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Coaching « La participation à la vie de la ferme du parent retraité doit être cadrée »

Par Isabelle Maillou, consultante en relations humaines à CERFrance Orne

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La situation

L’arrivée de Boris, âgé de 25 ans, dans le Gaec familial et le départ à la retraite des parents, Joseph et Évelyne, ne se vivent pas sereinement. Le jeune éleveur a rejoint en 2022 ses deux frères, Aubin (34 ans) et Kevin (28 ans), qui sont installés respectivement depuis dix et cinq ans. La refonte du Gaec familial s’accompagne d’une réflexion sur l’achat de deux robots de traite pour leurs 120 holsteins. Le projet exacerbe le manque de communication entre les deux frères aînés et le poids du père, qui continue d’exercer son influence sur les orientations du Gaec. Il poursuit la gestion administrative de l’entreprise. Aubin et Kevin travaillent chacun de leur côté. Le premier est en charge des 160 ha de cultures et donne un coup de main à l’élevage quand c’est nécessaire. Le second est responsable de l’atelier laitier. Dans cette organisation rigide, Boris a du mal à trouver sa place.

La personnalité des associés

Aubin et Kevin ont des caractères proches. Tous deux aiment décider seul pour le domaine dont ils ont la responsabilité. En périodes de pic de travail, ils n’aiment pas être débordés. Ils anticipent pour être efficaces le jour J. Ils recherchent également cette efficacité dans la prise de décision. Ils sont agacés quand elle traîne et l’expriment plutôt de façon agressive.

Boris, à l’inverse, attache de l’importance à une communi­cation fluide entre les associés. Il exprime le souhait d’une plus grande répartition des tâches et de plus d’équité sur les traites.

Les points de blocage

Le projet de robots de traite provoque des échanges houleux. Deux visions s’affrontent. Aubin, qui n’aime pas traire, y est favorable. Kevin et Boris préfèrent la prudence, c’est-à-dire achever le remboursement de la salle de traite de 2 x 10 postes avant d’investir. Cette position est encouragée par leur père, qui, pourtant, ne devrait plus donner son avis. Par crainte de voir le Gaec exploser, Joseph s’attribue le rôle de médiateur entre les deux aînés. En réalité, l’abandon de la traite le renvoie à la fin de sa carrière d’éleveur.

Le projet de robots exacerbe le manque de communication qui existe depuis plusieurs années dans le Gaec. Même si les frères prennent le matin le café ensemble chez les parents, dont la maison est au cœur de la ferme, ils partagent peu leur quotidien. Le cadre les empêche d’exprimer véritablement leurs points de vue. Ils préfèrent se taire plutôt qu’être interrompus par leur père, qui exerce son autorité paternelle. Cela crée des frustrations.

TROIS SOLUTIONS TROUVÉES

  1. Les trois frères prennent le café du matin dans le bureau de la ferme. Comme le bureau est à l’opposé de la maison parentale, de l’autre côté de la stabulation laitière, cela formalise une prise de distance des trois fils par rapport à leur père et l’exclut en douceur. Les échanges sont plus aisés.
  2. Un bureau digne de ce nom est aménagé. Le local est aménagé pour recevoir tous les documents administratifs. Un troisième bureau équipé d’un poste informatique est posé pour que chaque associé se sente correctement installé. Cela permet d’organiser la transmission administrative entre Joseph et Boris, qui va prendre le relais.
  3. Une réflexion en quatre étapes

MES CONSEILS

Séparer la maison de la ferme lorsque les parents continuent d’habiter sur place à leur retraite. La plantation de haies autour de la maison pour empêcher une vue sur l’exploitation, la modification du circuit des véhicules pour que les visiteurs aillent directement au bureau de la ferme, etc., les aident à matérialiser leur changement de vie. Bien sûr, l’idéal est un déménagement pour marquer une rupture, qui peut être douloureuse. Laisser sa maison, c’est laisser une partie de sa vie.

Parents omniprésents : danger. Pour bon nombre d’agriculteurs, leur métier est fait de passions. Leurs vies personnelle et familiale forment une unité. à leur retraite, ils doivent construire un nouvel équilibre, ce qui n’est pas facile. Le risque est leur omniprésence sur la ferme. Il revient aux enfants d’oser définir leur cadre d’intervention. Cela peut être une aide concrète, par exemple l’été, surveiller les génisses dans les prairies éloignées des bâtiments. Leur avis devient un conseil et non une participation aux décisions. Il faut trouver le juste dosage pour éviter la mésentente.

Enfants : encouragez vos parents. L’incompréhension pourra également s’installer si les parents n’osent pas dire leur désir de prendre le large. Ils le feront plus facilement s’il sont encouragées à réaliser leurs envies. Et si l’implication parentale reste élevée, un contrat de travail dans le cadre d’un cumul emploi-retraite peut être envisagé pour sécuriser à la fois les parents et l’exploitation en cas d’accident.

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