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Henri Triballat : « Pas de remise en cause de notre stratégie »

Henri Triballat, directeur de la production de Triballat-Rians. La laiterie créée en 1901 collecte 70 Ml de lait de vache auprès de 120 producteurs des régions Centre, Bourgogne et du département des Vosges, et s’approvisionne à hauteur de 10 Ml auprès de coopératives locales. Son mix-produit est tourné vers l’ultra-frais (faisselles, crèmes dessert), les fromages et la crème sous appellation (époisses, langres et crème de Bresse), en majorité sous marque nationale et un tiers en MDD.

Avec ses produits haut de gamme à marque entreprise, Triballat-Rians apparaît comme l’un des opérateurs le mieux-disant en matière de paiement du lait aux producteurs. Dans une conjoncture moins favorable, son directeur, Henri Triballat, n’entend pas pour autant remettre en cause la stratégie de l’entreprise familiale.

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Quelle stratégie vous permet aujourd’hui d’être le transformateur laitier qui rémunère le mieux ses producteurs, hors filière non OGM, selon l’observatoire de L’Éleveur laitier ?

Henri Triballat : Si nous parvenons à mieux rémunérer le lait, c’est parce que nos produits sont vendus plus cher en rayon, à un prix accepté à la fois par nos clients et par le consommateur. Notre ambition est de continuer à proposer des produits issus d’un savoir-faire traditionnel, tout en répondant aux attentes de la société en matière d’environnement, de bien-être animal ou de biodiversité. En ce sens, la démarche RSE initiée en 2021 – Laiterie Familiale Engagée – a permis de formaliser une politique ancrée depuis longtemps dans l’entreprise. Elle passe notamment par la formation de ses collaborateurs sur les chaînes de transformation et l’accueil d’alternants et de stagiaires, afin d’assurer le partage des compétences entre générations. L’entreprise, qui s’est engagée à réduire son empreinte environnementale, s’appuie aussi sur l’engagement des éleveurs en faveur de pratiques plus « durables ».

Quels sont les engagements que les éleveurs doivent respecter ?

H. T. : Nous n’imposons pas de règles contraignantes, pour laisser à chacun la possibilité d’évoluer à son rythme, bien conscient que l’élevage est une activité du temps long. Si l’objectif en matière de bien-être animal est, par exemple, que 100 % des vaches pâturent au moins 120 jours par an d’ici à 2030, l’accès à l’herbe n’est pas toujours possible selon les structures d’exploitations. Pour cela, nous ne voulons pas être trop segmentant, car nous avons aussi un devoir de collecter ces éleveurs. À ce jour, 90 % d’entre eux prévoient un accès à l’herbe et ont réalisé un diagnostic CAP’2ER de niveau 2. 

L’idée est de s’inscrire dans une démarche de progrès, à travers des formations, des partenariats avec des ONG, en contrepartie d’une rémunération du lait supérieure à la moyenne française, mais aussi d’un soutien à la transmission et d’un accompagnement des jeunes : prix minimum garanti pendant sept ans après l’installation (prix de la dernière année révolue) ; prime à l’installation de 20 €/1 000 litres, prime à l’achat d’un tank à lait. La signature de conventions avec les services de remplacement des départements où nous sommes présents participe aussi à la vivabilité du métier. Les projets de développement individuels sont discutés au cas par cas avec les OP (1). Avec 18 installations au cours de l’exercice écoulé, cette approche permet de compenser les cessations d’activité en matière de volume de collecte.

Parvenez-vous à valoriser la MPA et la MPI à hauteur de ces engagements auprès de vos clients ?

H. T. : En partie seulement. Car l’inflation a déplacé le curseur des préoccupations plutôt vers des produits bon marché. Dans ce contexte, les négociations commerciales avec la distribution se concentrent sur les baisses de tarifs. Mais je pense qu’il s’agit d’une crise conjoncturelle. Elle ne remet pas en cause à court terme notre stratégie d’une production à la fois haut de gamme et plus vertueuse. Nous parviendrons à attirer des jeunes grâce à des marques et à des appellations, contribuant à maintenir un prix attractif. Les préoccupations sociétales vont revenir sur le devant de la scène et pourraient devenir la norme pour accéder au marché d’ici quelques années. Il s’agit d’être prêt et de trouver des leviers de communication efficaces. À ce titre, je crois au rôle prescripteur de la distribution. Pour cela, il faudra que tous les maillons de la chaîne prennent leurs responsabilités : nous ; en rémunérant le surcoût de ces engagements, valorisés par le client et le consommateur. S’ils ont des exigences cela passe par la rétribution de l’amont.

(1) OPRC (Organisation de producteurs Rians Centre), UPLV (Union des producteurs de lait des Vosges), APLFG (Association des producteurs de lait de la Fromagerie Germain).

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