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AOP Fromagères « Il faut un moral d’enfer pour se lancer en camembert AOP fermier »

En pleine campagne, David Cahorel, associé à son frère Laurent, ne peut pas compter uniquement sur le magasin à la ferme en libre service pour vendre les camemberts sous AOP.

David Cahorel et son frère Laurent sont producteurs fermiers en AOP camembert de Normandie à La Rochelle-Normande (Manche) depuis août 2021. Un grand défi pour les deux éleveurs jusque-là en lait conventionnel.

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Le Gaec Cahorel fait partie des six producteurs fermiers qui fabriquent le camembert sous l’appellation d’origine protégée camembert de Normandie, c’est-à-dire au lait cru et moulé à la louche. Il y a dix ans, la filière n’en comptait… qu’un. Ils ont produit 127 tonnes en 2021, soit 20% de plus qu’en 2020. L'année 2022 se termine avec +25% (estimation) car deux producteurs ont lancé leur fromagerie au second semestre 2021. Le Gaec est de ceux-là. « Depuis la grève du lait en 2009, il manquait à mon frère Laurent et moi un sens profond à notre métier de producteur. Cela nous a pris dix ans pour faire émerger ce projet », rapporte David Cahorel, en charge de l’atelier de camembert. Connus pour leurs succès aux concours nationaux en race normande, leur engagement dans l’AOP, réputé pour sa complexité sanitaire (lait cru) et technologique (pâtes molles), a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les campagnes normandes.

« Plus d’acteurs pour plus de diversité »

Les deux associés croient en la qualité de leur lait (troupeau de race normande et pâturage) et veulent capter la valeur ajoutée qu’elle permet. Ils militent pour des camemberts AOP diversifiés. « Grâce au lait cru et à son aire géographique sur plus de la moitié de la Normandie, le camembert de Normandie exprime la diversité des terroirs. Plus il y aura d’acteurs dans la filière, qu’ils soient producteurs fermiers, artisans ou industriels fromagers, plus l’AOP s’enrichira de goûts et gagnera en gamme. » Plus d’acteurs signifient aussi plus de communication autour du fromage AOP, dont les ventes stagnent autour des 6 000 tonnes.

© C.Hue - La marque Bienheureux s’inspire d’Auguste Chapdelaine, prêtre né sur la ferme et exécuté en Chine au XIXe siècle. Il a été désigné Bienheureux par le Vatican avant d’être canonisé en 2000. Le Mont Saint-Michel a aussi toute sa place sur l’étiquette puisqu’il est à 30 km de là.

10 % des volumes transformés

David et Laurent Cahorel ont investi 1 M€, financement du fonds de roulement compris, pour une capacité de 5 000 camemberts par semaine. « Nous sommes actuellement à 1 500. L’objectif est de monter à 2 000 hebdomadaires en 2023 pour une rémunération du lait à 6 00 €/1 000 l. Le volume fera notre rentabilité. Le Gaec s’appuie aujourd’hui sur la solidité financière de l’exploitation construite ces vingt dernières années. » En 2022, les deux frères ont transformé 115 000 litres et livré 1 Ml à Eurial-Agrial. Le Gaec exploite 200 ha dont 100 ha de prairies naturelles et temporaires, 60 ha de maïs ensilés ou en épis, 40 ha de céréales, avec 150 vaches de race normande.

Créer de toutes pièces le réseau commercial

Le défi est de taille. En plus de la maîtrise de la technologie fromagère, il faut faire sa place dans le marché des camemberts et bâtir son réseau de ventes. « Heureusement, notre voisine La Fromagerie du Val de Sienne a soutenu mes premiers pas de fromager », salue David Cahorel. Tandis que son frère assure la partie élevage, il consacre 70 heures par semaine à l’atelier et à de nouveaux débouchés. La ferme étant isolée, le Gaec ne peut pas compter exclusivement sur son magasin de vente directe en libre-service (à 4,50 € TTC le camembert). Il veut s’appuyer sur un réseau commercial fait de crémeries dans les centres-villes normands, de grossistes et de GMS. En plus de la marque « Bienheureux » (photo), il vient de créer « Le Fermier » destinée aux GMS locales. « Les deux marques sont vendues aussi à France Frais, la filiale de distribution de la coopérative Maîtres laitiers du Cotentin. » Pour dépasser les frontières de la Manche et de la Normandie, les grossistes seront la clé. « Il y a de la place sur le marché du camembert, mais avec un projet bien calibré et un moral d’enfer. Il faut être prêt à en découdre », conclut David.

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