Prairies multi-variétés : une bonne idée sur le papier, complexe sur le terrain
Si théoriquement le multi-variété présente de nombreux intérêts, les essais conduits par le projet Climatveg montrent qu’il est difficile à manier. Parmi la dizaine de modalités testée en multi-espèces et multi-variétés, aucune n’a présenté de différence de rendement significative. Les parcelles en agriculture biologique de Thorigné d'Anjou ont toutefois permis une meilleure persistance des légumineuses.
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Adaptation aux aléas climatiques, richesse en protéines… Les atouts des prairies multi-espèces sont nombreux et bien documentés. Alors, pourquoi ne pas aller encore plus loin et tester le multi-espèces et multi-variétés ? Sur le papier, l’idée a tout pour plaire. Les différentes variétés permettront d’avoir une meilleure résistance aux maladies, de mieux s’adapter aux différents types de sols de la parcelle, d’associer plusieurs rythmes de croissance… Autrement dit, la stratégie devrait permettre de maintenir une flore prairiale productive, diversifiée et adaptée au milieu.
« Des essais menés par l’Inrae de Lusignan montrent que plus on a de diversité génétique, plus on sécurise son rendement, avec davantage de stabilité sur la composition floristique de la prairie », explique Soline Schetelat, chargée d’étude au service fourrage de l’Institut de l’élevage à l’occasion d’une conférence au Salon de l’herbe.
Le projet ClimatVeg a tenté d’éprouver le concept, avec 10 modalités de prairies multi-espèces et multi-variétés sur les fermes expérimentales de Derval, Thorigné d'Anjou et des Etablières. Au menu, ray-grass anglais, trèfle blanc, dactyle, fétuque élevée et trèfle violet ou luzerne selon les sols. Mais les résultats de Climatveg nuancent ceux d’Inrae. « Nous n’avons pas vu d’effet positif sur le rendement… Mais pas d’effet négatif non plus », sourit la chargée d’étude.
« L’idée était de sélectionner plusieurs variétés pour chaque espèce, et de maximiser les écarts de comportement entre variétés », précise Soline Schetelat. Mais côté rendement, « nous n’avons pas observé d’amélioration suite à l’augmentation de la diversité génétique à l’issue des trois années d’essai ».
Maintenir les légumineuses sur la durée
Le plus grand enjeu était peut-être de maintenir la diversité au sein de la flore prairiale. Avec des mélanges à base de trèfle blanc luzerne, fétuque élevée, dactyle et ray-grass anglais sur la ferme expérimentale des Etablières, la prairie se simplifie au fil des ans. Après trois ans d’essai, le dactyle et la fétuque s’imposaient au détriment des autres espèces. « Aux Etablières, la luzerne ne s’est jamais vraiment implantée. Le dactyle a explosé dès la deuxième année alors que le ray-grass reculait, puis la fétuque s’est bien développée sur la troisième campagne, après un hiver humide qui a calmé le dactyle », décrypte la chargée d’étude. La régression des légumineuses le laisse également observer : « il n’y en avait plus dès la troisième année, et ça n’est pas un résultat satisfaisant ».
Difficile également de savoir si le ray-grass implanté est issu d’une variété x ou y : « ce qu’on constate au global, c’est un appauvrissement de la flore prairiale ».
Les essais conduits sur la ferme expérimentale de Thorigné d'Anjou nuancent ces résultats, avec un meilleur maintien de la flore prairiale sur la durée de l’essai. « On a réussi à garder des légumineuses sur toute la période. On suppose que c’est parce qu’on est sur des parcelles conduites en agriculture biologique, avec des apports en fumier composté qui leur est plus favorable ».
La disparition progressive des légumineuses se traduit par des valeurs alimentaires dégradées. Aux Etablières, la première campagne a permis d’avoir des fourrages avec 12 à 13 % de MAT, puis ils plongent autour des 8 à 10 %. Thorigné d'Anjou présente quant à lui de meilleures valeurs grâce à la persistance des trèfles blancs et violets.
Alors, faut-il pour autant abandonner l’idée du multi-variété ? Soline Schetelat tempère : « les essais menés à l’Inrae de Lusignan ont été concluants sur 5 ans. Nous en sommes à 3 ans d’expérimentation ». D’autant que les prairies n’ont pas toutes bénéficié de bonnes conditions d’implantation avec « de la sécheresse dès la première année ».
Quoi qu’il en soit, les essais renseignent sur les modalités d’implantation des prairies multi-espèces. « On voit que l’implantation de luzerne d’automne est hasardeuse, et que les variétés de dactyles présentes sur le marché sont assez agressives et peu adaptées aux prairies multi-espèces. La fétuque élevée conforme également sa lenteur d’installation ».
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