérie dans les sols froids et humides, de confirmer le rôle de la faune sauvage dans la transmission de la mycobactérie, de développer de nouveaux outils de diagnostic, tel que le dosage de l’interféron gamma sur les animaux douteux. Son usage sur des animaux ayant des IDC réagissantes permet d’être plus spécifique et donc d’abattre moins d’animaux (abattage diagnostic). Ce n’est qu’à l’abattoir, lors de l’inspection des carcasses que seront détectées dans les ganglions les lésions caractéristiques de l'infection qui peuvent être très petites. Pendant quatre ans dans les années 2010, 1 000 à 1 200 abattages diagnostics ont été pratiqués chaque année en Côte-d’Or : finalement, 5 % des animaux se sont révélés avoir des lésions. Lors de la dernière campagne 2022-2023, le nombre d’abattages diagnostics liés aux opérations de prophylaxie classique s’est établi à moins de 200. Celui dû à des prophylaxies renforcées s’est chiffré à 150-200.
Une gestion plus humaine de la maladie avec l’abattage sélectif
La possibilité de réaliser des abattages sélectifs à partir de 2009-2010 a remis de l’humanité dans la gestion de la maladie. Elle a été introduite avec des conditions d’accès gérées par l’administration à partir de critères épidémiologiques (étendue de l’infection) et sur la base de la capacité de l’éleveur à respecter le protocole. « L’abattage sélectif a eu un rôle positif sur notre travail quotidien, pointent les responsables du GDS de Côte-d’Or. Il a donné du temps aux éleveurs pour faire le deuil de leur troupeau, et nous avons évité bien des cachoteries. »
Dans le département, un travail sur la biosécurité a été enclenché en partenariat avec le GTV (groupement technique vétérinaire). Au sein du GDS, une vétérinaire a été recrutée. Son poste a été financé par les aides du plan de relance. « Une biosécurité globale consiste à réagir vite en ne laissant rien au hasard, et en appliquant les principes de base : éviter toute contamination extérieure, empêcher sa diffusion à l’intérieur et à l’extérieur de l’élevage, précise Gilles Rabu, technicien au GDS 21. Parallèlement, il est essentiel de ne pas laisser la maladie s’installer dans la faune sauvage, en compliquant les contacts entre la faune et les animaux d’élevage. » Une partie des actions préconisées au titre de la biosécurité sont relativement simples à mettre en œuvre : doubles clôtures, surélévation des pierres de sel, éloignement des points de nourrissage des forêts. D’autres, comme la protection des points d’eau des bovins ou l’adaptation du pâturage (en particulier celui des génisses), sont plus complexes (lire le témoignage de Thomas Cotiby). Cette dernière peut en effet se heurter au manque de ressources fourragères. Yannick Salomon, producteur de lait époisses AOP à Savoisy témoigne : « Longtemps, nous avons envoyé nos génisses pleines en pâture entre avril et septembre à 35 km des bâtiments de l’exploitation dans des parcelles appartenant à la famille (7 ha). L’arrivée de la tuberculose a remis en cause cette pratique qui soumettait le troupeau à une prophylaxie annuelle pénalisante. Deux fois, des animaux douteux ont dû être abattus avant d’être déclarés finalement négatifs. L’exploitation n’a retrouvé que des années plus tard des parcelles pâturables en zone “blanche” (non infectée) via un partenariat avec un céréalier qui avait souscrit une MAE herbagère. »
Tout en se réjouissant que l’administration reconnaisse les efforts faits par les éleveurs au titre de la biosécurité (souplesse sur les tests), le président du GDS de Côte-d’Or, Jean-Luc Chevalier reconnaît que les difficultés d’adaptation des éleveurs sont parfois sous-estimées, en particulier quand la topographie des parcelles est difficile. « Planter des haies, mettre en place des doubles clôtures n’est pas si simple quand on prend en compte la charge de travail, le coût et les contraintes d’entretien. »
L’assainissement d’un foyer : un coût de 200 000 à 250 000 €
En Côte-d’Or, le travail accomplit depuis quinze ans permet d’envisager d’ici à quelques années l’éradication de la tuberculose. Mais ce n’est pas le moment de baisser les bras. Or des moyens humains viennent d’être retirés à la direction départementale de la protection de la population : deux postes équivalent temps plein sur les cinq disponibles. « Nous avons alerté la DGAL pour que l’État maintienne l’effort quand la situation s’améliore, explique le directeur du GDS, Stéphane Ratay. Financer des postes sera toujours moins coûteux que de payer des abattages totaux. » Le coût moyen d’assainissement d’un foyer est estimé à 200 000-250 000 €. La prophylaxie a aussi un prix : pour chaque IDC (intradermotuberculination comparative), 6,15 € sont pris en charge par l’État, 1,50 € par l’éleveur.
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