« La TFA explose, les JA proposent »

La suppression de la TFA (taxe fiscale affectée), si elle n'est suivie d'aucune réaction de la part de l'ensemble de la filière, est à mes yeux une catastrophe. Ce mécanisme permettait jusque-là de maîtriser les volumes de lait présents sur l'ensemble du territoire et de maintenir un dispositif qui facilitait l'attribution des volumes aux jeunes installés. Supprimer cette taxe sur les dépassements signe purement et simplement la fin des quotas avant l'heure, sans préparation, sans réflexion à long terme. C'est l'hypocrisie d'un système qu'il convient également de dénoncer : la TFA a été supprimée sous prétexte de distorsion de concurrence avec nos voisins européens n'appliquant pas de pénalités individuelles en cas de sous-réalisation de leur pays. Mais qu'en est-il des producteurs français pénalisés qui ne recevront aucun remboursement de la TFA pour la campagne passée, car ils n'auront pas misé sur un dépassement de leur quota ? L'herbe est donc toujours plus verte chez son voisin.

Bien que cela soit un très mauvais signe donné aux producteurs, je considère qu'il s'agit également d'un moment opportun pour proposer des solutions et innover. Jeunes Agriculteurs, syndicat auquel j'adhère, a déjà appelé à la mise en place immédiate d'un dispositif interprofessionnel qui permettrait de pallier à la suppression de cet outil pour éviter, d'une part, une augmentation non contrôlée de la production et, d'autre part, une privatisation de la TFA par les entreprises. Il s'agira également de concevoir un dispositif sur le long terme. Tous les acteurs de l'interprofession se doivent d'examiner une solution qui permette une équité de traitement des producteurs, qu'ils soient coopérateurs ou non. C'est l'occasion pour l'interprofession de montrer sa capacité à travailler vite pour « affronter » sereinement les défis qui attendent la filière. Aux JA, nous sommes d'ailleurs convaincus que le rôle de cette interprofession doit être renforcé pour permettre une maîtrise des volumes et des débouchés aussi bien intérieurs qu'extérieurs. Jeunes Agriculteurs défend la création d'un échelon communautaire grâce à un observatoire européen de la production et des marchés. C'est donc bien toute l'organisation économique de la filière qu'il faut renforcer, en particulier l'organisation des producteurs à travers la création d'organisations de producteurs, puis d'associations de producteurs par bassin.

Non, les Jeunes Agriculteurs ne refusent pas la réalité du monde dans lequel ils vont vivre, contrairement à ce qu'écrit votre journaliste Pascale Le Cann dans son article « Réactions à la TFA : difficile de se projeter dans un nouveau monde », paru dans le numéro d'octobre. Maîtriser les volumes n'est pas un gros mot. Chez JA, nous considérons que chaque agriculteur est un entrepreneur et qu'il se doit d'adapter, ainsi que nos entreprises, les volumes en fonction des débouchés. Nous sommes convaincus des vertus d'une démarche collective et équitable. C'est ensemble qu'il faut s'engager dans une ouverture des marchés laitiers. C'est ensemble que nous maintiendrons la production et l'installation sur tout le territoire. C'est ensemble que nous pourrons affronter sereinement ces défis.

JÉRÔME CHAPON, VICE-PRÉSIDENT DE JEUNES AGRICULTEURS, PRODUCTEUR DE LAIT INSTALLÉ EN GAEC DANS LA MANCHE.