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« On n'est pas des vendeurs de rêves »

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Au fil des articles, l'Apli est mise à mal comme étant un miroir aux alouettes. Et l'on nous parle de compétitivité, réactivité, visibilité, restructuration. Comme si à travers cette crise, les producteurs de lait découvraient la réalité économique. Et puis quoi encore ? Prenons tout d'abord la compétitivité. En 1995, un industriel laitier touchait environ 60 euros€ d'aides européennes sous forme de restitutions ou en stockage. En 2009, cette somme est de 4 euros.

La compétitivité du transformateur se récupère où ? Sur la seule variable d'ajustement possible : le producteur qui n'a reçu que 35 euros d'ADL. Ainsi, nous trouvons des responsables professionnels pour venir nous faire la leçon sur la compétitivité à renforcer dans nos exploitations quand ils ont fait leurs carrières sur des systèmes de prix on ne peut mieux subventionnés. Je pense que notre compétitivité est nettement plus efficace que la leur, car vitale pour nous… Être bon techniquement est un impératif économique.

La réactivité ensuite : sur ce point, revenons sur l'Allemagne. En effet, 2009 s'est traduit par des importations massives de produits laitiers d'outre-Rhin, des dégâts sur nos parts de marché. Tout ceci grâce à la réactivité allemande ? Réactivité en terme de fixation du prix du lait chez eux, c'est certain : les producteurs sont peu ou pas organisés (pas d'interprofession), et subissent d'un mois sur l'autre la cotation Aldi (distributeur). Facile d'être réactif dans ces cas là, puisque c'est subi, donc c'est l'application du principe offre demande, ni plus ni moins… Retenons ces chiffres des statistiques allemandes : quand l'industrie d'outre-Rhin transforme 3 % de volumes en plus en 2009, elle perd 24 % de son chiffre d'affaires. Chez le producteur, c'est encore pire : entre 32 et 35 % en moins. Vive la réactivité prix volume ! Cela doit nous alerter sur ces fameux volumes A-B vers lesquels veulent nous envoyer nos industriels !

Abordons maintenant la visibilité, chère à Bruno Le Maire et aux parlementaires, au travers de la LMA : un magnifique leurre législatif… A-t-on déjà vu un acheteur que l'on aura contraint à s'engager sur un prix et une durée (la contractualisation), fixer un prix plutôt favorable au vendeur ? Non. C'est du bon sens économique, on part sur le prix le plus bas possible afin de limiter le risque ! Arrivons enfin à la restructuration : la jeune installée que je suis n'a pas pour but de doubler la taille de son élevage pour diluer les coûts fixes. Alors, il me reste trois solutions : la résignation que l'on rencontre dans nos campagnes, la sortie de course en jetant l'éponge, ou le combat, pour une réelle régulation des volumes au niveau européen. Cela peut vous paraître rêveur ? Non, c'est vital pour l'avenir des exploitations laitières, garantes d'un aménagement du territoire cohérent, et non de concentration industrielle.

Nous, producteurs, avons levé le lièvre, aux politiques de saisir le caractère impérieux de la situation.

SYVIE LAMOUR, PRODUCTRICE DE LAIT DANS LE FINISTERE

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