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Pâturage tournant simplifié « La production par vache et par hectare est la même avec des parcelles de dix jours »

"Ce n’est pas le temps de séjour par parcelle qui est déterminant, mais la quantité d’herbe offerte par jour qui dépend de la surface et de la biomasse disponibles", selon Luc Delaby, ingénieur de recherche à l'Inrae.

Les travaux menés au domaine du Pin-au-Haras (Inrae) montrent que la production laitière permise sur des parcelles conçues pour dix jours de présence est identique à celle obtenue sur des paddocks de un jour, avec toutefois une plus grande variabilité au quotidien. Luc Delaby, ingénieur de recherche au département de physiologie animale et systèmes d'élevage à l'Inrae de Rennes, répond à nos questions.

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Le pâturage tournant dynamique sur des paddocks de 1 jour est-il la panacée en matière de valorisation de l’herbe ?

Luc Delaby : Non. C’est une méthode éprouvée pour produire du lait au pâturage, mais ce n’est pas la seule. En la matière, il n’y a pas de règles d’or et on peut tout à fait réussir autrement. Car ce n’est pas le temps de séjour par parcelle qui est déterminant, mais la quantité d’herbe offerte par jour qui dépend de la surface et de la biomasse disponibles.

Les travaux conduits au domaine expérimental du Pin-au-Haras (Orne) ont montré que l’on pouvait réduire le nombre de parcelles pour se simplifier le travail, se redonner de la liberté dans la gestion du pâturage et réduire le coût des équipements (clôtures, barrières, points d’eau). Nous avons mis au point une pratique de pâturage tournant simplifié (PTS) sur des parcelles dimensionnées pour une durée d’environ dix jours. Cette pratique a été comparée au système « un paddock/jour ». Ces travaux ont montré qu’en moyenne, pour un même chargement (donc avec la même surface attribuée sur une période de dix jours), la production laitière/vache et par hectare est identique. C’est-à-dire que l’on transforme autant d’herbe en lait dans les deux systèmes. C’est une question de volume d’herbe offert et non de temps de séjour. Le principe est le même pour des paddocks de trois ou quatre jours. Les variations journalières de lait dans le tank sont néanmoins plus importantes dans le cas du PTS. Nous avons aussi pu mesurer de façon précise que les vaches passent en moyenne trois fois au même endroit et, à chaque fois, prélèvent un tiers de la hauteur d’herbe disponible. Ainsi, contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de surpâturage, car le temps de séjour est cohérent avec la surface offerte et la biomasse présente.

Comment fonctionne concrètement le pâturage tournant simplifié ?

L.D. : Il repose sur 6 à 8 parcelles, dimensionnées pour un temps de présence de 8 à 12 jours. Ainsi, si 80 à 100 m²/vache/jour sont nécessaires pour offrir 16 kg MS d’herbe/vache, il faut prévoir 800 à 1000 m²/vache/parcelle : soit pour un troupeau de 80 laitières des parcelles de 6,4 à 8,0 ha. A l’éleveur ensuite d’adapter le temps de séjour à l’évolution de l’herbe, ou plutôt à l’évolution de la production laitière du troupeau.

Avec le PTS, la production laitière augmente jusqu’à un pic toujours observé lors des jours 3, 4 et 5 dans la parcelle. Puis, à mesure que l’herbe se fait moins abondante, que l’animal broute les strates inférieures de la végétation, les quantités ingérées, les apports nutritifs et le lait diminuent. Les travaux du Pin-au-Haras ont montré que lorsque la production du troupeau a baissé de 10 % par rapport au maximum observé, la parcelle est alors bien valorisée. Cela se traduit par une hauteur d’herbe résiduelle d’environ 45% de la hauteur à l’entrée, signe qu’il est temps de changer de parcelle. Il nous arrive de faucher les refus mais seulement une fois par an dans une ou deux parcelles. C’est nécessaire car on entre parfois un peu trop tard dans la parcelle au printemps lors des périodes de forte croissance de l’herbe : dans ce cas, si à partir du 7e jour on s’aperçoit que l’on va avoir des refus, on peut faucher en présence des vaches qui vont très bien consommer ce « petit foin ».

Quels sont les atouts du PTS, comparé aux paddocks de 1 jour ?

L.D : Au-delà des infrastructures simplifiées et donc moins coûteuses, le premier atout du PTS est que l’éleveur a moins de parcelles à gérer et plus de temps pour prendre ses décisions ce qui simplifie la gestion du pâturage. A l’usage on se rend compte qu’il est parfois difficile de figer une surface. Le PTS redonne de la liberté en permettant plus facilement de s’adapter à la quantité d’herbe disponible en changeant de parcelle à J8, J10 ou J12. Les repères sont les mêmes (entrée 10-12 cm ; sortie 4-5 cm), avec des temps de repousse au printemps d’environ trois semaines, soit 3 parcelles de dix jours.

Il faut cependant avoir un parcellaire compatible avec des parcelles conséquentes, d’autant plus en grands troupeaux. Il est aussi préférable de prévoir plusieurs entrées-sorties dans ces grandes parcelles, afin de réduire le piétinement. Enfin, les vaches doivent être éduquées : au pâturage c’est l’éleveur qui décide, on ne change pas de parcelle dès les premiers meuglements. A souligner aussi que ce système est compatible avec un complément d’alimentation à l’auge. Mais dans ce cas, la baisse de production ne peut plus servir d’aide à la décision pour changer de parcelle. L’éleveur devra s’appuyer sur les hauteurs d’entrée et de sortie recommandées, soit une hauteur de 4-5 cm et de 10 à 12 cm.

Le paddock de 1 jour ne contribue-t-il pas à l'amélioration de la flore et donc à la qualité de l’herbe ?

L.D : Ce constat est une réalité liée à la pratique. Souvent les éleveurs qui adoptent ce système sont plus rigoureux que par le passé et mettent en œuvre un pâturage plus sévère. Ce faisant, ils favorisent les espèces à turn-over rapide que sont le ray-grass anglais et le TB. En ce sens, il faut s’inspirer de la rigueur qu’impose ce système, ce qui est encore trop souvent le défaut des éleveurs en France qui n’accordent pas assez de temps au suivi de l’herbe et à la gestion anticipée du pâturage.

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