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« Ce qui détériore l'image de l'élevage, c'est bien l'usine des 1 000 vaches ! »

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Une nouvelle fois, vous consacrez votre édito au combat de la Confédération contre l'usine des 1 000 vaches. Peut-être devrions-nous donc commencer par vous remercier de vous faire le relais d'une médiatisation que nous avons souhaitée, car elle permet de poser clairement la question de l'industrialisation de l'agriculture. Mais nous ne choisissons ni les mots et les images que vos confrères utilisent pour parler de cette usine ni les vôtres.

Alors oui, nombreux sont les médias à avoir posé la question du bien-être animal. C'est un aspect important, comme vous le soulignez, mais il n'est pas le seul. Notre préoccupation, c'est l'avenir des paysans. Pour cette raison, nous ne pouvons que sourire, tristement, en lisant que nous « n'avons pas rendu service à la filière ». Les paysans produisent pour leurs concitoyens, c'est le sens de leur métier. Alors, si quelqu'un détériore l'image de l'élevage, c'est bien cet investisseur privé et son usine de 1 000 vaches ! La « réalité plurielle et complexe de [nos] exploitations » est la composante même de notre syndicat. C'est justement la variété de l'agriculture que nous défendons, pour peu qu'elle soit porteuse d'avenir pour l'emploi, les territoires, l'environnement, et surtout pour les paysans !

0n pourrait, par contre, soupçonner notre ministère d'avoir une vision parcellaire de l'agriculture. La Pac et la loi d'avenir agricole ont choisi une agriculture excluant et industrialisée. On nous vend le rêve d'agri-managers en costume qui gèrent leur ferme depuis leur PC. Mais ce métier, nous l'avons choisi. Que ce soit parce que nous avons grandi dans une ferme ou que nous l'avons découvert, nous avons décidé de consacrer notre vie à produire de l'alimentation, à travailler la terre, à élever des animaux. Alors, le costume pour aller travailler, non merci ! Et pour ce qui est des vacances, elles sont bien plus accessibles à ceux qui travaillent à plusieurs dans des fermes à taille humaine qu'à ceux qui démarrent leur activité avec des emprunts gigantesques sur le dos et des plans de développement d'exploitation irréalistes !

Comme un grand nombre d'éleveurs, nous sommes inquiets. La fin des quotas laitiers approche, beaucoup s'agrandissent déjà pour augmenter leurs volumes de production, et la demande reste stable. Alors quoi ? On fonce tous en espérant y survivre ? À ce rythme, c'est notre élevage, celui que nous connaissons, celui qui fait que chacun d'entre nous a choisi ce métier, que nous craignons de voir disparaître, au profit des usines.

Quant à considérer que l'usine des 1 000 vaches « sera peut-être ce qui fera qu'un industriel continuera de collecter ceux qui, autour d'elle, auront choisi de ne pas grossir », c'est prêter des intentions fort charitables à nos laiteries. Jusqu'à quand l'éleveur qui produit ses 200 000 l annuels dans un village isolé continuera à être collecté alors que d'autres tiennent à disposition des millions de litres à côté de l'autoroute ? Mais peut-être, là aussi, n'est-ce qu'un excès journalistique...

LAURENT PINATEL, PORTE-PAROLE DE LA CONFÉDÉRATION PAYSANNE

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