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Contrôler la ressource en eau des vaches laitières est indispensable

En bâtiment, il faut dans l’idéal un point d’eau tous les quarante mètres afin que tout animal puisse trouver de l’eau à moins de vingt mètres de sa position.

Une eau saine en quantité suffisante est indispensable au bien-être du troupeau et à la performance laitière. Son accessibilité pour les vaches ainsi que les veaux doit être garantie. Et sa composition chimique et bactériologique surveillée pour mettre en place, au besoin, des corrections.

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L’eau est le premier aliment des bovins, et le lait est constitué d’eau à 87 %. Il est donc essentiel de connaître la composition de l’eau d’abreuvement sur sa ferme, de corriger ses défauts, et de s’assurer qu’aucun animal du troupeau n’en manque jamais. Vétérinaire pour la société de conseil en élevage Seenovia dans les Pays de la Loire, Hervé Baudet s’intéresse de près à cette question depuis toujours. « En fonction de la saison et de la quantité d’eau dans les aliments, herbe fraîche ou fourrages secs, une vache peut boire très peu d’eau ou jusqu’à 150 voire 200 litres par jour, indique-t-il. Les vaches taries ont besoin de 40 à 50 litres par jour. Il ne faut pas oublier les veaux, qui peuvent consommer de l’eau dès la naissance, à partir de 0,25 et jusqu’à 5 litres par jour. »

L’accessibilité des veaux à l’eau est une problématique très souvent rencontrée par Hervé Baudet dans les élevages. « Les éleveurs pensent que l’apport de lait est suffisant et craignent parfois que l’eau rende les veaux malades. En fait, il faut les habituer à l’eau dès la naissance, en particulier s’ils naissent à la saison chaude. Ils font très tôt la différence avec le lait, et cela évite qu’ils se jettent sur l’eau au passage en cases collectives. » D’après le vétérinaire, la consommation d’eau par les veaux favorise l’ingestion des fibres et des concentrés, et donc le développement du rumen. Monogastrique à la naissance, le veau devient plus rapidement polygastrique s’il a de l’eau à disposition. « Cela est plus économique, souligne Hervé Baudet. Car l’énergie issue du rumen coûte moins cher que celle issue de la poudre de lait. » La consommation d’eau par les veaux dès la naissance génère aussi moins de stress métabolique au moment de l’arrêt du sevrage.

Résultat d’analyse d’eau sur boîte de Pétri au laboratoire Larca de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire au Mans. Les points bleus révèlent la présence d’Escherichia coli ; les rouges celle de coliformes totaux. (© N.Tiers)

L’eau apportée aux veaux doit être renouvelée au moins une fois par jour. Elle doit être facilement accessible : attention à la hauteur du seau, aux barreaux ou cornadis à travers lesquels il doit pouvoir passer la tête facilement. Pour viser le confort maximal, il est utile d’observer les animaux boire pour ajuster l’installation.

Une position confortable pour boire

L’accessibilité à l’eau doit également être optimisée pour les vaches laitières. En bâtiment, il faut dans l’idéal un point d’eau tous les quarante mètres afin que tout animal puisse trouver de l’eau à moins de vingt mètres de sa position. Le linéaire total de l’ensemble des abreuvoirs doit correspondre à une largeur de 10 cm par tête au minimum. Les vaches pompant pour boire, la profondeur d’eau doit être de 7 cm au moins. La hauteur des abreuvoirs doit être adaptée à la taille des animaux : elle est en général de 75 à 80 cm, plutôt moins si le troupeau compte des jersiaises, par exemple. Un dégagement de l’espace au-dessus de l’abreuvoir de 60 cm au minimum est recommandé. La position des animaux quand ils boivent doit être confortable au niveau des quatre pattes, sans humidité stagnante sous les abreuvoirs afin de réduire le risque de dermatite.

Au pâturage, l’accès à l’eau est recommandé dans un endroit calme, évitant le passage, mais pas dans un coin de parcelle auquel les vaches dominantes peuvent bloquer l’accès. (© N.Tiers)

Pour les vaches taries, deux points d’eau par case sont conseillés dans la charte des bonnes pratiques d’élevage. Ils doivent être placés en dehors de l’aire paillée pour éviter de souiller la litière (risque de contamination de la mamelle). « Il est utile d’installer des compteurs pour surveiller le débit et la consommation d’eau du troupeau, ajoute Hervé Baudet. Sans compteur, il est difficile de détecter une variation de consommation ou une fuite, donc d’en trouver rapidement la cause. Le débit est un paramètre important pour une bonne consommation. Par exemple, nous avons adapté la situation d’un élevage disposant d’une seule arrivée d’eau. Pour tamponner la variation de débit au pic de consommation après la traite, nous avons condamné deux logettes pour installer un bac de 500 litres d’eau. Il est utilisé notamment par les vaches dominées. Nous avons ainsi amélioré la production laitière et le calme dans le troupeau. »

Au pâturage, le positionnement des abreuvoirs doit respecter plusieurs règles : dans l’idéal, plutôt sur une butte et/ou sur un sol drainant (avec apport de sable par exemple) ; dans un endroit calme (éviter les passages), mais pas dans un coin de parcelle où l’accès peut être bloqué par les vaches dominantes ; pas non plus sous les arbres (chutes de feuilles) ou sous une ligne électrique ou sous le fil de la clôture électrique ; enfin, à 200 mètres au maximum de la zone de pâturage la plus éloignée.

La qualité chimique trop souvent oubliée

En parallèle de la bonne accessibilité du troupeau à l’eau d’abreuvement, il faut également s’assurer de sa bonne qualité bactériologique et chimique. Cela concerne aussi l’eau employée pour l’entretien de l’installation de traite. « La charte des bonnes pratiques d’élevage indique que l’eau d’abreuvement doit être visuellement propre, rappelle Hervé Baudet. Quant à l’eau utilisée au bloc traite, si elle provient d’un captage privé, elle doit être analysée une fois par an pour assurer sa qualité bactériologique. Les exigences sont l’absence d’Escherichia coli et de germes fécaux, entérocoques et streptocoques. Mais ce socle minimal me semble insuffisant. L’analyse bactériologique mérite d’être plus complète et d’être réalisée deux fois par an : en fin de saison sèche et en fin de saison humide. Il faut s’intéresser aussi à la qualité chimique trop souvent oubliée. En élevage laitier, les critères importants de la composition chimique de l’eau sont : le pH, la dureté (calcium, magnésium), le titre alcalimétrique complet (TAC), le taux de fer et de manganèse. »

Un dégagement de l’espace au-dessus de l’abreuvoir de 60 cm au minimum est recommandé : attention aux obstacles ! (© N.Tiers)

Les bactéries présentes dans l’eau peuvent entraîner des diarrhées chez le veau ; l’impact est moindre chez la vache protégée par son rumen. Elles constituent des indicateurs de l’origine des pollutions de l’eau (contamination fécale, par exemple), et sont souvent associées à des virus et des parasites. Une flore totale importante représente par ailleurs un risque de création de biofilm à l’intérieur du circuit d’eau.

Doser les minéraux selon la chimie de l’eau

Côté chimie, le fer et le manganèse donnent un goût terreux à l’eau, diminuant son appétence. De plus, ils pénalisent l’assimilation des oligo-­éléments et peuvent nécessiter d’adapter le dosage en minéraux de la ration ou la forme des apports (chélates).

La dureté de l’eau risque aussi perturber le métabolisme des vaches laitières. Par l’apport d’ions positifs de calcium et magnésium, elle influence en particulier la balance cations anions (Baca), importante chez les vaches taries (lire l’encadré ci-dessous). La dureté présente en outre un risque d’encrassement du circuit d’eau (avec création de biofilm et réduction du débit) ainsi qu’un risque de dysfonctionnement des capteurs du matériel de traite. C’est pourquoi les fournisseurs de robots de traite exigent une certaine qualité d’eau et recommandent parfois l’installation d’un adoucisseur.

Le pH mètre, le papier pH et le densimètre permettent de contrôler le pH et la densité de l’urine chez les vaches taries, indicateurs du bon calage de la ration et d’une bonne hydratation. (© N.Tiers)

Enfin le pH de l’eau est à prendre en compte dans la gestion de la ration : il peut contribuer au risque de subacidose chez les vaches laitières, voire, à l’inverse, au risque de subalcalose pour des vaches à l’herbe. De même, il peut pénaliser ou renforcer l’acidification de la ration des vaches taries pratiquée dans certains élevages. « Tout se corrige… Ou presque, conclut Hervé Baudet. On peut filtrer l’eau, l’adoucir, la déferriser, la démanganiser, la traiter au chlore. Mais tout n’est pas pertinent, par exemple adoucir l’eau d’abreuvement. Et avant de traiter, il faut comprendre l’origine du problème. » Ainsi, trois fermes sur quatre sont concernées par un forage privé. Mais que se passe-t-il autour de ce forage ? Les terres sont-elles en cultures ou en prairies ? Existe-t-il un périmètre de protection du captage ? Le taux de nitrates fait partie des paramètres pouvant être mesurés dans une analyse chimique. Bien que les bovins adultes y semblent peu sensibles, une variation importante de ce taux doit alerter. D’où un indispensable contrôle régulier de la qualité de l’eau.

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