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« La politique de l'autruche jusqu'à quand ? »

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Il y a les « réalistes », ceux qui ne veulent pas payer pour les autres et qui se félicitent du rattrapage spectaculaire de la production laitière française. Certains, y compris dans ce journal, regrettent que la France ne se soit pas donné les moyens de faire plus et fustigent « un système de redistribution des quotas absurde et antiéconomique ». Il y a même des Bretons qui portent plainte à Bruxelles contre la France qui fait payer des pénalités à ceux qui dépassent leur quota, alors que le pays est encore en sous-réalisation.

Il y a les « utopistes » qui refusent la course au volume avec un prix fluctuant au gré du marché mondial beurre-poudre ; ceux qui veulent que le prix du lait soit basé sur le coût de production et sur sa valorisation régionale ou européenne. Comme la consommation de produits laitiers est assez stable, l'offre peut et doit être régulée par les pouvoirs publics.

Car, chacun le sait, sur ce type de marché, un faible excédent provoque une forte chute du prix qui pénalise les producteurs et profite aux transformateurs et aux distributeurs.

Inversement, les cours ayant été attractifs depuis dix-huit mois, la relance de la production a été spectaculaire partout dans le monde. L'offre a vite dépassé la demande solvable, faisant chuter les prix… au point de troubler nos instances politiques quant à l'efficacité du paquet lait qu'elles ont adopté il y a quelques mois ! On ose reparler de régulation de l'offre, même à la FNPL, pour tenter de repousser ou d'atténuer la crise qui sévit déjà chez les éleveurs anglais, allemands ou belges.

Heureusement, le ciel est venu au secours des « réalistes », débordés par leurs propres excédents. La sécheresse aux États-Unis et en Europe centrale a fait exploser le cours des céréales et du soja, et devrait donc faire remonter ceux du lait dans la foulée. Mais il y a d'abord des stocks laitiers à écluser. Et il y a aussi des pays qui vont continuer à produire plein pot du lait d'herbe pas cher, comme la Nouvelle-Zélande. Et d'autres, comme aux États- Unis, qui vont mettre en place un système de garantie de marge sur coût alimentaire associée à une réduction obligatoire des livraisons en cas de surplus. Ainsi, les producteurs américains, y compris ceux ayant plusieurs milliers de vaches hors sol, seront assurés d'une marge minima quels que soient les prix du lait, du maïs et du soja ! Et nous, en Europe, on fait l'autruche, on fait confiance à l'OMC ! On fait semblant de croire que la contractualisation hexagonale nous protégera des errements du marché mondial, de la spéculation financière et de la guerre entre les régions européennes ! Notre ministre vient de publier un rapport critique sur ce sujet mais sans remise en cause de la privatisation du marché laitier. C'est pour quand le changement ?

ANDRÉ PFLIMLIN, AUTEUR DE « EUROPE LAITIÈRE : VALORISER TOUS LES TERRITOIRES POUR CONSTRUIRE L'AVENIR », ÉDITIONS FRANCE AGRICOLE, 2010

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