« Non, le renard n'est pas un nuisible »
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Nos 8 700 chasseurs comptent-ils plus que nos 3 000 unités de production agricole qui mettent en valeur les 220 000 ha de SAU du département du Doubs ? Installé avec mon épouse sur 80 ha, tout en prairie naturelle pour un troupeau de 35 montbéliardes en production de lait à comté (230 000 à 250 000 l), je m'interroge. Vous l'aurez compris, je suis énervé !
Énervé par ces coups de fusil entendus à la mi-juillet alors que les premiers orages nous laissaient croire à la fin d'un épisode caniculaire, catastrophique pour le pâturage et les stocks fourragers. Nous attendons plus de respect pour les renards, ces prédateurs privilégiés du campagnol, véritable plaie de nos prairies. Pourtant, ils font régulièrement l'objet de « nettoyage » dans le cadre des « tirs d'été », qui préparent la saison de chasse en septembre !
Je suis aussi énervé par la fédération de chasse qui est convaincue que le classement du renard comme « nuisible » n'influence pas la population de campagnols. Elle soutient aussi que des « prélèvements » de quinze à vingt renards par village sont utiles. Mais à qui fera-t-on croire qu'entre novembre et avril, quand la végétation est rase, la prédation d'une mère mulot n'a pas d'impact sur une future population, alors qu'on sait qu'elle est potentiellement cinquante fois grand-mère dans l'année !
Je suis aussi en colère contre le syndicat agricole majoritaire, duquel je viens de démissionner. En effet, il cautionne le classement du renard comme nuisible. Il accepte qu'un chasseur puisse venir, par loisir, tuer un animal qui serait utile dans mon champ. Il valide donc que le plaisir de ce chasseur nuit à mon travail, donc à mon revenu !
Je regrette aussi que ce syndicat mette toujours en avant le recours à des traitements chimiques contre les pullulations de campagnols, mais trop rarement des préconisations pour soutenir une prédation naturelle ou organisée. Le bon sens paysan n'est-il pas d'avoir dans sa ferme quelques chats qui mangent les restes de cuisine et qui peuvent « nettoyer » un rayon de 500 m de prairie autour de l'exploitation ? Dans notre zone d'élevage respectueuse des AOC si contraignantes en approche environnementale, qu'attendent nos responsables agricoles pour faire respecter la prédation naturelle en déclassant le renard de nuisible, comme l'ont déjà fait les départements de la Savoie, de la Corse et même la ville de Paris ?
Il serait peut-être temps de revenir à des choses vraies et d'en finir avec le politiquement correct.
MICHEL PRITZY, PRODUCTEUR DE LAIT À COMTÉ DANS LE DOUBS
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