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« SANS TOURTEAU, LA MARGE ALIMENTAIRE S'EST AMÉLIORÉE »

Patrick Marin se passionne pour la sélection mais sait privilégier, avec son frère et associé Christian, le raisonnement économique. La conduite de leur troupeau est axée en priorité sur la longévité des animaux.© C.R.

Les frères Marin ont amplifié leur maîtrise des coûts de concentrés sur l'hiver 2012-2013 au détriment de la production individuelle, mais au bénéfice de la marge alimentaire. Les ventes de vaches ont aussi dopé la marge brute.

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CHRISTIAN ET PATRICK MARIN ONT DÉBUTÉ CETTE CAMPAGNE LAITIÈRE avec une idée renforcée : rien ne sert de se focaliser sur la production par vache, encore moins de la « pousser » au prix de matières premières alimentaires dont les cours s'envolent. « C'est la marge finale qui compte ! », reconnaît Patrick Marin, en charge de la gestion de l'atelier laitier, bilan Ecolait en mains.

Ce document décortique les résultats du troupeau d'octobre 2012 à septembre 2013 : la marge brute, à 243 €/1 000 l, est en hausse par rapport aux années précédentes. Le Gaec se situe même dans le peloton de tête de son groupe Ecolait de 80 exploitations sur la zone grand Est de Sodiaal. Cette exploitation assez herbagère du Lunévillois, produisant 4 800 litres de lait par hectare de surface fourragère en 2013 (contre 8 200 l/ha de SFP en moyenne dans le groupe) a atteint ces résultats avec une production inférieure de 1 000 l par vache à celle du groupe. C'est sa stratégie de maîtrise des charges d'alimentation, couplée à de nombreuses ventes d'animaux, qui l'ont permis.

À l'automne 2012, les deux frères font le bilan de leurs stocks fourragers. Ils s'apprêtent à commander plusieurs camions de sous-produits et matières premières qui seront mélangés à la ferme (procédé Pollen) et stockés en silos pour l'hiver. Ils recourent à ce système depuis dix ans déjà.

« LE PRIX DU TOURTEAU DE SOJA S'ÉLEVAIT À 500 € LA TONNE ! »

Mais en ce mois de septembre, le prix du tourteau de soja atteint des sommets. « 500 € la tonne ! », précise l'éleveur. Face à ce tarif prohibitif, les associés choisissent de ne pas incorporer de tourteau dans leur mélange. L'année précédente, il contenait du soja et du colza à hauteur de 1,5 kg par vache et par jour dans la ration complète du troupeau. Ils décident aussi de récolter une partie de leur maïs sous forme de maïs épi, source d'énergie. Le mélange de matières et sous-produits est revu en conséquence. « Il s'est composé de 39 % de maïs épi, 26 % de drèches de brasserie, 26 % de corn gluten feed humide, et 9 % de soluble de maïs qui apporte des sucres car l'ensilage d'herbe était très sec », détaille Stéphane Lartisant, l'ingénieur BTPL qui suit l'élevage. 11 kg par laitière et par jour de ce mélange et 1,6 kg d'aliment équilibré (coproduit) sec sont distribués dans le cadre d'une ration complète, « équilibrée à 28 kg de lait », à base d'ensilages (30 % d'herbe et 70 % de maïs) et de foin. Le troupeau pâture dès le printemps, sur 20 ha de prairies permanentes attenantes au bâtiment.

Avec 7 145 l/VL en moyenne, la production baisse de presque 500 l par rapport au bilan précédent. « L'absence de tourteaux n'est pas seule en cause, pointe Stéphane Lartisant. En raison du maïs 2012, le groupe a lui aussi baissé en lait. » Le Gaec a, comme chaque année, produit sa référence grâce à un effectif laitier suffisant et sans que cela pose de problème en termes de travail (durée de traite).

Ce n'est toutefois pas de gaîté de coeur que Patrick Marin s'est résolu à cette production individuelle en berne. « Nous avons volontairement modifié la ration, mais je pensais qu'elle permettrait quand même de faire davantage de lait... », confie ce passionné de sélection. Il investit volontiers dans la génétique (achats de reproductrices en copropriété avec d'autres éleveurs, pratique de la transplantation embryonnaire...) en ciblant la morphologie, et il aime prendre part aux concours. « On s'en limite l'accès lorsqu'on fait moins de lait ». Le Gaec sait toutefois faire passer le raisonnement économique au premier plan. Un choix qui s'est avéré payant en 2012-2013.

« 40 % DU TROUPEAU DÉPASSE LES QUATRE LACTATIONS »

D'après le bilan Ecolait, sa stratégie alimentaire lui a permis de maîtriser son coût de concentré à 32 €/1 000 l (109 g/l distribués), contre 76 €/1 000 l (227 g/l) pour le groupe. En y ajoutant le coût des coproduits (29 €/1 000 l, contre 10 € pour le groupe) et des fourrages (69 €, contre 60 € pour le groupe), le Gaec dégage une marge sur coût alimentaire supérieure de 14 €/1 000 l. C'est en outre le meilleur niveau de marge alimentaire atteint par l'élevage sur ces dernières années.

Si le Gaec s'en tire particulièrement bien sur le plan de la marge brute, c'est aussi grâce à ses ventes d'animaux. Quarante ventes au total ont été réalisées : des vaches en première et deuxième lactations, valorisées en moyenne 1 380 € par animal, et des réformes (1 010 € par tête). « Ce nombre de ventes est assez exceptionnel, souligne Patrick Marin. En général, nous vendons, selon le quota à réaliser, dix à vingt vaches en lactation par an, à la suite du vêlage de près d'une cinquantaine de génisses. » L'élevage peut valoriser autant de femelles car il sait « faire durer » ses productrices. « Notre rang moyen de lactation est de 3,4 et 40 % du troupeau dépasse les quatre lactations », situe l'éleveur. À comparer avec « un âge moyen des vaches françaises de 2,5 lactations, permettant juste d'amortir l'élevage des génisses qui s'effectue sur 1,8 lactation en moyenne », souligne Stéphane Lartisant. Ce produit viande représente 72 €/1 000 l et accentue le bon niveau de marge brute. Celle-ci, ramenée à l'unité de main-d'oeuvre (1,4 UMO est affectée à l'atelier lait), représente près de 110 000 € par unité de main-d'oeuvre, et l'écart avec le groupe sur ce critère est tout aussi marqué.

Le Gaec a renoué avec les tourteaux de soja et colza cet hiver 2013-2014. Ils représentent 12 % du mélange de matières premières et coproduits, et la ration établie doit permettre d'atteindre 30-31 l par vache laitière. Désormais équipés d'un dac « pour complémenter les meilleures laitières et faire persister la production chez celles vêlant au printemps », les associés constatent 7 800-8 000 l par vache laitière. Ils devraient pourtant atteindre 9 000 l selon l'ingénieur BTPL, qui attribue cet écart à l'ensilage d'herbe très sec distribué cet hiver.

Qu'en sera-t-il des résultats économiques ? : « Sur le mois de février 2014 uniquement, comparé à février 2013, nous arrivons à la même marge alimentaire : le produit lait, en hausse par rapport à l'an dernier, a juste couvert la charge d'alimentation supplémentaire... »

CATHERINE REGNARD

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