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« Du bon sens et de la résistance »

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Que s'est-il passé pour justifier cet édito « guerrier » de février, invitant de façon aussi tranchée à tourner la page ? Je traduis : “Fin des illusions sur la régulation, les propositions Dantin ou Le Foll relèvent du miracle ou de l'enfumage ; pour l'après-2015, plutôt que de gémir, il faut jouer nos atouts et foncer sur le marché mondial avant que nos concurrents n'aient tout raflé !”

Il est vrai qu'on a parlé de régulation à tort et à travers depuis la crise de 2009, surtout en France. Pour accoucher finalement d'une contractualisation-intégration avec l'obligation de livraison sans aucune garantie de prix ! Je lis dans ce même numéro que chaque laiterie décide déjà de ses volumes et de ses prix et affiche ses ambitions pour le « Mondial 2015 » ! Partout, on investit dans les tours de séchage, souvent avec l'argent des coopérateurs. Ceux-ci sont invités à produire toujours plus et moins cher pour se placer sur le marché chinois contrôlé par Fonterra. Est-ce raisonnable ?

Pour garantir le revenu de nos éleveurs, le bon sens nous invite à servir, en priorité, le marché français et européen. D'après le Cniel, la consommation de fromages et produits frais en France représente un peu plus de la moitié du lait collecté en volume mais les trois quarts en valeur. Cela vaut aussi pour nos exportations en Europe. La valeur des fromages vendus à l'Allemagne dépasse très largement celle vers l'ensemble des pays hors Union européenne. Le Luxembourg nous achète autant de fromages que les États-Unis. Mais rien n'est acquis. L'Allemagne produit déjà plus de fromages que nous en volume. Elle exporte sur les mêmes marchés. Et malgré une collecte laitière très supérieure, elle fait nettement moins de poudre que l'Hexagone.

Alors que les produits secs devraient rester des fabrications complémentaires pour optimiser nos filières de frais et de fromages, nos grandes coopératives hexagonales misent sur les produits industriels pour un marché mondial très spéculatif. Même avec les bons prix de 2011, ces produits industriels représentaient à peine un sixième de nos exportations en valeur. Et pendant que nous courons le monde avec notre poudre blanche standard, nous laissons la porte ouverte à nos voisins européens. Nos importations représentent plus que la production laitière danoise et augmentent en valeur.

Nos coopératives devraient, elles aussi, investir davantage sur la qualité et la valeur ajoutée avec des produits correspondant mieux à notre notoriété et nos savoir-faire encore incontestés. L'équation est pourtant simple : maîtrise des volumes = produits de qualité. Les vrais résistants ont toujours été minoritaires… avant que l'Histoire ne leur donne raison. Ils nous ont également appris que pour en accélérer le cours, il faut savoir mobiliser toutes les bonnes volontés sur des objectifs communs plutôt que de s'enfermer dans les étiquettes.

C'est pourquoi l'agrément des premières organisations de producteurs de bassin marque une avancée majeure pour les producteurs quant à la reprise en main de leur destin. Un pont pour passer de la désespérance libérale qui broie les éleveurs isolés ou intégrés à la responsabilité solidaire et à la confiance retrouvée.

ANDRÉ PFLIMLIN

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